lundi 10 mars 2014

Alain Resnais (1922-2014)

Resnais aura fait rêver.

Né à Vannes, une commune française située dans l'ouest de la France sur la côte sud de la région de Bretagne, ce fils de pharmacien est très tôt sensibilisé à toutes les formes d'art.

À 12 ans, il s'intéresse à la photo, la peinture, la BD, la littérature.
Jean Ray, Marcel Proust, André Breton.
Il se fait offrir à cet âge un premier appareil Kodak 8 millimètres.

Même si il veut faire l'acteur, et le fera brièvement dans Les Visiteurs du Soir, c'est derrière la caméra qu'il se plantera. Pour réinventer l'oeil en dansant sur nos cerveaux.

 cinématographique qu'il se met à réaliser des courts-métrage sur ce qui pique sa curiosité. Il en tournera 27 entre 1936 et 1992. Il rafle un Oscar dans cette catégorie en 1950 pour un de ses films. Nuit & Brouillard en 1955, inspiré des écrits et de l'expérience du poète Jean Cayrol, déporté dans les camps d'extermination nazis, est une autre oeuvre fabuleuse. Et troublante.
C'est après un cours de montage

Dès le départ, Resnais veut créer des formes inédites et enrichir les codes de représentations visuels et narratifs du Cinéma. Il impressionne Godard qui devient vite jaloux. En 1959, Resnais, déjà fort prisé pour ses documentaires et ses courts-métrages, tourne son premier long métrage. Il est écrit par Marguerite Duras et déroute à peu près tout le monde. Cette proposition de l'évocation du temps perdu, de la mémoire et du désir sur fond de bombe nucléaire est un immense succès international. Cannes lui donne son prix le plus prestigieux et Resnais est déjà un nom à retenir. Il est aussitôt associé à la Nouvelle Vague française dans la section "rive gauche", c'est-à-dire la part "plus engagée" avec Chris Marker entre autre. Il sera l'un des signataires du manifeste des 121.

Son second film est un autre chef d'oeuvre. Certains y voient un petit intellectuel qui joue gravement à faire du cinéma. D'autres, comme moi, y voient un voyage dans l'inconscient fabuleusement intéressant, voire sensuel. Surréalisme, style, onirisme, distanciation Brechtienne, le film scénarisé par Alain Robbe-Grillet et inspiré de L'Invention de Morel d'Adolfo Bioy Casares, trouve aussi un très large public. Son abstraction et son hermétisme en rebute toutefois plusieurs également.

Le film suivant, qui traite de la torture pendant la guerre d'Algérie en fera les frais. Le public ne suit pas vraiment. L'écrivain espagnol Jorge Semprùn lui scénarise un film sur la période Franquiste et l'Espagne de Franco en est outrée. La Tchécoslovaquie aussi mais les cinéastes, Milos Forman en tête, le récompensent.

En 1967, il touche au Vietnam avec des amis, puis l'année suivante, réalise un film de science-fiction sous la plume de l'auteur français Jacques Sternberg. Il participe aussi au collectif adapté du bédéiste Gébé avec Jacques Doillon, Jean Rouch et Gébé lui-même.

Avec Belmondo, Resnais tourne en 1974 un film racontant la vie de l'escroc Serge Alexander Stavisky.

Mêlant délire, fantasme et réalité prosaïque, son film suivant est un hommage (en anglais) à H.P. Lovecraft.
Cette mise en abîme est un tel succès qu'il rafle 7 Césars en 1978 dont ceux du meilleur film et du meilleur réalisateur.

En 1980, Resnais mélange documentaire (les théories de l'anthropologue Henri Laborit) et fiction dans Mon Oncle d'Amérique.

À partir de cette époque, Resnais s'entoure d'un trio d'acteur qui ne le quittera plus: Pierre Arditi, André Dussolier et Sabine Azéma. Cette dernière le fera même quitter l'épouse qu'il avait depuis 1969, la monteuse Florence Malraux (fille d'André) pour partager sa vie avec lui. Il épousera Azéma en 1998. Les 4 films suivants sont toutefois des échecs.

Il adapte alors 8 pièces de l'auteur britannique Alan Ayckbourn et fait jouer pas moins de 11 rôles à Arditi et Azéma, dans les films Smoking/No Smoking. Il obtient le César du meilleur film et du meilleur réalisateur, ses acteurs, les honneurs individuels. De jeunes Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri signent l'adaptation.

S'apparentant au théâtre de boulevard et rendant hommage à Dennis Potter, la comédie musicale On Connait la Chanson sera un immense succès. Le couple Jaoui/Bacri est la saveur du moment. Resnais renaît.
Ce sera le plus gros succès commercial de Resnais à vie.

Le ton grivois, burlesque et vaudevillois du film suivant, une opérette, sera influencé par le succès d'On Connait la Chanson.

La solitude urbaine dans un décor enneigé et tragi-comique, Beckettien, sera au Coeurs du film suivant.

Resnais lance une histoire d'amour absurde et surréaliste en 2009, l'année que l'on lui remet un prix d'excellence pour l'ensemble de sa carrière. Il tourne un autre film en 2012, mêlant hommage à Al Jolson, Jean Anouilh et Eurydice.

Le 26 mars prochain, son dernier film, une adaptation de Life of Riley d'Alan Ayckburn, sera lancé sur les écrans Français.

Le 1er mars dernier, l'un des plus grands représentants du Nouveau Cinéma, père de la modernité cinématographique européenne et grand ami des arts, réinventeur de la grammaire du cinéma classique et déconstructeur de la narration linnéaire, nous as quitté à l'âge de 91 ans.

On l'enterre aujourd'hui.

Merci la vie pour Alain Resnais.

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