vendredi 7 septembre 2012

Là Où Se Trouve John James Dans Sa Tête

Il y a 7 ans, un chasseur de tête venait de me chercher là où j'étais (très bien, mais sous payé) et j'entrais dans une grande compagnie internationale de jambon.

Pour y faire un travail que je n'étais pas complètement qualifié pour faire mais qui ressemblait beaucoup à ce que je faisais dans la culture déjà. La paie y était très bonne.

Au début notre département était tout jeune et nous étions beaucoup laissé à nous-même. Nous avons dû nous débrouiller au meilleur de nos capacités et se développer des méthodes à nous pour arriver à nos fins. Humblement, nous étions drôlement efficace. Et comme tout bon monstre, la compagnie en a abusé.

Rapidement, on comprendrait que nous serions toujours seuls.

Dans le nouvel édifice de l'ouest de Montréal, on avait préparé un vidéo d'accueil faisant le tour du building, des départements et de ses employés. On était bien venu filmé dans notre coin mais au montage final on en avait rien gardé. Nous étions pourtant indispensables à la gestion de l'entreprise et au moins 5 des 8 membres de département étaient tout ce qu'il y a de plus photogéniques. On avait compris qu'on serait les rejetés de Jambon Inc. Les utilitaires mais pas ceux avec qui on aurait du fun. Ce qui était faux et injuste. Même entre nous on ne s'attendait pas à ce qu'on se diverstisse puisque nous ne pouvions pas être plus dépareillé. Tous les 8.
La nature de notre travail était extraodrinairement intense. On devait faire beaucoup avec bien peu de moyens et on réussissait de petits miracles. Nous rentrions vers 5h du matin pour pouvoir communiquer avec l'Eurasie en direct et se sauver une fortune de temps dans nos échanges de courriel. On dinait souvent en 15 minutes au bureau en travaillant et terminait quand même la journée vers 17h00. Bien entendu nous n'étions pas payé les deux heures supplémentaires par jour. On nous demandait même, sans gêne, de former un partenaire afin que du jour au lendemain il puisse vous remplacer si vous vous faisiez frapper par un autobus. Ou en d'autres mots: ne vous rendez pas indispensables. La mort du sentiment d'utilité.

Ça faisait de très longues journées, très épuisantes mais surtout très occupées. Mes publications entre 2008 et juin 2009 peuvent quelques fois en témoigner. Rares étaient les moments de réèlle détente.

Le téléphone sonnait continuellement, nous avions une douzaine de courriels au 20 minutes et toujours un représentant ou deux ou trois qui venait faire la pute autour de nous pour nous faire passer des commandes en dehors des délais. Quand l'intensité était à son maximum, on pouvait prendre des décisions, avoir des communications ou faire des choses dont on ne se rappelait qu'en soirée, dans la nuit ou le lendemain.

Quand la compagnie faisait des activités comme des tournois de flag football ou de soccer, nous n'étions jamais invités car nous étions toujours trop occupés. Quand quelqu'un merdait, nous étions le département par excellence pour pelleter la merde des autres car nous étions perpétuellement débordés. Les victimes toutes désignées. The usual suspects. On en devenait paranoiaque.
Dans la confusion, nous rencontrions des vingtaines de personnes par jour. Parmi ceux-ci quelques fois des amis qui venaient profiter du fait que nous soyions employés pour venir magasiner au magasin de l'endroit, où l'accès était réservé aux parents et amis pour avoir accès à des viandes à 50% du prix, le prix employé.
Un jour un voisin, dans mon quartier de mafieux, est venu me voir pour avoir accès au magasin. Je lui ai gentiment offert de passer. Ce qu'il n'a jamais fait. Il est italien. Toutefois, je ne sais trop comment tout ça a glissé mais en l'espace de quelques mois je reçevais des appels au bureau qu me disait "Hunter, ton ami Francesco est ici" ou "Hunter, Lucca est ici" ou encore "Hunter, Bianca est en bas". Je descendais, donnait accès à ses étrangers qui avaient tous en commun d'être italiens mais qui n'étaient certes pas mes amis. De débordé au boulot j'avais aussi perdu le contrôle sur ceux qu entrait dans le magasin en bas sous pretexte qu'ils étaient "mes amis".
Je m'étais rendu voir mon voisin pour lui dire de cesser de m'envoyer son entourage mais c'était comme demander au gouvernement de reculer sur les gazs de schiste, rien ne changeait. Quand j'ai quitté la compagnie en 2009, il y avait encore une demie-douzaine d'italiens qui prétendaient me connaître et qui voulaient avoir accès au magasin en utilisant mon nom comme passeport.

J'ai quitté la compagnie au seuil de la dépression. Celle-ci m'a en fait été clairement identifiée par un médecin. La compagnie avait choisi de faire le ménage et avait préssé le citron davantage dans notre département pour nous forcer à abandonner nos postes. J'avais, pour moi seul: 8 patrons! Ça a marché. Si j'étais malheureux de devoir quitter malade, j'étais plutôt content de quitter ces étranges badauds profiteurs que je ne connaissais pas du tout.

J'avais été hameçonné.
Mais maintenant libre...
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John James Charest a quitté ses fonctions de premier ministre et chef de parti Libéral. Je ne pensais jamais dire cela mais il a fait deux très beaux discours. Dès la veille de son discours de démission, on sentait qu'il n'y avait plus de filtre, que sa décision était probablement déjà prise. Son héritage ne sera rien de ce qu'on lui prête mais son discours était senti et je l'avoue, plutôt lumineux.

On sentait John James libéré de ses chaînes. Le lendemain, il a annoncé sa démission avec un autre discours plutôt réussi pour un bandit de son espèce. Rappelons qu'il n'avait que 32 ans, quand il a dû démissionner de son poste de ministre conservateur au Fédéral pour avoir appelé personnellement un juge et tenté de faire pression sur sa personne.

L'éthique douteuse de John James Charest ne date donc pas d'hier.

Mais mercredi, et mardi soir, quand il a fait coup sur coup deux discours d'ange déchu, je dois l'avouer il brillait.

Et je sais ce qui le rendait soudainement si léger.

Tout ces badauds profiteurs italiens qui se sont gréffés au frisé à l'éthique douteuse au cours des années qui ne seraient plus dans ses pattes maintenant.

John James Charest était hameçonnable.
Et là, le poisson nage enfin librement.

La commission Charbonneau devrait nous en donner un peu plus là-dessus sous peu.

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