Cinema Paradiso: Gainsbourg (Vie Héroïque) de Joann Sfar

Chaque mois, dans ses 10 premiers jours, tout comme je le fais pour la littérature (dans ses 10 derniers) et tout comme je le fais pour la musique (vers le milieu), je vous parles de l'une des mes 3 immenses passions: Le cinéma !

Je l'ai surconsommé (le surconsomme encore), étudié, au Cegep, à l'Université et dans une école privée, y ait pratiqué, en fût récompensé, en suis sorti, mais le cinéma ne sortira jamais de moi.

Je vous parles d'un film que j'ai très souvent dans ma large collection de DVD, en raison de son histoire, son sujet, sa trame sonore, ses thèmes, sa réalisation, sa cinématographie, ses interprètes, son audace, bref je vous parles d'un film dont j'ai aimé pas mal tous les choix. Je vous parles cinéma.

GAINSBOURG (VIE HÉROÏQUE) de JOANN SFAR

On ne nait pas avec le racisme. On l'apprend. On pourrait dire la même chose du courage, Il nait en vous presque toujours de manière spontanée, avec l'épreuve. Le courage de Gainsbourg est né quand, enfant, il était forcé de porter l'étoile de David pendant l'occupation allemande, en France. Puisque Juif. Il a des traits si marqués d'ailleurs, qu'il ne s'aime pas et se trouve laid. Ces moments "emo" d'haine intérieure sont illustrés de manière surréaliste par un personnage imaginaire à la grosse tête de chou, qui apparait à certains moments. Le réalisateur Joann Sfar est d'abord et avant tout un bédéiste et un homme issu du secteur du dessin et de l'animation. Ça se goûte de l'oeil tout le film. Sfar se réserve aussi le rôle de George Brassens, auquel il ressemble beaucoup d'emblée. C'est aussi une petite merveille de voir Éric Elmosnino, parfait sosie du jeune Gainsbourg tout comme l'était Sam Riley pour Anton Cobijn dans la peau de feu, Ian Curtis, chanteur de Joy Division. On a la réelle impression d'avoir sous les yeux un jeune Gainsbourg. 

Bien entendu, il y a le génie musical qui l'a gardé constant succès du soft jazz, au sophistipop, du crooner, aux rythmes africains, à la pop, au yéyé, au folk, au folk symphonique, au disco et au reggae sur une période de presque 50 ans. On le voit à ses débuts comme accompagnateur au piano de Juliette Gréco, côtoyant Boris Vian, incarné par un très adéquat Phillipe Katherine. On voit à ses côtés les plus belles femmes des années 60. Attirées par l'or qu'il faisait pousser dans leurs carrières. Et par la timidité maladive qui lui donnait envie de saboter toute sortie publique. Aidé souvent d'excès d'alcool pour faire sortir du "tout croche" et apeurer ceux et celles qui ne voulaient jamais le comprendre. Il a fait croire et chanté qu'il pourrait trouver sucrée fruitée sa propre fille. Il a mis sur disque des amoureuses qui gémissent. Il a rendue reggae l'hymne national Français, Clin d'oeil à Jimi Hendrix qui avait électrifié à la six cordes l'hymne national des États-Unis. Bien entendu personne n'a compris sa blague. Il se faisait parfois un devoir de rester dans le confort de l'isolement que suscite l'incompréhension. 

 Son côté auto destructif était inné. Il fume comme une cheminée. Pour ainsi se contaminer, il faut de l'intérieur, ne pas tout le temps s'aimer. Publiquement et intimement, il aimait se saboter. C'est un film excentrique sur un être excentrique à la vie excentrique. Il aurait même été plus approprié de d'avoir mis ce mot "Excentrique" dans le titre au lieu d'Héroïque. 

Il était outrageant principalement car il se foutait de tout. Il avait atteint le sommet de la pyramide du monde musical français, et même mondial à partir de Je T'aime, Mon Non Plus. Quand le Vatican vous condamne, vous avez gagné la part saine du monde entier. Ceux et celle qui ne connaissent pas Gainsbourg resteront surpris de reconnaître des morceaux qui ont fait le tour du monde. Quand Gainsbourg devient démon, il est Gainsbarre. Et son alter ego imaginaire, appelé correctement "La Gueule", rote rôde autour. 

Artiste assez gigantesque, immortel, on trempe tout à fait dans un film qui baigne dans les arts, parfois très colorés, parfois caricaturés, avec des passages de Lucy Gordon, suicidée avant même la sortie du film, en Jane Birkin, Claude Chabrol en producteur musical et Laetitia Casta en Initials B.B. 

Pourquoi Gainsbourg était un héros ? Parce qu'il a créé une oeuvre consommable à toute les saisons. 12 mois par année. Des vies entières. Mais aussi parce que comme Sinatra et quelques punks, il a tout fait à sa manière. Fonçant tête (de chou) première. 

Écrivain polémique, controversé, poétique, érotique, niché, scatologue, provocateur, poète maudit, il était homme de multiples défis. Pour donner une mesure de l'importance de son oeuvre, il reste le meilleur vendeur francophone au Royaume-Uni avec Soeur Sourire et Céline Dion. Il composera pour plusieurs, dont France Gall, Alain Chamfort. Françoise Hardy*, Juliette Gréco, Catherine Deneuve, Petula Clark Marianne Faithfull, Vanessa Paradis, a tourné du film et réalisé du clip. 

Il a marqué la culture française mondiale. 

Il influencera des tonnes de gens, dont Renaud, Etienne Daho, Luna, Beck, Belle and Sebastian ou Portishead. 

Film extrêmement satisfaisant.

*La belle Françoise inspirant le sexe à Serge, il s'était donné le défi de lui écrire une chanson entière en rimes en "ex" sans utiliser le mot "sexe".