dimanche 19 janvier 2025

David Lynch (1946-2025)

David, je m'adresses à toi maintenant que tu es parti. Surréalisme oblige.

Tu as changé ma vie.

Depuis jeudi, je suis dans un de tes rêves tordus. Le bien de tout artiste est de se rendre immortel(le) par ses oeuvres. Tu sera immortel pour nous tous. Qui ne sauront plus complètement rêver maintenant que tu nous as quitté. Tu as dansé sur nos consciences.

Tu as créé des corridors mentaux uniques. Tu as compris qu'on avait jamais besoin de complètement comprendre. Que le cinéma, la musique, les arts étaient voyages.  Tu le disais si bien toi-même, pourquoi les gens s'attendent à ce que nous faisions du sens ? Les gens acceptent que nous vivions dans un monde qui ne fait pas de sens. L'art n'est pas supposé faire du sens. C'est justement dans les parties qu'on ne comprend pas, dans le conflit entre la logique et le chaos, que plusieurs d'entre nous avons découvert qui nous sommes. 

Tu nous as transposé dans des mondes parallèles tout en nous gardant dans de la réalité toute simple. Une oreille dans le gazon d'un terrain de banlieue comme MacGuffin d'un film. Une femme qui nous offre de la sagesse mais qui doit garder une buche dans ses mains comme Linus tient sa doudou en tout temps dans Peanuts. Un homme qui se magnifie autrement que ce qu'il est doublé d'un commentaire sur les autres réalisateurs. Des routes et des routes. De la tarte aux cerises exquise.

C'est la femme à la bûche qui nous dira que la mort n'est pas la fin. Que ce n'est que du changement. Qu'il ne faille jamais avoir peur du changement. Les David sont excellents pour nous faire accepter le changement, la différence. Tu as déjà dit que ceux et celles qui ont un problème avec les trans qu'ils devraient soigner leurs coeurs ou mourir. 

Dans ton coeur il y avait les voitures. C'est si loin de moi. Mais tu étais aussi passionné de fromages. Là-dessus, on est jumeaux. Tu as changé ma vie car mon premier contact avec toi était un mépris des banlieues. Tu me présentais des prisonniers de l'ennui. Des otages en marge d'eux-mêmes. Je ne peux pas prétendre que j'avais ensuite accroché sur ta hantise de la paternité que tu avais fait en 1977. Tourné sur plusieurs années, j'avais trouvé que ça avait paru. J'ai toutefois mieux aimé, adulte. La vibe est parfaite. Mais contrairement à plusieurs, j'avais adoré ton Dune. Je le trouve riche et coloré. J'avais 15 ans. N'en aurais jamais plus de 25, vraiment. Tu guidais la parade du carnaval de la vie que je découvrirais en vieillissant. Tu as révolutionné. Tu étais de l'esthétique du magicien. Là où la plupart nous montre l'assistante, les mains attachées dans le dos qui aura le veston de quelqu'un dans la foule, même si les mains "restreintes" toujours dans le dos, après un passage au noir, toi, tu nous présentais hors de la boîte, un cowboy sorti du noir ou des démons de Tv Diner

Tu étais sculpteur de sensations.

Sculpteur, peintre, réalisateur, écrivain, musicien, designer de meubles, acteur, photographe, tu étais artiste entier. Digne des trophoux de Ducharme. Tu étais fidèle à ta gang. Kyle, Jack, Micheal J., Frances, Scott, Cat, Reb, Laura, Miguel, Sherilyn, Freddie, Everett, Naomi, Alicia, Grace. Je suis aussi un homme de gang. Même si en présence des autres je suis consumé de solitude, dans le feu de l'action, tout le temps, mais encore suffisamment en recul afin de comprendre les possibles conséquences de tout ce qui se déroule autour. Comme toi.  

Tu as été tornade dans nos déserts. Moi & plusieurs de mes amis. Tes fans. J'ai tous tes longs métrages sauf 2 qui me rejoignent moins et trois de tes séries. Je sens que je vais me taper un festival de tes oeuvres prochainement. Encore la semaine dernière je regardais si tu avais des projets en cours. Je surveillais le menu de tes intérêts. Tu pouvais être si drôle

Tu étais océan là où tout le monde ne voit que l'eau. Profondeur là où tout le monde ne voyait que surface. Temps, là où tout le monde ne voyait qu'argent. Qualité, là où tout le monde voyait rentabilité. Tu étais mystère et subtilité, là où pouvait s'attendre à du clef en main sentimentale et du prêt-à-manger. Tu étais créativité. Ciel et étoile. Comme tu le disais si bien tu voyais le casse-tête assemblé dans la pièce d'à côté, mais t'intéressait aux morceaux, et les utilisais comme appâts.

Quand nous sommes arrivés à l'âge de se choisir une profession, moi, scénariste, mes amis réalisateurs et producteurs, ont voulait tous "faire du David Lynch". Ce qui était compris comme "du n'importe quoi". On taisait donc notre favori. Mais c'était à nous de franchir les portes que tu nous ouvrais. C'était se faire arracher de notre chez nous pour être transporté dans l'inexpliqué que tu nous proposais, de manière si soignée, c'était rare. Tu m'a fait découvrir ce qu'est être à la fois authentique et spécial. Tu as capturé le sinistre des inconscients collectifs. Tu était ta propre octave, ta propre galaxie. Tu serais celui qui filmerait les fourmis rouges quand tout le monde ne verrait que les noires. 

Tu as quitté notre planète et t'avoir rencontré a été plus qu'un immense privilège. Tu as touché mon coeur. Ne plus fréquenter tes films serait un crime personnel. Merci de l'héritage. On en est tout plus riche. 

Ce n'est pas du tout innocent que la dernière fois qu'on t'a vu, tu jouais "le meilleur réalisateur de tous les temps" pour Spielberg.

Tu l'étais pour moi.

Have a great day, David.

Je dois m'arrêter ici, quelqu'un chante dans le radiateur. Je dois investiguer tout ça. 

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