Et respirer, c'est vivre.
LA VERSION QUI N'INTÉRESSE PERSONNE d'EMMANUELLE PIERROT.
Emmanuelle a 31 ans. Et déjà, elle transpire le talent. Née à Montréal, elle a toutefois été Dawsonite, à Dawson City, au Yukon vers 2010. Et longtemps après aussi. S'inspirant de sa propre expérience là-bas, la jeune poète (d'abord) a écrit un premier roman remarquable.
Sacha et Tom ont 18 ans. Le jeune couple d'amis trouve la communauté de punks qu'ils recherchaient au confluent de la rivière du Klondike, au Yukon. Mais dans une liberté faussement calibrée entre les genres, les ami(e)s ne le resteront pas nécessairement tout le temps. Particulièrement quand la pandémie leur rentre dedans. Une ligne pas nécessairement fine se dessine entre amants, amantes aux différentes tangentes. Les courbes n'ont pas un seul point. Les fourbes se façonnent. Les ragots naissent dans un esprit de clocher qui faussement sonne. On goûte avec autant de beauté que d'horreur à la version qui n'intéresse personne.
L'auteure est aussi punk que ses personnages. Crue aussi. Brutale. Du parler choc dans le dialogue. Bukoswki au féminin. Rien de moins. Les progressistes ont la vie dure et ici, l'intensité est au rendez-vous pour celle qui s'inquiète de la déshumanisation des Femmes. (ma majuscule). Elle dit avoir encore beaucoup d'histoires à raconter. Je la suivrai.
La toile se tisse autour de Sacha au point de la retrouver piégée dans ce qui devient un thriller psychologique après avoir été un portrait de communauté folk. On The Road de Jack Kerouac, The Naked Lunch de William S. Burroughs et le film Into The Wild de Sean Penn sont la trilogie des astres qui guident les vagabonds qui adoptent une chienne-louve qu'ils baptiseront joliment Luna. Astre ultime la lune. Qui aveugle et endors autant qu'elle fait reluire.
Sa plume est brillante. Mais on reste dans la nuit narrative. C'est dur. Elle a les cheveux roses mais jardine le noir. La vie n'est pas tricotée d'histoires toujours heureuses. Le pays d'en bas avec son clown nous le rappelle tous les calisse de jours. Un livre qui peut mettre en colère. Qui se cherche du bouc émissaire. Qui a tout pour plaire et déplaire.Bouleversant, criant de vérité, effrayant, déstabilisant et traumatisant. On nage dans le nihilisme à la limite du survivalisme. Survivalisme sentimental, très certainement. L'effet de tribu peut gangréner un(e)humain.
Harmonie violente où le rappel que très peu de gens visent le bien, ça résonne sur ma personne. Comme la Sache d'Emmanuelle, j'ai pensé plus jeunes que les gens, d'emblée, voulaient faire le bien. La naïveté reste plus longtemps chez certain(e)s.
Encore cette semaine, je voyais une jeune femme raconter qu'à un rendez-vous avec un homme, un homme séparé de la mère de leur enfant, elle était resté surprise le premier soir de le retrouver fort attentif à un rassemblement de partisans de Trump à la télévision. Elle lui a demandé pourquoi était-il si attentif et il lui a répondu qu'il était un fier supporteur de tout ce qui entoure Trump. Elle lui a aussitôt dit, effrayée "mais que fais tu des droits humains ? du droit des femmes ?" Il lui a répondu du tac au tac qu'il ne pouvait pas s'en moquer davantage que tout ce qui l'intéressait était les intérêts que ses placements faisaient. Lui, père d'une fille. Elle a fuit les lieux. Terrorisée. On vit dans un monde de chiens. Aussi beaux que brutaux. Le monde vire mal. Emmanuelle raconte un monde qui vire mal. Elle crache toute la laideur de la terre. Avec une beauté lyrique baignée dans une certaine misère.Du beau dommage. Pas le band de musique. L'adjectif et le nom.
Mais un fameux livre signée de quelqu'un de chez nous. De 2024.
Qui aurait plein d'autres histoires dans sa besace.
Niiiiiiiiiiiice!
Anxiété, authenticité, envolée, une auteur est née.Même si parfois les papillons restent coincés dans les toiles d'araignées. Leurs ailes restent belles.
Myriam Verreault, excellente co-réalisatrice d'À l'Ouest de Pluton, que j'ai tant aimé que j'ai acheté, et réalisatrice/oc-scénariste du tout aussi excellent Kuessipan, adapté de l'autochtone Naomi Fontaine, adapte aussi ce livre depuis 2024, et aurait commencé le tournage pour en faire un film.
Que je m'empresserai d'aller voir, sans réserve.
Ce livre a gagné la dernière édition du combat des livres organisé par la radio de Radio-Canada.
Du paradis au refuge. Bel expiration bruyante. Intérieur grabuge. Humanité chancelante. Très très actuel.
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