lundi 3 juin 2024

Gars de Petit Village

J'ai 52 ans. Si vous comptez bien, ceci veut dire que je suis né en 1972, que j'ai eu jusqu'à 7 ans avant les années 80, et de 8 à 17 dans les années 80. 

J'habitais alors la ville de Québec. Sillery plus précisément. Enfin nous habitions à la frontière et notre maison était le coin de deux rues. Nous étions le coin de la frontière Sillery, Québec. Nous avions 2 adresses. Une sur Belvédère, pour le 2 1/2 que nous louions et une autre sur le Chemin St-Louis pour notre famille de 5. Un bout de temps on a eu le DJ du FM 93 qui animait l'émission de 9H à 10H le matin, après le populaire Zoo de Gilles Parent, Alain Dumas et Michel Morin comme locataire du 2 1/2. Je ne le nommerai pas, faites vos recherches. Nous étions donc à Sillery, mais l'autre côté de Belvédère était Québec et sur la face Sud aussi, de l'autre côté du Chemin St-Louis, c'était Québec. Le Chemin St-Louis devient d'ailleurs Grand Allée rendu là. Passé les feux de circulation que je voyais changer dans un reflet jusque dans ma chambre la nuit.  

Jusqu'à 1984,un peu après surement aussi, habitant la plutôt conservatrice région de Québec, j'étais sournoisement raciste et homophobe. Deux choses qu'on nous apprend. Mais quand on baigne dedans, on n'en prends pas tant conscience. C'est en lisant beaucoup, mais surtout en quittant le région que je me suis rendu compte des faiblesses de mes raisonnements, presque toujours inconscients. Ma région était si homogène. Et ma société, homophobe. 

Je riais beaucoup, mais surtout sincèrement, de blagues de Rock & Belles Oreilles, qui ne passeraient plus aujourd'hui où la punchline du sketch était parfois simplement l'aspect homosexuel de certains personnages. Tout mon secondaire, un terme péjoratif largement dit par mon entourage et moi-même était de qualifier un ami de "gay". C'était innocent dans tous les sens du mot. C'était de l'ignorance indigne, mais c'était notre époque. Un peu comme tout ceux et celles qui parlaient du mot en "N" pas longtemps avant nous. Que nous utilisions aussi souvent. Il n'y avait pas de couleurs dans notre conservatrice région. J'ai grandi dans les âges nommés plus haut avec 5 humains à la peau noire seulement et j'étais impliqué dans des tonnes d'activités. Olivier, Donald, Ednar, Nicolas, Alexandre. Aucune mais aucune fille. Sinon la soeur d'Alexandre. Et ai eu un enseignant adulte à la peau noire, Jacques. Une fréquentation asiatique, Pierre. Mais très très peu de diversité. Je ne l'ai connue que lorsque j'ai quitté. Outre Prince, je n'écoutais aucun artiste à la peau noire. Ou si peu. Stevie Wonder un peu parce que mes parents se sont mis à adore I Just Called To Say I Love You. Puis Part Time Love. Ces mêmes parents, qui était indirectement responsables d'un racisme latent et sourd, seraient le lien vers le contraire du racisme.  Le Stevie Wonder des années 70 est extraordinaire. Curtis Mayfield est un des plus beaux talents musicaux. Le jazz, le blues, le rock'n roll leur doit tout.

En 1984, j'avais 12 ans. Il n'y avait pas de Youtube et même pas de stations qui présentaient des vidéos musicaux. Il y avait cette station, au 26, la dernière de la rotation des stations, qui diffusait une émission par semaine de 3 vidéoclips récents, une seule fois dans la semaine, et en reprise pendant 7 jours. 

What's Love Got To Do With It, The Reflex, Live Every Moment, Forever man, Out of Touch, The Search is Over, et ainsi de suite. 

Small Town Boy était un de ses vidéos qu'on pouvait voir sur 7 jours. Il était très facile de comprendre la narration du clip. C'était carrément le tout premier clip a caractère gay que je voyais. Je me souviens avoir été déçu car j'aimais beaucoup la chanson. L'aime encore. La même année, David Bowie m'entrait vraiment dans les oreilles et je commençais une passion pour cet artiste qui ne m'a jamais lâché. Je le tairai au moins 4 ans. Parce que je jouais dans des équipes de hockey et ça aurait paru "gay" que je confesse que j'aime Bowie, The Smiths ou REM. Dans la chambre on écoutait Maiden, Metallica, Def, mais ironiquement aussi...Judas Priest...

Présentement, la chanson de Bronski Beat est surutilisée. Je suis content pour Jimmy Sommerville, si il fait de l'argent avec ça. Tout comme j'avais plutôt pitié de lui dans le clip, en 1984, et je ne pouvais pas concevoir qu'on pète la la gueule à quelqu'un par simple homophobie. En rire peut-être, alors, mais en venir aux coups ? La chanson se brûle tranquillement car elle est surutilisée sur Tik Tok avec cette tendance zoologique qui fait filmer des plus jeunes, des parents de ma génération sur un extrait de cette chanson. Ça semble amusant pour d'autres. Personnellement, je ne vois jamais rien d'anormal, mais je suis de la génération X, suis-je bon juge ? Chercher sur Tik Tok il y en a des tonnes. 

Mais en séries éliminatoires de la Coupe Stanley, dans la LNH, où il y a des matchs tous les jours, il y a aussi cette publicité d'une banque qui utilise le même morceau et qui passe 22 fois par match. 

Cette bonne chanson se brûle. Mais pas son sujet. En 1984, on disait Fif pour s'insulter. Et on utilisait le mot en N. 

Aujourd'hui, beaucoup de choses ont changé. Dont nous. Je ne suis plus qui j'étais dans ce petit coin de pays-qui-ne-veut-pas-en-être-un-complètement. 

 Mais j'étais définitivement un gars de petit village avec la plus petite des têtes adolescentes. Esprit de clocher. Joueur de hockey. Plus maintenant, à 52 ans. Même bien avant. Ça aura pris du temps. J'ai du respect pour tout le monde (ou presque) mais surtout aucun non respect pour les humains à la peau noirs ou pour la diversité sexuelle. 

À la fin du clip, je remarque une fin heureuse que je n'avais retenue alors. Sommerville partage une pomme avec deux amis. La pomme de l'acceptation ? La pomme interdite ? Une référence à Adam & Eve ? Ces amis étaient-ils parmi ceux qui l'avaient tabassé ?

Peu importe, en ce mois qu'on dit de la fierté, je souhaites à tous ceux et celles qui sont suffisamment braves pour assumer ce qu'ils sont, qui ont fait la route dans le plus compliqué des trains intérieur, et qui au final y ont trouvé cette chose si rare qu'est l'authenticité, d'avoir trouvé la paix et la tranquillité d'esprit.   


   
Je cherche encore ce bracelet qui porterait les couleurs de du drapeau. J'y ai l'espace sur mon bras gauche. Le trouverai peut-être ce mois-ci. À la fois pour montrer que je suis un allié, à la fois comme "va chier" à tous les haineux. 

Conscient que ça pourrait envoyer des messages contradictoires publics, mais n'est-ce pas ce que Bowie ou Prince ont toujours fait aussi ? ;)

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