samedi 6 janvier 2024

Cinéma Paradiso: Diva de Jean-Jacques Beinex

Chaque mois, dans ses 10 premiers jours, tout comme je le fais pour la littérature (dans ses 10 derniers) et tout comme je le fais pour la musique (vers le milieu), je vous parles de l'une de mes trois immenses passions: Le cinéma !

Je l'ai surconsommé, le fais toujours, l'ai étudié, en fût diplômé, y ai travaillé, en fût récompensé, c'est un monde que j'ai quitté, mais jamais le cinéma ne me quittera.

Je vous parles d'un film que j'ai aimé pour sa réalisation, son histoire, ses interprètes, son esthétique, sa musique, sa cinématographie, son audace, bref, je vous parles d'un film dont j'ai aimé pas mal tous les choix. 

DIVA de Jean-Jacques Beineix.

Dans les jeunes années 80, des réalisateurs d'Europe et d'ailleurs étaient souvent issus du monde de la réalisation publicitaire. Jean-Jacques Beineix, Leos Carax, Luc Besson étaient de ceux-là. Ils ont formé à eux trois et en 10 films seulement, ce qu'un journaliste de La Revue du Cinéma a appelé le cinéma du look. C'est un sujet dont je me prive de vous parler tout de suite, et que je vous garde pour d'ici la fin du mois. Il me semble déjà trop vous parler de divertissement en ce début d'année. 

Le tout premier film de ce cinéma du look, était celui-ci. Le premier de JJ Beineix, en 1981.


 Adapté du roman de Daniel Odier (signé sous le pseudonyme de Delacorta) par Beineix et Jean Van Hamme, le film raconte la fascination d'un jeune postier pour une chanteuse d'opéra et les imbroglios dans lesquels il plonge après avoir clandestinement enregistré sa voix. Il se trouvera en possession d'autres enregistrements qui en disent trop sur un milieu qui soudainement, cherche sa tête. Traqué dans quelque chose qu'il ne comprends pas complètement, il se réfugiera chez un (inexpliqué) puissant riche (toujours formidable Richard Bohringer) et sa protégée Alba. Une relation entre la Diva qui ne s'est jamais entendue chanté sur disque et le jeune postier se tisse. Dans une esthétique et au travers de personnages assez extraordinaires. Dont un jeune Dominique Pinon qui ne sourira jamais. 

Kaleidoscope de sexe, d'action, de musique et d'images magnifiquement tournées par Philippe Rousselot, à l'aube d'une sensationnelle carrière de directeur photo, le film est superbement rendu à l'image. Personnages aliénés, marginalisés dans la France de François Mitterand, ces films "du look" étaient davantage esthétique que profonds de contenus. Ce film ne fait pas exception. Plusieurs scènes semblent tournées spécifiquement afin de créer des opoortunités photographiques. Particulièrement dans les scènes d'actions dont je ne suis jamais tellement friand. 

L'auteur Daniel Odier, dans ses livres, utilisera souvent ses personnages du riche reclus et de sa protégée de 14 ans (rien de sexuel) qui est plus sage que son âge ne le suggère dans ses oeuvres littéraires. Ils sont récurrents. La petite a la réputation d'amener le trouble à la maison comme un chat amènerait une souris dans la maison. L'originalité est criante dans Diva. Et ouvre la porte aux Caro & Jeunet du futur. Où Pinon brillera aussi, d'ailleurs. Odier est quelque peu co-inventeur du cinéma du look, lancé par ce film.

En Amérique du Nord, The Hunger, 2 ans plus tard, pourrait aussi être classé dans cette catégorie avec son réalisateur Tony Scott, aussi issu du monde de la publicité télé. Et dont l'esthétique sophistiquée et l'oeil cinématographique sont fort bien développés.  

La trame sonore de Vladimir Cosma, mettant en vedette la vraie voix de la chanteuse Wilhelmenia Wiggins Fernandez, dans son unique film, découverte au visionnement de sa performance dans une représentation de Carmen, à l'Opéra de Paris, est aussi assez exceptionnelle. 

Les néons colorés, très années 80, les mise en scène peu orthodoxes, les personnages de l'ombre aux noms folkloriques comme le curé ou l'Antillais, la superbe photo, la délicieuse musique sont au rendez-vous.

Beineix (Odier) et Van Hamme ont eu la lumineuse idée de donner au spectateur la plupart des clés de l'intrigue, mais de garder leurs personnages dans l'ignorance. Forçant notre complicité dans la compréhension des évènements. Habile. 

La caméra de Rousselot gouverne davantage qu'elle ne suit ce qui se passe. Merveilleux. La caméra se met même à filer vers le ciel quand la musique se fait aérienne et planante. C'est un style qui est presqu'une force de la nature. 

Début formidable pour Jean-Jacques Beineix qui culminera avec 37 Degrés 2, Le Matin, quelques années plus tard. Film que j'aimerai tout autant et qui a presque été celui choisi pour aujourd'hui. 

Puisque tout aussi agréable. Intense. Et surprenant. 

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