mardi 22 novembre 2022

Anaïs (Valérie), Jean, Romain & Moi

Dans la semaine, pour me préparer au samedi, je n'avais écouté que de la musique d'humains à la peau noire. Issue de listes de lecture que j'avais sur mon téléphone.

Lundi: Billie Holiday, Norah Jones, Curtis Mayfield, Prince

Mardi: Prince, Marvin Gaye, Jimi Hendrix, Stevie Wonder

Mercredi: Stevie Wonder, James Brown, Nina Simone, John Coltrane

Jeudi: John Coltrane/Thelonious Monk

Vendredi: Miles Davis

Je suis grand amoureux de l'oeuvre de Romain Gary, amoureux de la beauté morale de Gary, amoureux de sa plume. Je crois que c'est un homme bon. Mes deux uniques buts dans la vie sont d'être le meilleur père possible pour mes enfants et être un homme honnête et bon, ce qui touchera l'amoureuse et tous mes proches, même les moins proches, mêmes les plus poches. Là se loge 100% de mes ambitions. Gary semblait les deux, honnête et bon. Juste. Il s'est flingué. Bon...merde. C'est la partie énigme de sa vie. 

Son récit Chien Blanc raconte 1968 entre lui et Jean Seberg, à Los Angeles, et un chien qui apparait à leur porte, et qui se trouve à être un chien dressé pour courir les humains à la peau noire, les esclaves, qui fuyaient les endroits où ils étaient exploités. En 1968, on les prends encore afin de chasser les noirs dans les manifestations en faveur des droits civiques. Dans les années 80, sous Reagan, on les prendra pour chasser les noirs, dealers de drogue (ou pas).  Il faudra donc le "déprogrammer" ce chien. Mais ceci est métaphore pour la lutte sociale qui a cours en 1968, celle où les humains à la peau noire réclamaient davantage de respect et de droits, aux États-Unis. Au moment où Martin Luther King était assassiné. C'est un de mes livres préférés de Gary, dont le propos est toujours aussi pertinent puisque qu'un certain président a ouvert les valves du racisme récemment et a exposé tout le racisme grinçant encore si lourd, là-bas. Les images d'archives utilisées dans le film relèvent du chef d'oeuvre puisqu'elles croisent 1968 et nos jours au point qu'on n'arrive plus à distinguer une époque de l'autre (la couleur nous aide). C'est dire à quel point c'est encore d'actualités. 

Ma conjointe était tout le week-end, jusqu'à lundi, loin de moi. Et je savais que cette adaptation cinématographique d'Anaïs Barbeau-Lavalette et Valérie Beaugrand-Champagne ne l'intéressait pas autant que She Said ou The Fabelmans (pas sorti , baby!!!!, le 23, pas avant, un soir de belle neige pleine de candeur, on ira).

J'y suis allé seul. sur l'heure du midi. Et j'ai fréquenté la réalisatrice dans mes années étudiantes. J'étais presque gagné d'avance, mais fallait respecter l'esprit du livre. 

WOW!

Très très très très très très réussi. 

J'ai adoré tous les choix. Ce film avait déjà des propos extraordinairement humains dans le livre original, ces lignes nous entrent dedans avec une portée remarquable. Entendre Jean Seberg dire que mourir ne serait pas anormal pour mettre fin à ses souffrances (elle parle du chien dans le film) avec ce que l'on sait, a une résonnance particulièrement intense. Kacey Rohl est formidable. Denis Ménochet, en Gary, l'est tout autant. K.C. Collins est parfait. Anaïs et Valérie ont fait tous les bons choix. J'avais l'impression qu'on pigeait dans ma boite personnelle de mémorables lectures, et qu'on en faisait une application parfaite sur grand écran. 

Vraiment parfaite. Je ne dirai même pas qui devrait se mériter des prix, parce que les prix, bon...c'est subjectif, mais je sais que je suis sur le seuil de me dire que je vais acheter ce film de cette fille que je suis si fier d'avoir cotoyé, à un certain moment de ma vie. 

Je ne sais pas si elle me reconnaîtrait, avec le temps, Anaïs était étudiante en cinéma deux ans avant moi, je n'aurais jamais dû le fréquenter, mais comme j'avais gagné un prix, j'étais dispo, on m'avait demandé de revenir en renfort, en scénarisation, pour son année à elle, pas avec elle, qui était réalisatrice, mais en parallèle, dans les mêmes corridors, les mêmes studios, les mêmes salles de montage, les même cocktails artificiels.

Ce film est humain. Et si inhumain à la fois. 

D'entendre Robert Kennedy, au moins trois fois, qui n'aura jamais été président, dire des phrases si inspirées et réunificatrices, ça me parait si étranger à la politique des États-Unis de nos jours...

Et une ligne me reste toujours en tête. Ce qui est le bien des grands films, ce qui nous reste, nous habite.

L'Amérique doit se sortir de sa préhistoire ne serais-ce que pour croire encore un peu en l'espoir.

C'est encore vrai, en 2022. 

Au pays de l'Oncle race Sam. 

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