mardi 4 octobre 2022

Cinema Paradiso*******************Heavenly Creatures de Peter Jackson

Chaque mois, dans ses 10 premiers jours, tout comme je le fais pour la littérature, dans ses 10 derniers, et tout comme je le fais pour la musique, vers le milieu, je vous parle de l'une de mes 3 immenses passions: le cinéma!

Je l'ai lourdement consommé, le fait encore, l'ai étudié, en fût diplômé, y ai travaillé, en fût récompensé, m'en suis retiré, mais le cinéma ne s'est jamais retiré de moi.

Je vous parle d'un film qui m'a séduit par ses interprètes, sa narration, sa réalisation, sa photographie, son histoire, sa musique, sa direction, ses thèmes, bref, je vous parles d'un film que j'ai beaucoup aimé pour ses choix. 

HEAVENLY CREATURES  de Peter Jackson

Bien avant The Lord of the Rings ou autre conte pour rats de bibliothèques, Peter Jackson avait tourné une dizaine de films, Inégaux. Mais le 7ème, en 1994, était pour mes yeux, assez fameux. Parce que cruellement grotesque et horrifiant. 

Je n'ai jamais été vraiment impressionné par les effets spéciaux qui veulent vous épater d'une bagarre surnaturelle ou d'explosions bruyantes. Ok Star wars, mais j'avais 10 ans quand j'ai vu les deux premiers, j'étais impressionnable et les films le commandait (le 3ème d'alors ne m'avait qu'ennuyé). Mais quand les effets spéciaux sont intelligemment déployés au service de l'histoire en cours, là par exemple, j'achètes complètement. Parce qu'au contraire de celui ou celle qui veut mettre de la poudre au yeux, au risque de la lancer à côté des yeux, les effets spéciaux au service de la narration servent complètement la trame narrative d'un film comme un crayon rouge suivrait les lignes de votre corps pour se rendre au coeur. 

Il faut d'abord suivre le corps, qui est, l'histoire. Et en 1954, la Nouvelle-Zélande en avait une salope d'histoire. Deux jeunes filles de 15 et 16 choisissaient d'assassiner leurs mères qui les empêchaient de se voir en broyant leurs tête d'un gros caillou. Il y avait rumeur de lesbianisme entre le deux jeunes femmes, mais comme l'époque étouffait la chose presqu'entièrement, et que les deux jeunes filles ne comprenaient probablement pas ce qui leur arrivait, le sujet avait été promptement évité. C'est avec le temps qu'on a jugé que des sentiments du genre se dessinaient entre Juliet Hulme et Pauline Parker. 

Toutes deux jugées coupables et servant chacune 5 ans de prison, elles ont été libérées avec la promesse que leurs défuntes mères souhaitaient tant, celle de ne plus jamais se fréquenter, l'une et l'autre.  L'histoire, et une certaine liberté créative, sont déjà en soi, une prémisse intéressante si on avait pas découvert par la suite que l'auteure à succès Anne Perry, auteure fascinée par les histoires de meurtres et de crimes, était Juliet Hulme. Et que 40 ans après les faits, elle commentait le film racontant "ses exploits". Froidement, avec un calme rationnel qui en a toujours fait une énigme intrigante. 

Le film montre que les crimes sont la somme de multiples coïncidences. Les deux filles étaient très instables émotivement. Elle l'une comblait les faiblesses de l'autre et vice-versa. Elles étaient toutes deux pas à leur place dans la Christchurch Girl's School de la Nouvelle-Zélande, leur ego en exigeant toujours plus. Elles deviennent vite amies, liées par la même fascination du macabre. La simple et flematique Pauline est impressionnée par Juliet qui trouble le professeur de français. Pauline a alors un statut d'admiratrice dans le regard de Juliet. Pauline a une cicatrice sur sa jambe, résultante d'une opération afin de contrer une maladie des os. "Tous les gens importants ont eu des maladies du genre" se consolera-t-elle. "C'est romantiquement juste à point!" s'entendront-elles. Tout est romantiquement juste à point. Tout doit l'être. Même leur relation. Qui le devient assez naturellement. 

Elles trouvent toutes deux Mario Lanza ou Orson Welles séduisants. Elles deviennent intoxiquées de leur propre amitié. Elles s'amusent du monde privé qu'elles s'inventent, ensemble. Elles sont ravies de voir leur mère si loin de leur univers, particulièrement celle de Juliet, psychologue, plus concentrée sur la mort de sa propre vie sexuelle que sur l'idée de bien communiquer avec sa fille. Quand l'une d'elle attrape la tuberculose, elles sont forcées de séparer. 

Elles s'écrivent alors sans arrêt. Et c'est là que ce créé leur univers imaginaire et que Jackson illustre de quelques effets spéciaux fantaisistes de fort bon goût. Ce monde imaginaire où elles sont de réelles héroïnes, devient un lien qui les unit plus que jamais. Une alternative à leur vie plate. Une évasion aussi saine qu'elle sera malsaine. 

Les adultes sont troublés par la proximité des deux adolescentes, soupçonnées de lesbianisme, un mot qu'on ne voulait même pas dire tellement on en craignait l'univers. Quand les deux filles luttent ensemble, en riant, et s'échangent quelques baisers, égarés ou pas, ce n'est pas le film qui nous en donnera l'explication. Elles sont égarées. Au sens propre du terme. D'horribles meurtres viendront le confirmer. 

Mélanie Linskey avait 16 ans et Kate Winslet en avait 19. C'était toutes deux leur premier film. Elles sont tout simplement parfaites. On y croit. Linskey a le regard parfait de celle qui sera en admiration plus souvent qu'autrement. Kate est tout le charme qu'on lui a découvert par la suite. La première semble brûler par en dedans et ça lui sort par les yeux. La seconde rit trop fort, est trop prompte, impulsive, et semble toujours en marge d'une hystérie proche. 

Le film nous montre que des gens, ensemble, sont capables de commettre des horreurs (prions pour qu'aucun CONservateur ne dérape ailleurs que dans sa tête!) ce qu'il ne ferait jamais seul(e). Un groupe ne peut qu'être deux. Comme à Columbine. Comme au Kansas dans les années 60. Comme Bonnie & Clyde. Comme Juliet & Pauline. Leurs mères avaient raison. Ensemble, elles étaient cocktails fatals. Émotions déséquilibrées.

Ce que personne ne veut voir en ce lendemain d'élections au Québec, et où la promesse d'horreur a été maintes fois livrées par des malades mentaux si les conservateurs ne faisait pas mieux que ce qu'ils ont fait hier. 

Il y a ce moment que j'avais trouvé formidable, après le crime si je ne me trompe pas, où les filles courent dans le bois et que les racines des arbres s'activent comme des liens les liant de l'une à l'autre. Subtilement. 

C'est bien d'être lié aux autres. Mais pas dans le déséquilibre mental. 

Le film recevra à cette époque une nomination dans la catégorie du meilleur scénario (Jackson & Fran Walsh) aux Oscars.   


Aucun commentaire: