Lire, c'est apprendre. C'est plonger dans des univers qui ne sont pas nécessairement les nôtres. C'est s'ouvrir sur des horizons inexplorés, c'est vivre un million de vies avant de mourir, c,est danser sur le rythme cérébral de quelqu'un d'autre, c'est accepter de se caliber aux réfléxions, observations, remarques et traits d'esprit, d'autrui. C'est respirer par le souffle d'un(e) autre.
Et respirer, c'est vivre.FEAR & LOATHING ON THE CAMPAIGN TRAIL '72 de HUNTER S. THOMPSON.
La campagne électroale de 1972, aux États-Unis, mettaient aux prises George McGovern, du côté des Démocrates et Richard Nixon(qui gagnera) du côté des Républicains. Hunter S.Thompson, journaliste junkie politique de son propre aveu*, couvrait cette campagne pour le compte du magazine Rolling Stones. Icône du mouvement de Gonzo journalisme, c'est-à-dire de journalisme où celui-ci s'implique corps et âmes dans les activités qu'ils/elles couvrent et se met même parfois en scène, Thompson a suivi l'équipe de McGovern, qui avait pris la relève de Hubert Humphrey qui, lui avait perdu la même élection, contre le même Nixon, en 1968.
Avec une honnêteté brutale, parfois même cruelle, Thompson raconte la course à la direction de McGovern, à qui plusieurs lui préfère Ted Kennedy ou George Wallace, ce dernier, très populaire avec les États du Sud. Une fois élu, HST narre la catastrophique tournée en vieux train jusqu'en Floride, avec beaucoup d'humour. On y découvre de futurs vedettes politiques Étatsuniennes comme Gary Hart, du Colorado, directeur de campagne de McGorvern, ainsi que l'alors gouverneur de la Georgie, qui sera 3 ans plus tard, président des États-Unis, Jimmy Carter.
Son mépris de Richard Nixon est très exposé. Il réussit tout de même à l'humaniser en relayant des bribes de conversation sur le football, passion commune entre lui et Tricky Dicky, qu'on appelle pas encore ainsi. McGoverne subira la pire raclée des Démocrates depuis longtemps, ne gagnant que le Massachusetts et Washington, D.C. perdant même son État du Dakota du Sud. McGovern parait vidé de son être vers la fin de sa propre campagne, avant même les résultats. Mais Thompson sera dans un pire état, lui-même. Il tombera en fatigue chronique, ce qu'il narre aussi. Le livre est aussi une critique claire des journalistes et de leurs relations incestueuses avec les politiciens. Les "experts politiques" sont aussi très souvent en conflit d'intérêts. Il critique vivement le traitement journalistique qu'on a livré contre Thomas Eagleton, qui n'aura été que de 18 jours, le temps qu'on découvre qu'il eût déjà eu recours à des électro-chocs afin de lutter contre une dépression. Sans toutefois épargner Eagleton, lui-même. Bien que ponctué "d'embelissements" le livre trace avec une certaine justesse plutôt bien la folie des campagnes électorales.Plusieurs reconnaitrons qu'on y parle assez peu des faits, mais que presque tout est vrai. Aussi farfelu que parfois ça peut sembler.
Timothy Crouse a beaucoup aidé lui aussi, à rendre crédible le livre de chroniques réunies de Thompson, en publiant aussi, en 1973, son propre compte-rendu de ce qu'il avait vécu dans la même campagne. Et les propos se rejoignent largement. Crouse souligne aussi la présence de Thompson, qui arrivait souvent à sortir du paquet de journalistes pour atteindre meilleurs buts, et gardant une indépendance impeccable. Son livre à lui se nomme The Boys in the Bus et dans les éditions plus récentes, c'est une introduction de H.S. Thomspon qui ouvrait le livre de Crouse.Pas besoin d'être féru en politique, quoique ça aide, Thompson use de vulgarité, procédé qu'il avait aussi utilisé dans son livre précédent: Fear & Loathing in Las Vegas. Gonzo journalisme, là aussi.
Ce livre aurait été fini au téléphone, quelques heures avant les presses finales, avec un Thompson, mentalement et physiquement ailleurs, et quelqu'un d,autre qui tape son flux de réflexions.Plutôt divestisant alors que les États-Unis sont actuellement dans un cycle électoral fort intriguant.
Le livre est dessiné, ici et là, par Ralph Steadman.
*Junkie tout court serait aussi juste
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