Lire c'est apprendre à marcher dans les sentiers mentaux des autres, c'est explorer des univers qui ne sont pas les nôtres, c'est ouvrir ses sens, les développer, c'est humer de nouveaux parfums, entendre de nouveaux refrains, carburer sur des idées, des observations, des visions qui ne sont peut-être pas les nôtres mais qui nous amènent ailleurs, c'est, comme le cinéma et la musique, voyager à peu de frais, c'est aussi accepter de respirer au rythme de quelqu'un d'autre.
Et respirer, c'est vivre.Je vous parle cette fois, de mort.
THE HANDMAID'S TALE de Margaret Atwood.
La narratrice de ce roman de la Nobelisée auteure canadienne est connue sous le nom Offred qui est une variation du verbe Offered comme dans Offerte (aux autres). Elle nous raconte sa vie dans une société dystopique (dans un futur presque proche), dans la théocratie unique de Gilead, anciennes États-Unis, quelque part dans une futur proche. Le livre a été écrit dans les années 80. Elle est servante, gardée sous supervision d'une marâtre, et au service d'un commandant et de sa femme infertile, afin de justement leur procurer des héritiers puisqu'elle, Offred, est parmi les rares femmes fertiles de cette époque. Époque qui voit les taux de natalité devenir dramatiquement bas, ce qui est considéré dangereux pour la race humaine.
Elle se rappelle ses années avant sa captivité, rêve de s'en sortir et de retrouver sa vie d'avant, elle développe des relations avec son commandant, son épouse, leur chauffeur, les autres servantes, qui réagissent toutes différemment de cette nouvelle réalité, à peine pensable, 40 ans, avant. Mais peut-elle complètement leur faire confiance ?Les détails et la subtilité sont importants pour Margaret Atwood. Ce que nous narre Offred est précis et fait appel à une profonde compassion. Le roman est l'un des plus lu et des plus aimés, dans le style dystopique, du 20ême siècle. Il s'agit d'un portrait sans compromis d'un certain totalitarisme vicieux et pernicieux. Il traite de la misogynie institutionalisée. Critique le fondamentalisme sous toute ses formes. Donc la religion, par la bande. C'est non seulement un écho direct avec l'époque abjecte que les États-Unis font vivre à leurs Femmes, c'est aussi une lecture qui suscite un profond impact chez ceux et celles qui lisent Margaret. Elle a non seulement l'intelligence de prévoir avec justesse ce qui arrive à notre époque, la religion droguant les sens, mais elle marque l'histoire de l'Amérique du Nord comme Phillip Roth avait anticipé Trump avec The Plot Against America. Aucune fiction ne pourrait être plus calquée sur ce qui se déroule comme drame social, en ce moment même, au pays de l'Oncle Sam. Pays devenu si sale. La narration reste au "je" ce qui oblige un constant questionnement sur la confiance qu'on doit accorder à la narratrice, mais ça fait partie du plaisir de lecture. La prose reste poétique largement dans toute l'horreur exposée. Elle glisse même, assez naturellement, sans trop s'imposer, comme une servante écarlante, dans sa marche sociale du jour. Atwood expose intelligemment que les gens sont capables de bien, mais aussi de grandes lâchetés, dépendant des situations. Elle nous montre que les gens sont compliqués. La fin, parfois critiquée injustement, est parfaite. Qui croire ? À qui faire confiance quand tous les repères naturels ne le sont plus ? À la fin de 1984 de George Orwell, on atteint sensiblement la même sensation de dépossession. D'incertitude. On est nous mêmes fragilisés. C'est percutant.C'est tout à fait maintenant. Avec les horreurs de ce sale jugement du pays d'en bas.
C'est puissant, potentiellement troublant dans la satire dystopique placée dans un futur qui est désormais très associé à maintenant, depuis vendredi dernier. Des Femmes sont privées de leurs droits. Le langage est dur et cru, émotif, la violence est morale et physique. Le sexe, parfois graphique. Les corps des dissidentes sont pendus et exposés dans les rues, les suicides sont multiples de la même manière. On fouette des Femmes en public. On en abuse une à mort devant tout le monde. Ce roman a été adapté en toute aussi intelligente série télé par la chaine Bravo en 2017. Ça aussi , ça collectionne les prix.Parce que le propos n'a jamais été aussi actuel.Et désolant.
Je ne dirai jamais Femme, vous serez sauvées. Ça impliquerait que ce serait peut-être par nous, les hommes. Vous VOUS sauverez. Parce que le bien vainc toujours le mal. Ce que la contamination religieuse n'arrive pas à comprendre. Vous avez le pouvoir du nombre et ça, ça compte dans les votes. Mais certaines Femmes, sont elles mêmes infectées de déraison mentale.
Ça ne s'invente pas, Sarah Huckabee Sanders, ancienne porte-parole de la Maison-Blanche sous la triste ère Donald Trump, républicaine récemment réélue dans son État, a dit sand même réaliser la portée et l'étendue de ce qu'elle clamait : "Nous nous assurerons que le foetus humain sera protégé dès le début de sa création dans le ventre de sa mère, comme nos enfants le sont dans nos écoles..."
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