lundi 6 décembre 2021

Coupé à la Racine

 


Le soleil se couchait du mauvais côté de la mer.

Poursuivre ma lecture de ma brique sur la vie d'Alberto Moravia, finir avant mon Benaquista, peut-être même me chercher/procurer un autre Baril Guérard ou O'Neill que j'aime franchement beaucoup trop, écouter mon film d'Arcand de 1965, de même pas 12 minutes que j'ai glané par hasard sur le net, Youtube ne me sera pas toujours aussi généreux, Je me rends compte que mon Bunuel et mon Bergman ont été retiré, me rendre à la quincaillerie, toujours un formidable défi pour moi, pour y trouver une batterie de porte de garage électrique, y prendre un balai à neige pour ma puce aussi, qui vole les nôtres, faire les épiceries car dans notre maisonnée, ça fait en deux volets: le gros entrepôt et la tite pisserie, trouver une carte cadeau Steam, trouver une troisième idée cadeau pour l'amoureuse pour Noël, faire entre 10 et 20 minutes de ce nouveau rameur dont je n'ose pas encore vous parler tellement mon amour pour cette chose est intense, écoutant quelque chose à la télé, comme je le ferai toujours plus souvent, dorénavant, et probablement tous les jours, j'avais hâte, comme souvent, à mon samedi.


Naïvement, comme toujours. Je suis toujours fleur qui pousse un vendredi. 

Je n'ai pas inclus "attacher les cèdres derrière avant la neige". Parce que ça fait parti d'un côté plus torturé du week-end qui ne cadre absolument pas dans la catégorie "avoir hâte à son samedi". Je le savais depuis vendredi, fallait attacher ses petites bêtes pour pas que la glace et la neige ne les crochissent trop une fois posées et lourdement atterries sur leurs cimes. C'était, mentalement une affaire de 5 minutes. L'amoureuse, qui se lançait dans la jungle des centres d'achats, folie massive du samedi, a lancé deux phrases innocentes mais très ciblées. 


"...Si tu peux aussi ramasser les feuilles en avant, avant la neige"   

"J'ai appelé la neige tantôt, pas pressée d'arriver"

Elle a pas mordu. 

J'ai été en avant, pas vu grand feuilles. J'ai ramassé ce qui m'a semblé encombrant. 5-6 minutes. Une toune de The Cure. Pas question de faire des affaire plates de même sans stimulation quelque part. Quand je suis rentré, elle n'était pas encore partie..

"Sérieusement? Hunty?"

"Oh! t'as pas faite les feuilles?"

"Oui"

"Ben j'ai pas entendu le souffleur à feuille"

J'ai ri. 

"Tu me connais depuis presque 30 ans, tu sais bien que ce son m'est insupportable, tu m'accuses même de m'en servir pour ne pas passer l'aspirateur. (ce qui est faux, je le passe, mais ma tolérance est nettement plus grande que la sienne), tu m'a déjà vu me servir du souffleur à feuilles?"

"Oui"


C'est vrai, quand on l'a acheté, il y a longtemps, le temps que je réalise que ce son me tendait d'absolument tous les muscles et les nerfs. Ne me faisait pas du bien. Je m'en suis rendu compte quand le son cessait. Je me détendais soudainement. Décrispé du corps entier. Jamais plus retouché par après. J'ai ramassé au balai à feuilles, ce qui, au parfait contraire, me détend amplement. J'ai regardé où elle regardait, j'ai pas vu les feuilles dont elle me parlait. On s'est regardé tous les deux, plusieurs fois, j'ai évalué son regard, était-elle devenue folle? Il n'y avait aucune feuille. Je ne voyais aucunement ce qu'elle pensait voir.


"Je vais faire le reste au souffleur à feuille" Je sais vraiment pas ce qu'elle a soufflé. Mais elle a fait du bruit un samedi matin.  

Elle avait trouvé le truc pour m'envoyer en arrière, écouteurs dans les oreilles, pour ne pas entendre ce son grugeur de nerfs. Et travailler les cèdres. Une affaire de 5-6 minutes aussi. Faut aussi vivre. Et ça, ce n'est que mourir. Et là, tout juste avant qu'elle ne quitte pour les débilisants centre d'achats, (faut être kamikaze pour aller au centre d'achats, un samedi, en décembre!) elle m'a lancé sa phrase assassine.


"Faudrait aussi arracher toutes les fouettes en arrière, j'y arrive pas, c'est glacé"

Je l'ai consulté du regard pour voir si elle me niasait. Avait-vraiment besoin de faire ça avant la neige? Si ca repousse l'été prochain, why? Pourquoi moi? Pourquoi now? Pourquoi? J'étais coupé à la racine. J'avais jamais eu dans mes plans de me plier en quatre dans une petite pente et de couper, au froid, aux ciseaux, les "fouettes" comme elle appelle cette jolie végétation molle qui rappelle les beaux champs de l'Ouest canadien, l'été.


J'ai déprimé. Haï la vie. J'était épinglé comme une pin-up dans un placard de G.I. On voulait me faire jouer "l'homme". Que je ne suis tellement pas. Je trouvais ni manteau, ni linge pour m'y appliquer. J'étais atterri dans la Brandt Rhapsodie de Benji Biolay et Jeanne Cherhal. J'ai pris plus de deux heures à me faire chier. Inutile de vous dire que je n'avais plus envie d'aucun projet par la suite. J'était crevé. Grillé. Dégoûté de mon samedi qui ne pouvait plus être consommé dans un lieu public. Question de trafic. À pied, en ville, partant du condo, j'aurait tout fait. En fucking banlieue, en voiture, non.  L'entrepôt, la pisserie, c'est à l'ouverture ou rien. Ce serait rien. 

J'ai fini Benaquista. Qui me racontait que toutes les histoires d'amour avaient été racontées sauf une.

Sauf deux, compagno. 

T'avais pas entendue celle du gars qui consommait dlalib R.T., amoureux de l'inventrice de la pilule Faikomadi.

Due.

En fait, surement, oui, elle existe depuis longtemps, mais nous, on est uniques. Depuis longtemps.

Aucun commentaire: