On pouvait se demander si la pandémie allait irrévocablement changer le cinéma, simplement le laisser sur pause, ou encore redevenir collectif avec un impact mineur sur le produit offert. On peut encore le penser.
On a pas de réponses complètes là-dessus, aucun film réel n'a traité la pandémie de front, avec sérieux. D'excellents films sont en distribution mineures avant une vraie sortie en 2022. Mais ils ont existé en 2021. Ils ont été sortis juste assez dans le but de se qualifier pour des récoltes de prix, et certains en mériterons.
Les nominations des Golden Globes ont d'ailleurs déjà salué quelques uns de ses films, lundi.
Je vous présente 11 films, un seul dans la langue de Molière, un Québécois. Ceux d'Europe, se sont rendus beaucoup moins au Québec depuis la pandémie.
Ironiquement, assez peu des films dont je vous jaserais ne sera tellement facile à voir chez nous non plus. Ce sont donc 11 suggestions pour le calepin de notes. Peut-être.
Qui rappellent à certains cinéphiles que derrière les films de super-héros, il y a encore un peu espoir.
THE SOUVENIR PART II de Joanna Hogg
Dans le tout premier segment, lancé en 2019, la réalisatrice Joanna Hogg plongeait dans son passé d'étudiante en cinéma et réexplorait une intense et néfaste romance. Dans cette inattendue suite, le miroir est toujours sur elle-même, et cette fois, c'est un film sur le tournage d'un film. Dans le spleen de l'après-relation. Quand une auteure tente de convertir sa peine en créativité, en art. Habilement drôle et profondément triste aussi, le deuil, sa manière de composer avec, est tout à fait d'actualité en cette ère pandémique. La manière que les artistes canalisent leur peine dans leur art (En musique aussi) reste toujours assez fascinante.
THE LOST DAUGHTER de Maggie Gyllenhaal
Maggie Gillenhaal était déjà une très intéressante actrice issue d'une très intéressante famille. Son premier effort comme scénariste et réalisatrice se concentre sur l'adaptation d'une nouvelle de la très populaire écrivaine italienne Elena Ferrante. En vacances, en Grèce, une femme, (Olivia Colman, reine des saisons III et IV dans The Crown, Oscar de la meilleure actrice 2018) devient obsédée par une femme plus jeune et sa fille, lui rappelant sa propre expérience de parentalité. La distribution est remarquable avec Jessie Buckley, Ed Harris, Dakota Johnson, Peter Sarsgaard, Paul Mescal, Oliver Jackson-Cohen et Dagmara Dominczyk. La direction photo d'Hélène Louvart est aussi splendidement au rendez-vous. Les failles humaines, touchantes. Tourné pour Netflix.
RED ROCKET de Sean Baker
Ses films Tangerine et The Florida Project étaient déjà des films "Oh! surveillons-le celui-là!" Vivement intéressé par les gens marginaux, Sean Baker confirme sa grande intelligence en nous parlant d'une ancienne vedette de porno masculine, revenant dans son patelin, au Texas, présentant la petite histoire autour de la grosse. Brute épaisse que personne n'est heureux de revoir, il fini par se débrouiller en coordonnant son talent aux gros portefeuilles tout aussi vulgaires. L'ingéniosité de son film est de placer tout ça en 2016, en pleine campagne électorale du pire président de l'histoire des États-Unis. Ce qui n'est pas innocent à la trame narrative. Brillant.
DUNE de Denis Villeneuve
Il y a de ces oeuvres qui sont aussi des états d'esprits. L'adaptation de Villeneuve du livre culte de Frank Herbert est un magnifique voyage. Magnifique à l'image et au son, on ne peut que saliver apprenant que la seconde partie est déjà en cours de tournage. Précisément détaillé, intensément dans les familles royales intergalactiques, le mythe de "l'élu" au pouvoir distinct est réexploré dans les décors arides désertiques et à la fois si zen est une extraordinairement fameuse expérience à vivre en salle. Villeneuve est attentif à son époque. Et le concept du Messie par qui le noirceur pourra aussi poindre n'est pas innocente non plus. Magique.
THE CARD COUNTER de Paul Schrader
Ce cinéaste, d'abord scénariste, m'a toujours intéressé, je l'avoue. Dans un rôle comme dans l'autre. J'ai trois de ses films scénarisé pour Scorsese et maintenant que mon fils deviendra paramédic, je cherche à mettre la main sur le 4ème, que j'ai vu il y a trop longtemps et que j'avais aimé*, ce qui n'est pas chose facile. J'ai aussi son remake de Cat People. La dernière phase de ses créations est si sombre, ce film ne fait pas exception. Dans First Reformed, son film précédent, il nous présentait un pasteur perdant la boule, obsédé par les horreurs des changements climatiques. Ici, il se concentre sur un ancien bourreau d'Abu Grahib, qui devient joueur de poker. Convaincu de savoir compter les cartes. Une illusion courante des joueurs maladifs. Celui-ci est de plus, hanté par ses tortures passées. Dites-moi Willem Dafoe et Oscar Isaac, ajoutez-y Schrader, et vous me gagnez déjà beaucoup.
THE POWER OF THE DOG de Jane Campion
Le premier film de la Néo-Zélandaise en 12 ans est disponible sur Netflix. Il s'agit d'une adaptation d'un roman de Thomas Savage. La cruauté a souvent été au coeur des thèmes préférés de Campion. Ce film est aussi brutal. Campion donne beaucoup dans la nuance, visuelle, sonore, narrative et est très appliquée dans le jeu de ses interprètes. Kirsten Dunst y est d'une impressionnante maturité. Jesse Plemons et un oscarisable Benedict Cumberbatch, comme troisième roue d'un même carrosse dans un univers rural, cow-boy font de ce film quelque chose de formidable. Le producteur est Roger Frappier (un ancien prof à moi). Violence sourde, surprises narratives.
MEMORIA de Apichatpong Weerasethakul
Le dernier film du réalisateur thaïlandais commence avec un bruit, un son qui garde éveillée, la nuit, Jessica, jouée par la toujours excellente Tilda Swinton. Weerasethakul a toujours aimé faire s'affronter l'inconnu et le mondain. Drame existentiel, on se sent aussi dépourvu qu'elle essayant d'expliquer ce qu'on arrive pas à comprendre. Qui semble à la fois si clair et d'une logique éthérée. Il y a un peu d'aérien dans tout ça. Mais d'intime aussi. Très intéressant.
LICORICE PIZZA de Paul Thomas Anderson
PTA a un faible pour ses années 70. Il a connu les mêmes que les miennes. Mais à San Fernando Valley. Il y avait plongé son Dirk Diggler, la montée et la chute d'une vedette porn, dans les années 70, pour Boogie Nights. Cette fois-ci, il s'inspire de la jeunesse de son producteur, qui, à 15 ans, tombait amoureux d'une fille de 25, avec laquelle il voulait développer plus que leur esprit d'entrepreneurship. Portrait candide du brouillard entre l'adolescence et le monde adulte, bordé par des voisins stars déchues, réalisateurs et producteurs à la dérive, je commence à suivre ce que fait PTA, sans me poser de questions. Comme je suivrais naturellement un ami.
SOUTERRAIN de Sophie Dupuis
Ce qui est souterrain dans le brillant second film de Sophie Dupuis, ce sont non seulement les personnages mais les failles de ces hommes, ces travailleurs des mines d'Abitibi, face à un drame commun qui exposera, malgré eux, des impatiences, des intolérances, des colères, des peurs, des larmes, des tonnerres intérieurs. La témérité n'est pas toujours brillante ni inspirée. La jalousie d'un père face à son fils est aussi explorée. Théodore Pellerin, qui avait été sensationnel dans le premier effort de Dupuis, Chien de Garde, ce qui lui avait ouvert les portes du cinéma mondial, y est encore phénoménal vivant des deuils pénibles. Dupuis fait filmer son directeur photo (Un des frères jumeau d'un ami d'enfance à moi) très près des acteurs ce qui nous laisse croire qu'on s'accroche à chaque pulsion émotive qui passe. Intense.
BELFAST de Kenneth Branagh
Voilà le film le plus personnel de Sir Branagh, et c'est aussi, probablement, le plus personnel pour moi aussi dans ce que je vous présente. Mon intérêt y est personnel. Du côté paternel, je suis irlandais. Ce qui s'y déroule m'a toujours forcément intéressé. Branagh y raconte les temps tumultueux du Nord de l'Irlande, quand il était enfant. Tourné en noir & blanc, il ponctue de temps à autres, et pas n'importe où, de glorieuse couleur. En racontant sa jeunesse dans un quartier insulaire, Kenneth a fait un film à la fois ambitieux et intime. Dur de ne pas être charmé par cette lettre d'amour à un quartier, des gens, une époque, extrêmement troublante où ne se rappelait plus ce qu'était un frère. Encore de nos jours, c'est pas toujours simple entre Loyalistes et Républicains nationalistes.
THE WORST PERSON IN THE WORLD de Joachim Trier
Trier y a été d'une trilogie de la jeune vie adulte qu'il a appelé "The Oslo Trilogy". Il est Norvégien, ses films sont dans cette langue et le décor en est la capitale norvégienne. Reprise était le premier effort, Oslo, August 31st a été le deuxième volet et ce film en est le dernier morceau. Ce sont trois histoires distinctes. Elles mettent toutes trois en vedette Anders Danielsen Lie, qui semble être sa muse, son acteur fétiche, peut-être même, son alter ego. Mais dans ce troisième volet, il place sa caméra dans le regard féminin. Chez une étudiante en médecine dont semble jaillir tous les possibles. Et elle essaiera tout. Médecine, psychologie, photographie, cinéma adulte, Julie choisit d'être tout ce qu'elle a envie. Mais cette urgence de vivre est elle une bonne vitamine?
Moi je sais que la meilleure vitamine, c'est encore et toujours, les arts.
*film lancé l'année de sa naissance...il n'arrive rien pour rien...
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