mercredi 6 octobre 2021

On Ne Devrait Jamais Rencontrer Nos Héros


Il y a cet auteur que j'ai en très très haute estime. Un homme que j'aurais souhaité avoir comme père quand le mien est décédé précocement en 2009. Mais qui, de son propre aveu, n'était pas si fameux dans le rôle de père. Je parle de Pierre Foglia. Ancien chroniqueur du journal Montréalais La Presse. Ancien typographe aussi. Amoureux de bien des choses. Détesteur de bien d'autres. Mais qui avait toujours la classe de vous le placer en mots sans trop que vous compreniez tout de suite toute la violence de son désavoeu de quelqu'un et souvent mieux, de quelque chose. 


Il est à la retraite, bien méritée, depuis 6 ans, presque 7. 

Je l'adore vraiment. 

Mais voilà, il est discret. Ce que j'aime encore plus. Il a la modestie bien au chaud dans la poche avant de son pantalon et garde son ego dans sa poche d'en arrière, question de l'étouffer, en s'assoyant, ce qu'il a aussi beaucoup depuis 1972. De l'année de ma naissance, justement. Toute est dans toute. 


J'errais dans un magasin de livres, de dvd et de musique ( je ne sais même plus si il vende de cd...) j'étais donc au paradis et j'avais sous les yeux, celui que je considère un demi-Dieu. On dit qu'il ne faille jamais rencontrer nos héros. Qu'on ne peut que réaliser que ce sont de solide trous de cul. Et que souvent, ils sont même la raison pour laquelle vous en êtes devenu un aussi considérable, vous-mêmes. 

C'était une journée comme toutes les autres. Toutefois, PIERRE FOGLIA se tenait tout près de moi. 


Quand j'ai le cafard, pour me redonner le goût à la vie, je vais errer dans un magasin du genre et je renais un peu partout de ma mort interne. L'homme d'affaire qu'est notre Premier Minus venait d'affirmer qu'il n'offrait pas de congé en raison de la journée de vérité et de réconciliation des autochtones, qui est devenu un congé Fédéral (au reste du Canada) mais pas ici. Parce que le Québec avait besoin d'être plus productif. J'ai dû entendre 150 fuck off idiot! dans mon for intérieur qui ne demandaient qu'à être hurler. Pour répondre à ce crétin d'homme d'affaires, j'ai quitté mon poste de travail vers 10h le matin et suis allé mariner dans la culture.
?

 

Foglia était là, lisant un gros livre dans une allée. Je crois que j'avais les larmes aux yeux car je n'arrivais pas à lire le titre. Peu importe ce qu'il lisait, j'ai eu le réflexe de vouloir avoir, moi aussi, un livre dans mes mains. Je devais avoir un plan. Je ne devais pas me rendre à lui et simplement lui dire, "TU ES PIERRE FOGLIA! MERCI D'ÊTRE PIERRE FOGLIA!"  et dans le but d'être plus familier ensuite, lui dire "FOGO!". Ce qui était un risque, peut-être détestait-il ce surnom. Non, j'avais besoin d'un plan, j'ai donc cherché un livre qui aurait comme titre "J'ai besoin d'une idée, rapidement" ou "L'art de la rapidité d'esprit". 

Non. Ils n'ont pas de section du genre. 


J'ai donc cherché Soigne Ta Chute de Flora Balzano qu'il m'avait chaudement recommandé dans une de ses chroniques, pas trouvé, la magasin ne l'avait pas. J'ai cherché alors La Grande Guerre Pour La Civilisation de Robert Fisk pour ensuite me rappeler que c'était plutôt Patrick Lagacé qui avait recommandé ce chef d'oeuvre de compréhension de ce qui passe entre Occident et Moyen-Orient depuis 1979 (jusqu'à 2005). 934 pages que j'avais bouffé goulument. Vers 2006, 2007. J'ai pas pensé à Annie Ernaux parce que j'étais dans un état de bêtise. J'étais près du cerveau du covidiot. J'ai pris un Archie, je ne savais pas qu'on vendait encore des Archie, c'était celui où Betty et Veronica...enfin je l'ai pas lu au complet...j'ai pris le Archie et me suis posté plus près de lui, encore. J'étais si intimidé, je sombrais profondément dans la bêtise. J'ai fini par embarquer dans l'intrigue du Archie que j'ai finalement lu au complet. Ça se lit vite. J'ai donc pris n'importe quelle brique autour et ai fait semblant de lire. 


Pour attirer son attention, j'ai donc dit, à voix haute, très fort "HEIN! J'AI PAS VU ÇA VENIR!"  Compréhensiblement, ça lui a fait tourner le dos à moi. Idiot confirmé, j'ai alors dit, plus fort emcore, "JE NE SAIS PAS POUR VOUS, MAIS MOI, LES LIVRES, J'AIME BEAUCOUP". Il s'est alors retourné franchement vers moi, m'a considéré comme on regarde un enfant mongol et surveillant sa prochaine pulsion non conforme, puis il m'a dit "Sincèrement, c'est très réconfortant de voir un plus jeune homme aimer lire." J'ai presque déféqué dans mes pantalons. "J'ai déblatéré un peu n'importe quoi sur mon amour de la littérature, sur mon travail de traducteur, j'allais ouvrir la porte aux compliments sur son oeuvre à lui quand j'ai vécu une épiphanie en posant les yeux directement sur son visage. 

CHRIST! C'ÉTAIT PAS PIERRE FOGLIA! pas du tout. C'était un vieil homme. Qui ne ressemblait même pas à Pierre Foglia. Je venais de passer je ne sais combien de temps à devenir idiot, et je concluais plus idiot encore. 

J'étais presque sur le point de publier un video disant "salut gang! ça va mal, parmi les dissidents des mesures sanitaires, y a beaucoup beaucoup de gens malades et dans le coma. La gouvernement a immunisé une certaine partie de la population et a relâché un autre virus pour se débarrasser de la dissidence"


Pour rien. Et je remarquais soudainement que la brique que j'avais dans les mains, était ce livre de Jean-Charles Juhel. 

Depuis je ne vois que le visage de ce vieil homme qui me regardait comme si j'étais déficient intellectuel. 

Ce visage m'a réveillé cette nuit. Je cauchemarde. 

On ne devrait jamais rencontrer nos héros.  

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