mercredi 27 octobre 2021

À La Recherche Du Temps Perdu********************Lullabies For Little Criminals d'Heather O'Neill


Chaque mois (dans ses 10 derniers jours), tout comme je le fais pour le cinéma (dans ses 10 premiers) et tout comme je le fais pour la musique (vers le milieu) je vous parle de l'une des mes trois immenses passions: la littérature. 

Lire c'est vivre, c'est choisir de plonger dans la tête d'un autre, c'est voir avec les yeux d'un autre, c'est nourrir ses curiosités, c'est appendre autrement, c'est confronter ses idées préconçues, c'est mettre au défis différentes visions, c'est découvrir des univers, c'est rire, craindre, être fasciné ou pleurer. 


Lire, c'est apprendre à respirer différemment. Et respirer, c'est vivre.

LULLABIES FOR LITTLE CRIMINALS d'HEATHER O'NEILL.

Heather O'Neill a l'âge de ma soeurette, Janiper Juniper. 48 ans. Comme elle, elle élève son enfant seule (J.J. en élève deux comme ça). Elle est née à Montréal de parents adolescents et assez vite, papa et maman se sont séparés. Maman est allé vivre aux États-Unis, et Heather, après avoir vécu jusqu'à la pré-adolescence avec papa dans le downtown Montreal, croisant les travailleuses de nuit et la jungle du centre-ville, est allé rejoindre maman aux États-Unis. Disant, avec humour, que sa mère la présentait comme son amie de 12-13 ans. Heather a fini par revenir et  aller rejoindre papa, au coeur de Montréal. Et ses livres ont beaucoup de traces de ce que je vous raconte présentement. Elle en vit de longs moments avant de les produire.   


Le premier, de toute évidence, comme bien des premières oeuvres, l'a habité longtemps. 

Baby n'a pas de mère. Et papa n'est pas le père modèle. C'est une jeune fille de 13 ans d'une remarquable intégrité. Au départ, plutôt moralement sage, plus l'histoire progresse, plus elle vieillit (trop vite), sa morale se tord de plus en plus, lui faisant perdre sa concentration sur l'essentiel. Garder les deux pieds dans le réel pendant que papa glisse hors des sentiers connus de la réalité. Elle se trouve une "famille" dans le centre communautaire, avec des jeunes de son âge. Mais fraye aussi avec des maganés de la vie. Des influences néfastes. Un premier copain, un pimp. 


Heather O'Neill n'a pas le passé de Nelly Arcan. Mais une partie de son univers. Leurs plumes ne se comparent pas. Chez Heather, il y a de la place pour l'humour. La légèreté. L'univers des enfants. Elle dit quelque chose à un certain moment qui ne nous lâche jamais. Même longtemps après avoir posé le livre. je vous le traduit.  
"Redevenir un enfant est tout simplement impossible. On a le droit d'en être perpétuellement frustré. L'enfance est la chose la plus précieuse qu'on peut vous dérober dans votre vie quand vous y penser bien."


C'est vrai. L'enfance, l'adolescence sont le fondement de ce que nous serons plus vieux. Si on vous le cochonne...J'ai une grande admiration pour Heather. Autour de la 200ème page, on se surprend à constater que cette histoire qu'elle nous raconte nous arrache aussi le coeur.  Pernicieusement, on s'attache à Baby. Qui était aussi le nom du personnage de Brooke Shields, dans le film de Louis Malle de 1978, qui racontait la vie d'une pré-ado trainant dans l'entourage d'une maison de prostituées. Pas innocent ce choix de nom de personnage. Quand on réalise qu'on s'attache à elle, il est trop tard. On ne peut plus laisser tomber le livre. Nous sommes émotivement investi en elle. On souhaite que l'enfant prenne la bonne décision. Celle qui l'élèvera au dessus de l'ambiguïté morale de son quartier. On le veut heureuse. Elle y a droit. Tout le monde y a droit. Quand tout la pousse dans l'autre direction, ça nous arrache le coeur. 


L'enfance est la chose la plus innocente qui puisse nous habiter. Baby philosophe beaucoup sur l'enfance. Sur la société qui nous en sort parfois trop vite. Qui encourage la vie d'adulte le plus rapidement possible. Elle déplore, pré-adolescente, ne plus être traitée comme une enfant. Elle n'a pas 18 ans. Elle EST une enfant.  La vie d'adulte est une piège. Enfant, on choisit souvent l'heure à laquelle on se lève, pas celle où on se couche. Adulte, on ne choisit ni l'un, ni l'autre. 2 Jours, au mieux. 
 

Baby se retrouve déchirée entre deux mondes. Qui la détruisent autant qu'ils ne l'attirent. 

Essayer de faire les bonnes choses n'est même pas évident pour les adultes de nos jours. Enfant, c'est encore plus compliqué. Davantage encore quand les modèles parentaux sont des échafauds instables.

Qui vous confirmera que vous faites la bonne chose? Se dira fièr(e) de vous?  

Quand il ne faut compter que sur vous-mêmes et que vous n'avez que 13 ans, 
se chanter quelques sérénades peut vous aider à vous en sortir.


Y a du Dickens, du Sara Waters, Angela Carter, Anaïs Nin dans sa plume. 

Je n'ai que de l'amour pour Heather O'Neill que j'ai l'impression de connaître comme une soeur. Elle a connu les mêmes années que moi. Le Québec des années 70 où on roulait les "R". Le beau et le sale des années 70.

Le livre est habillé comme de la "chick-Lit"*. Mais c'est beaucoup plus dur. Et peut être léger. 
C'est une merveilleuse première fiction. Et les autres ne sont que toujours mieux. Elle n'en a que 6 depuis 1999.
                                                     O'Neill vaut être lue. 



*Les fictions anglophones sont souvent catastrophiquement présentés sur les jaquettes de livres. Faudra un jour en parler. Une belle présentation se vend tellement mieux. Demandez aux vendeurs de vins! 

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