Ce n'est jamais facile de demander à des gens fameusement connus des choses auxquelles ils ne veulent aucunement répondre. Ça prends des couilles en or pour entrer personnellement dans le bulle intime avec ses grosses caméras et son équipe de production.
Pendant longtemps, ça prenait une Femme.
Plusieurs interviewers/intervievieweuses vont filtrer leur approche afin d'adoucir le propos et s'y prendre avec des gants blancs afin d'encadrer leurs questions et ainsi ne pas heurter leurs invités de manière bienveillante. Walters était oblique. Ses interrogations étaient précises. Elles seront toujours perçues comme invasive, insensible, désobligeante. Walters, décédée le 30 décembre dernier, à 93 ans, était la grande inquisitrice d'Amérique. Elle a révolutionné le journalisme en Amérique du Nord. Elle a approché l'innaprochable et l'a présenté à des publics qui n'étaient pas habitués à ce type d'effronteries.Walters avait compris que les question difficiles créaient des moments électriques. Elle était rock n' roll, mais aussi jazz. Les questions difficiles font naître des réactions émotives autant chez les invité(e)s que chez le distant téléspectateur. Sympathie, gêne, rires, compréhension, colère, elle générait toujours une demi-tonne de choses dans ses interventions. La réponse restait secondaire, c'était la question qui était le moment inconfortable et qui obligeait la réponse viscérale. L'emprise qu'elle avait sur le médium, sur le côté interpersonnel qui donnait continuellement l'impression que deux amis se jasaient dans la verrière était unique dans nos télés. La dynamique est enregistrée dans ce qui se faisait de mieux en télé, en Amérique du Nord. Au même niveau qu'Oprah Winfrey, Larry King ou Mike Wallace.
Même parmi ses grands, elle était dans une classe unique. Sa carrière l'a vu être animatrice d'émission du matin, animatrice culturelle, lectrice de nouvelles, reporters de magazines télé, animatrice d'émission de jour. Elle a incarné tous les rôles à l'image, à la télévision d'Amérique. La force de Walters, son grand talent, était son habileté à poser des questions inconfortables dans ses gants de satin, les mêmes qui pouvaient aussi vous slapper les joues, que ce soit à une vedette Hollywoodienne, un monarque, un dictateur autoritaire, le président des États-Unis ou d'ailleurs, on la sentait toujours du côté du simple téléspectateur. Elle savait toujours où elle se rendait et c'est ce qui faisait d'elle une si excellente artiste de la télé d'ici. Ce qu'elle faisait prenait une certaine force. Obligeait une certaine carapace. Et rendait le mot "abrasif" presque soyeux. Quand la perceuse entrait dans l'intimité, si ça venait d'elle, ça passait très bien. Née à Boston, dans une famille pleine de filles, sa famille d'origine Juivo-Russe a déménagé à New York dans les années 40. Papa travaillait à Broadway et y trainait Barbara. Il l'a trainait aussi dans les clubs, le Quartier Latin, Gotham. Papa est devenu un important impressario qui pouvait faire fortune aussi vite qu'en perdre une avec ses shows. Miami Beach et Las Vegas voyaient ses shows être transportés. Barbara, séduite par le milieu de papa, ne perdra jamais cette candide manière de tomber en pamoison devant les personnalités connues. Elle était le première fan de ses invité(e)s et se permettaient de les prendre par le ventre et aux tripes. Travailleuse en publicité après le collège, et à NBC, à rédiger des communiqués de presse, dans les années 50, elle est remarquée par quelqu'un qui lui fera faire un 15 minutes pour les enfants. Elle fera tous les métier dans ce nouveau médium que devient la télé. Elle est définitivement parmi les exploratrices et les bâtisseuses. En 1961, elle a son show, à elle, qu'elle pilote. Et dans les années 60-70, elle est une présence continue dans les salons d'Amérique. Elle était la Femme de la télé avant que le féminisme ne débroussaille la route pour s'y rendre. Au début des années 70, elle est si connue qu'on commence à la parodier à Saturday Night Live. Sa réputation, qui transgressait les tabous, aidait certaines personnalités à clarifier les rumeurs. Oprah Winfrey lui disait en 2010, qu'elle n'était pas lesbienne. Elle la questionnait sur sa proximité avec Gayle King. Walters n'hésitait pas à placer ses pieds du côté du salé et du potentiellement diffamatoire. En 1991, elle allait tout aussi loin en demandant la même chose à Richard Gere en plus de parler de gerbilling, ce qui n'est pas si connu et ne l'est pas tellement encore aujourd'hui. Évoquer ceci, consciente que l'auditoire, pas encore trempée sur l'inexistant internet, n'en comprendra rien restait baveux.Mais la placer en tête à tête avec des célébrités du monde du divertissement seulement est ignorer une large part de son talent. Elle a interviewé tout ceux qui étaient importants pendant la Guerre Froide, dans les années 70, poussant Fidel Castro a admettre que son régime avait supprimé les droits humains. Elle a fait pleurer l'impératrice d'Iran en direct quand le Shah confesse à Barbara que l'égalité entre hommes et Femmes n'existera jamais dans son pays.
Un moment de sa carrière confirme l'influence qu'elle pouvait avoir. En 1980, le président Jimmy Carter a besoin d'un important réajustement d'images après l'échec des otages et quelques autres ratés difficiles à avaler pour les États-Unis qui sont encore blessés moralement du Vietnam. Ronald Reagan gagne beaucoup de terrain dans les sondages, Walter Cronkite attire 20 millions de gens chaque soir qu'il est en ondes quand il interviewe un(e) invité(e). 60 Minutes est l'émission la plus écoutée d'Amérique du Nord. Mais la Maison-Blanche appellera Walters. Son talent à humaniser ses sujets était nécessaire. Mais la Maison-Blanche avait sous estimé sa farouche indépendance et ses envie de ne pas protéger les secrets. Elle ne voulait pas de langue de bois. Après de nombreux pourparlers, l'entrevue n'a jamais pu se faire. Madame ne se conformait pas à la ligne du parti. Bien entendu, c'était elle le show. Pour nous. Elle était nous. Les conseillers de Carter se trompaient encore. Walters allait survivre des millions d'indignités, d'humiliations et d'insultes avant même que le premier collègue n'en encaisse qu'une dizaine.Voilà aussi pourquoi la fin de sa carrière a été si appréciée. On savait que le soldat avait vu et enduré du combat. Elle était aimée et respectée. Du milieu et du public. Elle connaissait les deux intimement. Elle était hyper-attentive. Quand elle lance The View, en 1997, elle connait son marché. Parmi ce marché, il y a ces millions de Femmes qui, comme elle, on enduré des tonnes et des tonnes de micro-agressions depuis leur naissance, parce que simplement Femme.
Elle était un modèle pour toutes les Femmes à qui elle disait, sans le dire, "Foncez sans vous justifier, peu importe si on vous trouve désobligeante. "
Les Femmes font face au désobligeant, pas mal tout le temps.
Le 30 décembre dernier, la télévision Nord-Américaine perdrait une géante.
Une Femme unique.
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