Chaque mois, dans ses 10 premiers jours, tout comme je le fais pour la littérature (dans ses 10 derniers) et tout comme je le fais pour la musique (vers le milieu) je vous parle de l'une de mes trois immenses passions: le cinéma.
Je l'ai consommé, surconsommé, le fait toujours, l'ai étudié, en fût diplômé, y ai travaillé, en suis sorti, mais on ne sort pas le cinéma de moi comme ça.
Je vous parle d'un film qui m'a séduit par sa facture visuelle, narrative, par ses interprètes, ses thèmes, sa musique, sa cinématographie, sa réalisation, son audace, son originalité, son flair, souvent tout ça à la fois. Bref, je vous parle d'un film dont je salue pas mal tous les choix.
Ce mois-ci, je vous parle du Québec.
RÉJEANNE PADOVANI de DENYS ARCAND.
J'ai un réel rapport amour-haine avec Denis avec un "y" Arcand.
Son cinéma des années 80 à nos jours m'agresse. Je n'aurais su le préciser ainsi, voyant Le Déclin de L'Empire Américain en première, à 14 ans, en 1986, à Québec, au Grand Théâtre, mais quelque chose de très irritant m'habitait à la sortie du film presqu'Oscarisé. Je serais menteur de dire que déjà je pouvais souligner la condescendance de l'auteur. Mais cette condescendance, je l'ai ensuite perçue franchement partout chez lui. Une suffisance agaçante. Dans ses écrits, ses entrevues, ses autres films. J'ai trouvé Les Invasions Barbares infect. Je l'ai rebaptisé "Après nous, le déluge". "Nous" étant, les baby-boomers. Arcand incarne beaucoup ce qu'il y a de plus désagréable du baby boomer. Ce film là sera Oscarisé.
Mais ses films des années 70, documentaires comme fictions, me plaisent beaucoup. Même si je vois pointer tout ce qui m'agacera plus tard (son regard sur les Femmes entre autres). Il versait dans le film noir. Et sa vision sociologique me semble étrangement plus éclairée. Depuis la fin des année 80, le cynisme commence à l'user.
On est au Coton, Québec, Duplessis et après..., La Maudite Galette, Réjeanne Padovani, Gina, La Lutte des Travailleurs D'Hôpitaux. Ce dernier traite d'un sujet qui serait dans le même fouillis de nos jours. Ce flair, je le salue chez Arcand. Réjeanne Padovani est aussi plein de connaissances bien informées.
Rejeanne Padovani est un film Québécois de 1973 qui a quelque chose à dire plutôt qu'une simple colère à éventer. Arcand nous fait presque du Bunuel en nous plaçant à la même table toute l'élite politique, ainsi qu'un chef de la Mafia, célébrant le tronçon d'autoroute qu'on inaugurera le lendemain. Tout se passera le même soir. Une soirée de tricheurs. les hommes de main au sous-sol, les hommes de pouvoir en haut.
Jacques Benoit et Denys Arcand ont signé un huis clos sur la corruption politique et municipale montréalaise. Ce n'est pas d'hier que la mafia a la poigne solide dans l'attribution des contrats de construction, par ici. Arcand filme le monstre en l'Homme. Les femmes cocufient leurs maris, les maris fréquentent les filles faciles, les durs jouent de violence, les négociations sont multiples avec les journalistes. Qu'on torture aussi. La soirée sera ponctuée de quelque dérangements. La présence de journalistes, la nouvelle qu'une manif anti autoroute se prépare, le retour de la femme de Vincente Padovani, la femme-titre, qui veut lui négocier le partage des enfants sinon elle menace de tout dire ce qu'elle sait.
Celle-ci a choisi de le cocufier avec un Juif des États-Unis, mais regrette son geste. Même si tout parait lent, dans le développement, on sent justement que la corruption gangrène absolument tous les rapports pernicieusement. Depuis toujours. Comme une lente mais tenace rouille. La dernière demie-heure de ce film d'1h33, à elle seule vaut le coup.
Mr Surprise
On peut aussi y voir un futur producteur (Roger Frappier) parmi les militants anti autoroute. Non, il n'a pas toujours eu les cheveux blancs.
Les femmes sont jamais supposées rien savoir dira Réjeanne jouée par la toujours excellente Luce Guilbeault. Une Femme ici, en sait trop. Ça fait tout déraper. Menace de le faire.
La fin me plait particulièrement.
On inaugure l'autoroute sous la pluie après une nuit agitée les gars de Montréal protégés par un parapluie, mais pas le gars de Québec. Le traveling final, insistant sur la démolition des maisons est fort intéressant. Tassez-vous face à la corruption. Arcand fera un clin d'oeil à cette séquence de fin 40 ans plus tard en terminant Le Règne de la Beauté sur le contraire. Des architectures bien neuves. Et de bon goût. Je serai curieux de lui en parler. Ce film traitant de la corruption sentimentale.
Réjeanne Padovani est une plongée dans le vice à l'ère du Mean Streets de Scorcese.
Nos murs de sous-sol, dans les années 70, avaient aussi du tapis dans les tons de bruns et d'orange.
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