vendredi 31 décembre 2021

Plus De Bulles Dans La Maudite Bouteille De Champagne


En Anglais, la nouvelle année qui arrive est une blague cynique. Twenty-twenty (2020) two (too:aussi ou II comme dans une suite au cinéma). Répéter 2020. 

Not. 

Qu'est-ce qu'on laisse derrière soi ce soir. Quelle année ferme-t-on? 

Personne ne met le voile sur la même chose cette nuit. 


Dans certains pays, on négocie toujours sa survie aussi bien qu'on le peut. La Russie n'a jamais été aussi près de déclencher la troisième guerre mondiale à elle seule, avec sa simple gestion de l'Ukraine. Une gestion inutile quand vous êtes un pays voisin. Mais voilà, la Russie pense qu'elle est chez elle, en Ukraine. Quand on compte les heures dans ce coin du globe, personne n'arrive aux mêmes conclusions. Personne ne raconte la même histoire du pays. Personne ne racontera jamais la même histoire du pays parce que les pays n'ont pas le temps de pousser. Y a pas de soleil en Ukraine. Il vient d'ailleurs. On voudrait les aider, mais à quel point le merdier ne devient-il pas ensuite cette merde qui nous colle au talon? Et la Chine, aaaah...la Chine...plus un seul journal indépendant du gouvernement à hong Kong depuis jeudi...

C'était pas une année facile qu'on terminait en 2020. Terriblement pas. Pouvait-on imaginer pire? 2021 n'aura très certainement pas été tellement mieux. Les paramédics ne se rappellent plus ce que veut dire le mot "vacances", les infirmières sont dans la chaos absolu, les travailleurs de la santé négocient avec la folie des uns et des autres et surveillent la leur qui menace de se trouver au bout de leur fatigue. Et en plus, il faut leur mettre dans les lits ces absolus crétins, ce tiers-monde intellectuel, qui refuse de se faire vacciner, ne serait-ce qu'une seule fois. Ce serait vraiment immoral de la part des hôpitaux de les traiter en dernier? De ne pas le faire du tout? Il sont 8000 sur 12 000 cas hospitalisés. 


Que devrions nous laissez pourrir derrière. Pour toujours? outre les non vaccinés?

La capacité d'encaisser et de livrer les "non". Il ne devrait jamais être si difficile de dire non. Je sais que c'est nettement plus facile à écrire qu'à faire, mais c'est possible. Il faut aussi s'accorder le loisir de recevoir les non. On l'a encore vu depuis le début de la pandémie. Certains ne surmontent pas ceci.

10% de la maudite population qui paralyse 50% de nos systèmes de santé et qui puni la province entière. J'aime mieux pas y penser trop. Je deviendrais malin. 

Personnellement je me suis donné 4 objectifs qui sont, en apparence, très simples, mais pas si facile à gérer/obtenir.

1-Retrouver un poids qui me plait. Parce que s'aimer soi-même, c'est primordial.

2-Trouver un emploi qui me paierait à la hauteur de ce que je livre comme travail.

Ces deux seuls points sont du travail de longue haleine, s'étendant facilement sur les 5 premiers mois de l'année. Réévaluation en mai. Vous en reparlerez. Rendez-vous.  


3- Apprendre, mais surtout aimer cuisiner. Je n'ai jamais eu pleinement la patience de cuisiner et ai souvent trouvé qu'y mettre une tonne d'efforts ne valait pas du tout la peine puisque manger est parfois une affaire de 5 minutes. De plus, je vois les efforts que mets l'amoureuse sur certains plats sur lesquels nos enfants, parfois moi, ne reviennent pas dans la semaine. On composte en lion. Je dois accepter d'emblée que certains plats auront ce sort de rejetés. Simplement trouver un intérêt dans mon manger est le point de départ. Forcé de ne plus toucher au sucre, de ne plus toucher au sel, j'ai déjà un réflexe de porter attention à ce que je consomme, mais honnêtement, depuis la création de mon être, je n'ai jamais vraiment porté attention à ce que je consommais dans une journée. Ça ne m'intéressait tout simplement pas. Manger a toujours été instinctif. Ou gourmand. M'intéresser au manger. Objectif aussi à moyen long terme. Pour les trois premiers objectifs, j'y suis déjà brisé. 


Nous nous sommes équipés d'un rameur assez formidable que j'utilise tous les deux jours depuis le début du mois. Je surveille aussi mes excès alimentaires.  J'ai une piste à continuer d'explorer en ce qui concerne le nouvel emploi et ce serait drôle que cela fonctionne. J'aimerais déjà vous en parler, mais bon, inutile de le faire, c'est pour le moment quelques contacts par courriel, et comme nous partons pour une île sud-américaine dans 4 jours, je n'insiste pas agressivement encore. Sans vraiment reprendre mes habitudes de cook d'il y a quelques 5 ans,  je suis conscient de se ce que je consomme quand je mange. C'est déjà un grand pas. 


4- Le dernier objectif m'est né cette semaine, quand deux de nos télés ont cesser de fonctionner. Naturellement. L'objectif implique un changement de tempérament. La marche n'est pas complètement haute, mais je souhaite foncer dans 2022 et les années suivantes "drama-free". Moins émotif et plus réfléchi. Ça pue un peu la sagesse.  

Le fan de The Clash en moi sera secoué. Mais jamais mort. 

Soignons nos santés mentales dans l'année qui transperce la nuit. Seuls ou entre amis.


On a trouvé un moyen, deux couples d'amis et nous. 

Vous avez le choix de comprendre le titre de cette dernière chronique de 2021 comme (il n'y a plus de) bulles dans la maudite bouteille de champagne. Ou encore Il y a "davatange" de bulles dans la maudite bouteille de champagne. 

À nous deux, 2022. 

Que cette année vous soit extraordinaire!

jeudi 30 décembre 2021

Joan Didion (1934-2021)


1988.

L'auteure, qui avait gagné un concours d'essais pour le magazine Vogue, et qui en écrivait depuis, plusieurs, depuis plusieurs années, se joint à un peloton de journalistes sur le tarmac de l'aéroport de San Diego où le candidat présidentiel Micheal Dukakis se fait lancer une balle de baseball par un adjoint, geste archi calculé, et la lui renvoie sous l'oeil des caméras et de tout ceux et celles présents. 

Elle partira ce de moment de "spin", qui considérait soudainement la condition physique présidentielle comme une prouesse, pour parler des médias et des mythes qui se tricotent sous nos yeux avec notre consentement collectif. Insider Baseball sera le titre de son essai dans le New Yorker, et ça traitera beaucoup moins du baseball que de la mythologie nord-américaine. Didion croquait des moments de vie et nous traduisait son époque. Elle était formidable. 


Reconnue principalement pour ses essais sur la société nord-américaine des années 60, dans l'un de ceux-ci, The White Album, un essai semi récit autobiographique, la première ligne de cette chronique du Los Angeles d'alors, cette ligne disait On se raconte des histoires dans le but de simplement vivre. Les gens ont beaucoup retenu et enregistré cette ligne, mais peu on retenu la suite. On interprète tout ce qu'on vit et choisissons le narratif qui nous plait le mieux. la phantasmagorie devient alors notre expérience déguisée en mémoire. De nos jours, ça peut sembler évident, mais dans les années 60, comme les années 70 allaient aussi le confirmer, le regard sur soi était encore loin d'être réflexe aussi naturel. L'ego restait à développer, dans le privé. Le miroir était derrière la porte du garde-robe. 

Qui sommes "nous" exactement? semblait continuellement se demander la prolifique Joan.  Qui suis-je? aussi. Notre envie d'histoires est inévitable. Lire ses essais, c'est revivre les époques,  les décennies 1960, 1970, 1980, 1990, et ainsi de suite. La lire c'était consulter un album photo d'Amérique du Nord.  Une série de photos, certaines pâlies, certaines d'une beauté sans nom, certaines déchirées sur certains coins, d'autres laides. Elle était à sa manière portraitiste. À peu près au même moment où Hunter S.Thompson nous exposait son journalisme gonzo, elle était parmi les premières à nous raconter l'époque en temps réel. Ce que je tente de faire parfois ici. 


On Self-Respect
, Goodbye to All That, On Keeping a Notebook, ses livres ne se trouvent plus facilement. Elle se qualifiait elle-même d'anti-romantique et avait marié un colérique, un "mauvais garçon", un irlandais, John Gregory Dunne. Écrivain, aussi. Ils étaient tous deux les premiers lecteurs de l'autre. Elle était cool. De visu autant qu'à l'intérieur d'elle. Elle avait appris à écrire adolescente en retapant les histoires d'Ernest Hemingway à la machine à écrire et en tentant de retenir son flux d'écriture. Elle faisait de la non fiction comme Romain Gary en faisait parfois. Elle poignardait et scarifiait parfois. La lire pouvait faire mal à son Amérique. La précision de sa prose était une cellule d'intimité. Son écriture a forcé à raconter des histoires qui devaient prendre forme dans une certaine réalité. Ses sensibilités étaient post-modernes. 


Elle doutait aussi d'elle-même, ce qui la rendait si humaine, et obligeait ses lecteurs/lectrices à douter eux aussi de tout ce qui pouvait être imposé. Incluant certains narratifs. Elle avait l'oeil d'une anthropologiste et l'imagination d'une artiste. Elle documentait la réalité, mais aussi le rêve et les désillusions. Anti-romantique était-elle. Elle a placé au coeur de son oeuvre, au début de ses  terribles années 2000, son propre deuil. Celui de son époux, qui meurt de manière inattendue à ses côtés alors que le couple s'inquiète pour leur fille, elle-même dans un coma, à l'hôpital. Quand celle-ci quitte l'hôpital, Joan lui suggère de ne pas assister à l'enterrement de John, et de se rendre à Malibu, où la petite famille avait passé une large partie de leur vie. Leur fille fera une chute à la sortie de l'avion, trouvera aussi la mort, à seulement 39 ans. Elle écrit The Year of Magical Thinking et Blue Nights sur le sujet. Écrit aussi une pièce avec David Hare qui sera jouée par Vanessa Redgrave.


Son écriture avait une grammaire cinématographique. Elle avait vécue, gonzo, ce qu'elle écrivait. Chaque fois que j'entends,
Heartbreaker des Rolling Stones, et les lignes a ten year old girl on a street corner, sticking needles in her arms, she died in the dirt of an alleyway, her mother said she had no chance, no chance, je pense à cette fille de 5 ans, à Haight-Asbury, dont la mère lui avait administré du LSD dans Slouching Towards Bethlehem. La décadence lui était viscérale. Elle ne voulait pas rêver le monde, elle voulait l'exposer dans sa toute sa beauté, sans jamais négliger son horreur. 

De son propre aveu, elle écrivait afin de comprendre sa propre tête. 


Ce que je fais parfois aussi, ici.

Son "je" rejetait tout sentimentalisme. Ça n'aurait jamais trouvé sa niche sur les ondes de TVA. Radio-Québec, surement. Criterion, absolument. Il ne fallait plus vivre d'impressions disait-elle, trop tard dans sa vie, après les avoir écrites toutes les années 60. Donald Trump a construit son mouvement politique à partir d'une collection de furies préfabriquées. Elle nous en avait avisé au préalable dans ses écrits. 

Elle nous avait parlé de poisons. Elle avait compris les possibles de la décadence. Même si issue du coin des rêves mielleux d'Hollywood. Où elle co-signera aussi du scénario


C'est une Femme tout simplement formidable qui s'est éteinte, à 87 ans, le 23 décembre dernier.

Ces écrits, heureusement restes. Ces portraits sont aussi incarnés, de nos jours, plus que jamais. 

L'égo se porte bien sur cette planète. 

Son neveu, le comédien Griffin Dunne, offre un documentaire fort intéressant sur sa tante, sur la plateforme Netflix, appelé The Center Will Not Hold.

It does not.  

mercredi 29 décembre 2021

Desmond Mpilo Tutu (1931-2021)

 Il riait beaucoup, mais traitait de choses très sérieuses.


L'Afrique libre se souvient. 

Desmond était un géant pour le continent. Contemporain de Nelson Mandela, il était une force électrisante derrière les mouvement anti-apartheid au travers des époques. De tous les regroupements anti ségrégation raciale et anti discrimination, il était l'une des plus importantes icônes et assurément le leader spirituel le plus influent du continent africain. 


Archevêché et théologien, il militait sans cesse pour le droit humain. Né à Kierksdrop, en Afrique du Sud, il commence sa vie adulte comme enseignant et épouse, à 24 ans, la militante Nomalizo Leah Shenxane, avec laquelle ils auront ensemble, 4 enfants. À 29 ans, il est ordonné prêtre anglican et deux ans plus tard, il déménage au Royaume-Uni pour y étudier la théologie. En 1966, il retourne en Afrique, au Federal Théological Seminary de l'Afrique du Sud, puis à l'Université du Botswana, Lesotho et Swaziland. 

En 1972, il devient directeur du Fond d'Éducation Théologique pour l'Afrique, une position qui le force à retourner vivre et se poster à Londres. Mais il s'organise alors pour faire de très nombreuses tournées sur le continent africain. Retournant y vivre dès 1975, il sera doyen de la cathédrale de Sainte-Marie, à Johannesbourg. Puis, il devient évêque de Lesotho. De 1978 à 1985, il sera secrétaire général du conseil des Églises d'Afrique du Sud. Il en émergera comme l'un des plus ardents opposants à l'apartheid et à la discrimination raciale. Il décrira vivement et de manière répétée la surreprésentation des blancs et des Afrikaners parmi les décideurs et les élites, malgré la majorité noire. 


Comme activiste il prêche continuellement en faveur de manifestations non violentes. À la position la plus sénior Anglicane africaine, il est à l'origine de nouveaux modèles de leadership et introduit même, avec modernisme, l'accès au femmes dans la prêtrise. Il devient président des conférences sur les églises africaines, ce qui le fait voyager dans toute l'Afrique. En 1984, il est récompensé du Prix Nobel de la paix pour ses efforts en ce sens, en Afrique. Quand le président Fredrik Willem de Klerk, un autre prix Nobel de la paix.  libère Nelson Mandela, Tutu est médiateur comme il sera très souvent aussi auprès de factions rivales africaines. 


Quand Mandela est élu président, Tutu agit toujours comme agent facilitateur pour des regroupements de coalition. Il est aussi choisi par Mandela pour être à la tête de la commission de la vérité et de la réconciliation.  Mouvement créé afin d'enquête sur les crimes et les abus du passé. 

À la chute de l'apartheid, il en est reconnu comme un des auteurs principaux de ce succès social. Il fera campagne en faveur des droits des gays, en appui aux Palestiens/Palestiniennes, sera opposé à l'intervention des États-Unis en Irak, et sera très critique des présidents africains Thabo Mbeki et Jacob Zuma. 

Tout ça est très audacieux. 


Quand Tutu a commencé à gagner en visibilité, dans les années 70, les conservateurs blancs qui appuyait l'apartheid l'ont vite pris en grippe. Les Libéraux l'ont parfois trouvé trop tranchant ou trop radical. En revanche, ils sont presqu'aussi nombreux, en Afrique, à l'avoir trouvé trop modéré et concentré sur sa propre protection par l'élite blanche. Les Marxistes-Léninistes l'ont trouvé trop anti-communiste, tandis que la majorité Noire de l'Afrique l'a toujours considéré comme une idole et un modèle à suivre. 

Atteint du cancer de la prostate, en 1997, il encouragera les hommes d'Afrique de révéler de telles choses, sujet tabou. En 2010, il choisit de se retirer de la vie publique et supportera les programmes de morts assistées. 

"La taille d'un Homme se mesure à partir des épaules vers le haut." était l'un de ses maximes. 

Auteurs de nombreux livres développant sa pensée, de sermons compilés, de prières, c'est à l'âge de 90 ans, dimanche, qu'il a poussé son dernier souffle.

Souffle qui en a inspiré plus d'un dans l'Afrique Noire et blanche. 

mardi 28 décembre 2021

Jean-Marc Vallée (1963-2021)


Fallait ben que ça finisse comme ça. 

En ces mois de perpétuels deuils, je clos l'année avec trois départ en autant de jours. 

Dans le désordre

Certains décès sont attendus et pas complètement anormaux. Celui appris et pleuré hier, est assez surprenant. Et très désolant.


Jean-Marc Vallée n'avait que 58 ans. Il nous as été exposé publiquement à tous en 1995, avec son complice d'alors Sylvain Guy, qui avait scénarisé pour lui le film Liste Noire, au Québec. C'est au Collège Ahuntsic, là où étudie mon propre fils actuellement pour y devenir paramédic, qu'il a étudié le cinéma. Il a poursuivi ensuite à L'UQAM, dans les années 80. En 1985, il participe à un projet de 30 vidéoclips musicaux en 30 jours. Exercice qui devait inculquer discipline et rigueur puisqu'on ne devait pas dépasser un budget de 50 000$ canadiens. Feu Dédé Fortin est associé au projet, Vallée en tournera finalement 32 au mois d'août. N'oubliera jamais les leçons.


Dans les années 90, il tourne beaucoup de courts-métrages, la vraie école des films. À la même époque, j'étudie moi-même pour travailler dans le monde du cinéma. Il sera notre enseignant le temps d'une session à l'Institut National de l'Image et du Son, où il nous avait présenté en primeur son court-métrage Les Mots Magiques, qui faisait suite à Les Fleurs Magiques, deux courts très personnels, et primés aux prix Génies du cinéma Canadiens et à la toute première édition de la remise des Prix Jutra, remise de prix du cinéma, au Québec. 


Nous n'étions que 16 étudiants. 8 réalisateurs, autant de scénaristes. Nos rapports étaient donc très près, intimes. Sans rester proche avec quiconque d'entre nous par la suite, se croiser dans la rue aurait provoqué une reconnaissance. Il nous disait quitter pour Los Angeles. Ce qu'il a fait. Tournant un western avec Mario Van Peebles. Il y tourne aussi Loser Love, l'année suivante. Deux films à petits budgets, il apprend vite à gérer de petites sommes et d'être d'un redoutable efficacité. Il tourne aussi deux épisodes de la série télé The Secret Adventures of Jules Verne


Inspiré par sa propre enfance, mais racontant aussi celle de son ami François Boulay, avec lequel il co-scénarise, il projette de tourner C.R.A.Z.Y aux États-Unis, mais le comédien Michel Côté, avec lequel il avait tourné Liste Noire, le convainc de faire le projet au Québec, en français. C.R.A.Z.Y sera l'un des meilleurs films de tous les temps Québécois. Racontant le Québec, l'identité et surtout, on, nous, anciens étudiants, reconnaissons notre enseignant qui nous martelait de se battre bec et ongles pour nos choix. Musicaux, entre autre. La musique de C.R.A.Z.Y est phénoménale et indissociable au récit. Il prendra 10 ans à le développer. Vallée était un immense mélomane. On pouvait parler musique longtemps avec lui et ne jamais s'ennuyer. Récoltant la somme records de 13 trophées Jutra (sur 15 nominations). Le film gagne aussi 11 trophées Génies, au Canada. 10 ans plus tard, ce pays, le Canada, le nomme aussi parmi les 10 meilleurs films de tous les temps. 

Julian Fellowes écrit alors la vie de jeunesse de la Reine Victoria et son mariage avec le prince Albert de Saxe-Coburg et Gotha. The Young Victoria aura trois nominations aux Oscars, gagnant celui des meilleurs costumes. Graham King et Martin Scorsese seront producteurs du film. Vallée scénarise et tourne Café de Flore avec un impressionnant casting, l'histoire d'une mère et son fils communicant aux travers des époques. Le film est moins bien reçu. 


Jean-Marc retourne aux États-Unis et tourne avec un budget famélique et en 25 jours, l'histoire de Ron Woodruff. Un mois était le temps qu'il restait à vivre à Woodruff, quand on lui a annoncé qu'il avait le SIDA. Matthew McConaughey gagnera l'Oscar du meilleur acteur pour ce film, et Jared Leto, celui du meilleur second rôle, pour son rôle d'un(e) prostitué(e).  


En 2014, c'est à Reese Whiterspoon qu'il s'associe pour adapter Wild, de Cheryl Strayed. Whiterspoon et Laura Dern auront des nominations aux Oscars pour ce film. Vallée devient spécialiste du profit en films. Pour Dallas Buyer's Club, le film rapporte 50 millions de plus que ce qu'il a coûté à faire. Pour Wild, on génère 38 millions de profits supplémentaires aux coûts de production. L'année suivante, il tourne Demolition avec Jake Gylenhaall.   


En 2017, il tourne pour HBO
Big Little Lies, qui lui fera remporter le prix de la meilleure réalisation pour une série télé, aux Emmys. Depuis 2018, il co-produisait et co-réalisait la série télé Sharp Objects

À la consternation de toute la planète cinéma, particulièrement chez nous, Jean-Marc, a seulement 58 ans, décède platement, le 25 décembre dernier. Dans la région de Québec. Où il venait tout juste d'aménager. 

J'attendais tant ta Ballade de Yoko & John. 

L'avantages des artistes est que la trace que ces gens laissent, peut être indélébile. 

Merci Jean-Marc de ton extrême gentillesse, de ton humilité, de ton talent. 

Tu nous manqueras. Nous n'oublierons jamais tes leçons. 

lundi 27 décembre 2021

À La Recherche Du Temps Perdu******************Madame Bovary de Gustave Flaubert


Chaque mois, dans ses 10 derniers jours, tout comme je le fais pour le cinéma (dans ses 10 premiers) et tout comme je le fais pour la musique (vers le milieu), je vous parle de l'une des mes trois immenses passions: la littérature. 

Lire c'est choisir d'habiter un(e) autre. C'est explorer l'univers d'autrui, de s'ouvrir sur un nouveau monde, de voyager à peu de frais. C'est accepter de nouvelles idées, de nouvelles visions, les confronter parfois. C'est comprendre autrement. C'est choisir de vivre sur un rythme différent. C'est respirer autrement. 

Et respirer, c'est vivre. 


MADAME BOVARY de GUSTAVE FLAUBERT

Ironie et finesse.

La narration de ce roman de 1856, son premier, est étrangement très moderne. En effet, elle change de perspective sans crier gare. Une mystérieuse personne extérieure nous raconte la première partie. On pourrait croire au témoignage d'un copain d'école de Charles Bovary. Puis, on passe aux monologues intérieurs de Charles. Avant de passer à ceux de Emma, Léon et finalement Rodolphe. 


Cette chronique des moeurs de province nous expose les envies d'évasions d'une Femme vivant au dessus de ses moyens fuyant les banalités et le vide de la vie en province. Un mois et demi après sa sortie, l'ordre moral public attaquait l'auteur pour obscénité. Penser le cocufiage était pêché. Bien entendu. Gustave a été trouvé non coupable et la publicité a fait de son livre un rapide best seller. Et la structure moderne de la présentation de son récit a fait école. Fini la narration unique. 


Bien que Flaubert ait souvent dit que "Madame Bovary, c'est moi!", c'était surtout pour protéger un ami d'études, un docteur, qui avait vécu le type de tourments émotifs présentés. Il dira même que rien de l'amour ne se trouve dans son livre, et qu'il n'y avait mis aucun de ses propres sentiments. (Cette fois, probablement afin de protéger son propre mariage). 

 La structure narrative n'était pas amateure, elle avait été calculée. Des collègues médecins avaient suggéré à Flaubert d'écrire son histoire "de la manière normale". Mais l'auteure insistait pour parler de l'ennui et la banalité autrement que par du "traditionnel", ce qui pouvait aussi faire glisser le récit vers le banal et ennuyeux. 


Un peu comme Jerry Seinfeld et Larry David, plus d'un siècle plus tard, Flaubert voulait écrire un livre profond à propos de rien. Gustave devenait alors le premier romancier non figuratif. Le réalisme était d'ailleurs un point de contentieux en cour puisqu'on disait que l'art lyrique de Flaubert attaquait la décence. 


Emma Bovary sera considérée comme l'incarnation du romantisme, mais on pourra aussi lire et comprendre les mécanismes intérieurs du romantisme, les états mentaux, les effets sentimentaux. Emma n'a pratiquement aucune relation avec les réalités du monde extérieur. Plusieurs disent qu'il s'agit d'une critique de la bourgeoisie, ce qui n'est pas complètement faux, puisque Gustave la méprisait et qu'il était d'avis que ses personnages avaient des traits de caractères plutôt laids. Des inclinaisons malsaines. Établissant un ravin entre leurs illusions et la réalité. Une distance entre le désir et son épanouissement. Chabrol et Isabelle ont fait quelque chose de très intéressant autour de tout ça en 1991 et Sophie Barthes a refait, parce qu'on aime beaucoup (trop) refaire, en 2014 avec Mia Wasikowska dans le rôle titre. Ça avait aussi été fait en 1949. En 1947. À la télé, en Inde, et en tasse

Bien qu'une tragédie, c'est aussi plein d'humour et de sarcasmes. Une scène de visite d'église à la Cathédrale de Rouen est particulièrement amusante et extrêmement habilement amenée. Plus romantique et coquine est aussi cette discussion chuchotée pendant le discours ennuyeux du vice-préfet entre Rodolphe et Emma dans leur loge. Amusante et fine scène. Peu de descriptions des traits des personnages, mais un portrait clair de l'environnement dans lesquels ils baignent. 

Un excellent tourment intérieur à lire jusqu'à la dernière phrase. 

dimanche 26 décembre 2021

Homme-Sandwich Infect


Il y a ce fameux titre de Micheal Nyman qui se nomme "The Heart Asks Pleasure First"

J'aurais tendance à aussi penser qu'il y a aussi sous entendu avec la sonorité "The art asks pleasure first".

Un artiste est toujours coupable de faire l'homme-sandwich, de vouloir séduire et être aimé. C'est dans l'adn du rôle.

Je ne voulais pas vous parler de Julien Lacroix. C'était avant de visionner et d'entendre ce qu'il avait à expliquer.  Il y a des nuages dans son café. Encore complètement sur le ton de la défense. 

Le film est connu. C'est un drame. Et il veut en refaire le montage.

Lacroix est un humoriste dans la vingtaine qui était en pleine montée au Québec. Coupable de plusieurs excès intoxiqués, il a eu des comportements toxiques envers une ancienne copine amoureuse, mais surtout, par 8 autres filles. Un seule accusation loge dans la potentielle rumeur et sème le doute. 

9 confirment un trait de caractère.

Le consentement est une chose assez simple. Remplacez, dans ce qui suivra, le thé par le sexe.


"Veux tu une tasse de thé?" "Absolument je veux une tasse de thé". Consentement.

"Veux tu une tasse de thé?" "Hmmm...pas complètement certain(e)". Tu peux lui faire une tasse de thé (ou pas), mais cette personne ne le boira peut-être pas. Si cette personne choisit de ne pas la boire, ne jamais forcer cette personne à le faire. Viol de l'intégrité physique. Faire un thé ne donne absolument aucun droit si personne en a demandé. Un "Non merci" devrait suffire à ne pas faire de thé du tout. Inutile de se fâcher, inutile de le prendre personnel, tout le monde a le droit de ne pas vouloir de thé. 


Il est possible que cette personne dise "Oui j'en ai envie" et lorsque la tasse est prête, change d'idée. C'est déplaisant, parfois franchement déplaisant, mais le type de plaisir à deux, si il n'est senti que par un, n'est plus un plaisir à deux. C'est normal et acceptable de changer d'idée. 


Si la personne est inconsciente, aucun thé ne doit lui être administré. Son physique est en zone d'inertie, il faut continuer de respecter son intégrité physique. Puisqu'inconsciente, cette personne ne peut répondre à aucune question. Peut-être que cette personne avait dit oui consciente, mais pendant la préparation du thé, est depuis tombée inconsciente. Le thé ne compte plus. La sécurité de la personne inconsciente oui, toutefois. S'assurer que cette personne va bien. L'inconscience est souvent fâcheuse. Les gens inconscients ne veulent pas de thé, et les faire boire du thé, dans leur état, est un autre viol de l'intégrité physique. Même chose pour la personne qui commence à boire un thé et perd connaissance. Continuer de boire le thé, sans connaissance est absurde. Et viol. 


Si un thé a été pris chez vous samedi, ceci ne veut pas dire que cette personne en voudra tout le temps tout le reste de la semaine suivante. Chaque buveur à son rythme, ses envies, ses capacités d'ingestion. Se faire surprendre à la maison pour se faire forcer à boire du thé est un viol de l'intégrité physique. "Mais tu en voulais la semaine dernière?". C'est pas une raison. Chaque thé est une nouvelle envie qui ne se commande pas toujours au rythme des autres. Forcé un thé lorsqu'on sort du sommeil le matin n'est pas non plus toujours bienvenu. Pas plus sous le prétexte que la veille au soir, ce thé était si bon. 


Si on est capable de comprendre comment est incohérent de forcer quelqu'un à prendre du thé quand il n'en veut pas, le consentement sexuel est facile à saisir. 

Julien Lacroix était partout où il ne fallait pas dans cette analogie. Plusieurs fois. 

Il s'est d'abord défendu, trouvant les accusations injustes, alors. Sa réaction trahissait un dangereux déni de responsabilités. Il s'est éclipsé, pas tellement longtemps, a eu le temps de devenir papa, aurait travaillé sur sa personne et sur ses comportement toxiques et a jugé bon de revenir faire l'homme-sandwich dans une entrevue de 47 minutes avec une journaliste du Devoir qui avait co-signé l'article annonçant ses abus. Qu'il a reconnu. 

Faiblement.


Son entrevue est pénible à écouter. Très pénible. Il parle de claque dans la face, d'humiliation, de son petit ego décalissé, d'être tanné, de vouloir marcher la tête haute...

L'intervieweuse a manqué son coup de lui rappeler qu'il s'agit du texte intégral de ses victimes. Qu'il s'approprie de l'exacte même manière qu'il s'était approprié leurs corps. Il pose en victime. 

Ré-pu-gnant. 


On voit bien qu'il n'a pas envie de s'expliquer et qu'il le fait parce que forcé par les pancartes de son rôle d'homme-sandwich.

Sur lequel il voudrait contrôler ce qui est écrit dessus. Parce que pour l'instant il ne lie que toxique

Ce qu'on lira encore un bon bout de temps, nous aussi, si c'est comme ça qu'il veut se représenter. 

Ce sera dur de nous faire rire, Julien.

Ton art n'est plus plaisir. Dans ton film, t'auras besoin d'un plus grand bateau