dimanche 1 décembre 2019

K(ill) Pop

La K-pop* est malsaine.

Goo Hara, chanteuse et actrice extraordinairement populaire de K-pop, avait 28 ans.

Son corps a été retrouvé sans vie la semaine dernière chez elle, à Séoul.

Son amie et aussi chanteuse de k-pop (en plus d'être actrice) Choi Jin-Ri , aussi connue sous le pseudonyme de Sulli a aussi été retrouvée sans vie le 14 octobre dernier. Pendue.

Goo & Sulli ont toutes deux fait face à de la sévère cyber-intimidation, à du harcèlement sexuel, à la fois de la part du public et à la fois de la part des médias toute leur carrière (commencée enfant pour Sulli). Sulli avait 25 ans.

Une note "pessimiste" rédigée de la main de Goo Hara a été trouvée près de son corps sans vie, indiquant un très probable suicide aussi.

Fameusement populaire, d'abord en Asie, la K-Pop a maintenant traversé les frontières et des groupes comme Blackpink ou BTS, sont énormément en demande. Un sondage afin de savoir qui les festivaliers du Festival d'Été de Québec aimeraient voir en spectacle chez nous plaçait l'été dernier BTS premier, et de très loin.

Goo Hara a débuté sa carrière de musique en 2005, dans un groupe de K-Pop de 5 filles appelé Kara. En solo, sa carrière allait devenir encore meilleure en Corée et au Japon.

Sulli a débuté sa carrière en musique à peu près de la même façon, en 2009 celle-là, dans la formation f(x).

Goo a fait les manchettes autrement quand son ancien copain intime, Choi Jong-bum, l'a accusé  d'agression contre lui. Goo était alors victime de cyberintimidation, puisque Jong-bum diffusait sur le net leurs ébats sexuels, filmés à son insu.

Pendant la chicane en cour de justice, l'agence de Goo Hara a choisi de ne pas renouveler son contrat. Jong-bum a été trouvé coupable de cyberintimidation, de chantage, d'extortion et d'agression contre elle et s'est mérité une sentence d'un an et demi pour ses crimes. La sentence a toutefois été suspendue le temps qu'il loge un appel de la sentence.

La K-Pop est passé de phénomène national en Asie fort sain a très très noir en peu de temps. Un voile sombre a été lentement levé. Il s'agit d'un milieu extraordinairement compétitif avec plus d'une douzaine de nouveaux bands lancés dans la fosse aux lions par année.  Et des lions qui, visiblement se dévorent entre eux. Les jeunes artistes ne peuvent compter que sur une agence pour espérer obtenir un certain succès. Mais les agences les avalent et les broient.

Ils imposent des règles extrêmement strictes, ils doivent approuver leurs fréquentations, leur interdisent beaucoup de libertés, imposent des diètes non nécessaires, et ont parfois des clauses assez proches de la soumission absolue dans des contrats injustes pour les artistes. Mais en Corée, la justice a toujours été timide. Plus libre au Sud, oui, mais timide assez radicale aussi à sa manière.

Les spécialistes du genre confirment que pour les artistes féminines, les règles sont plus strictes encore. Et le reflet d'une lourde société patriarcale en Corée du Sud.

On dit que les artistes féminines sont soumises aux rigides lois de la féminité "convenue" dans la société sud-coréenne.

Une idole féminine a perdu son public en ne souriant pas assez à la télévision et en se faisant filmer en train de lire un livre confrontant les valeurs patriarcales de son pays. Elle a été vite ostracisée.

Il est attendu des artistes féminines qu'elles soient chastes et vierges "pures". Malgré qu'elle eût été victime de pornographie vengeuse, Goo, une fois la video révélée, a dû faire face à des représailles virtuelles de la part de lâches anonymes du net. Un véritable barrage de haine. Bien que VICTIME de revenge porn.

Le sexe est encore un sujet extrêmement tabou en Corée du Sud.

Sulli, avant de s'enlever la vie, avait critiqué publiquement l'âgisme et la misogynie de son industrie et a dû, elle aussi, essuyer des barrages de haine du net. Se déclarant féministe, elle s'est attirée de nouvelles foudres publiques. Finalement, on l'a vivement critiqué simplement parce qu'elle appelait ses collègues du milieu, publiquement, par leur prénom (selon nos standards occidentaux, rien d'anormal ici) et surtout pour avoir porté des t-shirts sans brassières.

La gestion du corps des femmes par autrui est internationale.

Pour les stars de la K-Pop, l'accès à des services de support psychologiques est inexistant. On remplacera l'artiste qui suggérera la dépression. En Corée du Sud, on croit fermement que la dépression se soigne par simple volonté personnelle. Que c'est une faiblesse choisie. De multiples suicides dans le milieu de la K-pop s'expliquent par des abus en très jeune âge suivi d'une plongée dans un univers hyper compétitif où la tension est constante.
1991-2019/1994-2019

Quand Sulli a été trouvée morte, Goo lui a envoyé un video où, en larmes elle lui promettait de vivre avec plus de diligence pour elle.

Deux jours avant sa mort, elle se prenait en photo avec deux derniers mots.

Bonne nuit.

La plus longue des nuits.

*Korean-Pop

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