Son père est ingénieur chimiste né dans la Pologne Russe, sa mère est issue d'une famille d'éditeurs en Ukraine. La famille est juive. René est le deuxième fils de la famille, né en 1926, à Paris.
Grand timide, il compense en faisant rire ses semblables. la famille vit en partie en Argentine ou en Uruguay où il dévore les Zig & Puce, Les Pieds Nickelés, Tarzan ou Superman. Il tombe vite amoureux du cinéma et de Stan Laurel auquel il s'identifie.
La famille est protégée parce qu'en Argentine, quand la Seconde Grande Guerre éclate. Mais René perd trois oncles maternels sous occupation Nazie. À 17 ans, il obtient son bac mais son père décède d'une hémorragie cérébrale. La famille tombera dans la précarité. Il voulait étudier en beaux arts et en lettres mais se choisit un emploi de comptable adjoint pour une compagnie de pneus. Ce qu'il déteste vite. Il sera dessinateur dans une agence de publicité. Il publie aussi quelques articles (& dessins) pour des journaux locaux. Avec sa mère, quand la Guerre est terminée, il habite New York. Il y sera traducteur. Comme moi.
Il veut rencontrer Walt Disney et y présenter ses dessins. Sans succès. Il cogne à plusieurs portes, sans succès aussi. À 21 ans, il vit au crochet de sa mère et connaît la pire période de sa vie. Il se déniche un emploi dans une agence de publicité, où il y rencontre le futur fondateur du magazine humoristique Mad. Il publie aux États-Unis des livres pour enfants animés. On lui fait rencontrer Jijé, Belge, scénariste de BD (Spirou), dans le Connecticut, qui lui, l'introduit à Morris, auteur de Lucky Luke. Morris et Goscinny s'entendent comme larrons en foire. Goscinny tente de lancer sa propre BD sur un policier New Yorkais. Jijé doit lui donner un coup de main, mais les deux se brouillent après quelques erreurs d'envoi de Jijé.
Si le dessin de Goscinny n'impressionne pas tant, son sens du gag, ses histoires, ses narrations, ses dialogues, impressionnent beaucoup. Quatres livres pour enfants en anglais paraissent à nouveau.
En 1951, René a 25 ans, il est embauché à la World Press qui ouvre un bureau sur les Champs-et-Élysés. Il y fait la rencontre marquante d'Albert Uderzo, avec lequel il marquera l'histoire au sens propre comme figuré. Ils publient une chronique comique dans un hebdomadaire belge, Bonnes Soirées. Sous le pseudonyme de Liliane D'Orsay, il répond à un courrier du coeur mais perd son emploi quand il répond un jour "grossièrement" à une chic lectrice. Plusieurs BD sont mises en chantier, il a des idées pleines d'humour et d'intelligence.
Il est envoyé aux États-Unis pour lancer TV Family, un magazine télé de la maison d'édition Dupuis, le temps de 14 numéros où il y sera directeur artistique. Ça le guide vers la scénarisation presqu'à temps plein. Il sera l'un des créateurs du métier de scénariste de BD. Il en sera une brillante figure de proue.
De 1957 à 1977, Goscinny libère Morris de la charge du scénario et lui écrit 36 aventures de Lucky Luke, connaissant bien, comme Morris, les États-Unis et leurs mythes.
En 1953, il fait la rencontre de Jean-Jacques Sempé, avec lequel il scénarisera Le Petit Nicolas, un immense succès. Intemporel. Intelligent. Formidable.
Il est si prisé que, bien que travaillant pour le magazine de Spirou, il collabore aussi, en 1956, au rival, Le Journal de Tintin.
Le Magazine Pilote est lancé en 1959. Goscinny (et Uderzo) sont de l'équipe de base. C'est aussi l'année de naissance d'Asterix. En 1963, il est déjà fait co-rédacteur en chef avec Jean-Michel Chartier.
Il créé, avec Jean Tabary au dessin, en 1962, l'univers d'Iznogoud. Il s'adonne à son plaisir du calembour et une de ses expressions passera au vocabulaire de la langue française, soit "être calife à la place du calife" pour parler de quelqu'un qui voudrait être le patron là où il ne l'était pas.
C'est dire comment Goscinny devient immense.
Avec Astérix, à partir de 1965, il est consacré au sommet de l'univers de la BD.
Iznogoud, Astérix et Lucky Luke sont les points d'orgue de l'immense intelligence de René Goscinny.
Pour Iznogoud et Tabary, il scénarisera 24 fois, pour Lucky Luke et Morris, 36 fois, pour Astérix et Uderzo, 23.
Le métier de scénariste de BD gagne en visibilité et en crédibilité grâce à lui.
Son nom est désormais associé au succès. Et à jamais. Il devient immortel.
Pourtant, on continue de lui demander quel est son vrai métier parfois.
Les événements de mai 1968 le dégoûtent. Des dessinateurs qu'il a aidé à partir dans la BD le placent du côté du patronat. Ça l'inspirera pour La Zizanie, un livre d'Astérix. Le premier que ma grand-mère maternelle me donnera à mon anniversaire.
Les trois films d'animation d'Astérix auquel il est associé deviennent des bijoux d'animation.
Goscinny sera comme un père pour un autre génie de la création bédé: Marcel Gotlib.
Greg, auteur du volubile Achille Talon, le dessinera tout petit dans ses BD, ce qui fera en sorte que tout le monde s'étonnera de le trouver "grand" dans la vraie vie. Il était de taille normale.
Je ne vous parle que du tiers de ce qu'il a fait pour la BD, car il était aussi, au figuré, géant.
Et je ne veux pas m'éterniser avec cette légende.
Il est le coeur et l'âme de la BD d'Europe.
Le 5 novembre 1977, il fait un test d'effort sur vélo dans un appartement de cardiologue quand son coeur le lâche. Il est victime d'une crise cardiaque qui met fin à ses jours. Il n'a que 51 ans.
Le monde de la BD perd un géant. Un vrai géant.
Uderzo fera le malheureux choix de continuer les Asterix sans lui.
Mais le choix payant de garder son nom sur tous les livres, incluant celui lancé il y a deux semaines, même si ni Uderzo, ni Goscinny n'y ont participé.
Parce qu'après tout, ce sont eux qui vendent toujours aussi bien.
La parution du dernier Astérix, où j'y ai vu son nom en haut, aux côtés de celui d'Uderzo, m'a rappelé cet immense talent qu'il avait.
Le plus américain scénariste de BD d'Europe.
Dans cette intense année 1977, qui nous enlevait Elvis Presley et Charlie Chaplin, le monde des arts perdait aussi René Goscinny, qui avait eu le même impact sur son art à lui, la BD.
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