lundi 22 mai 2023

Éteindre la Chandelle

C'est fou ce que le peu que j'ai connu dans ma vie adulte, c'est peu à peu effacé.

À mon arrivée à Montréal, mon co-loc Goyette et moi commencions tous nos vendredis avec un festival de réalisateurs, soit 3 films loués en copie VHS, à La Boîte Noire, sur St-Denis, deuxième étage, paradis d'amateurs de cinéma. Les films étaient classés par pays et par réalisateurs/réalisatrices. Par exemple si vous entriez pour y trouver Fearless mettant en vedette Jeff Bridges et Rosie Perez, il fallait vous rendre dans la section Angleterre, et ensuite sous son nom bien identifié. Si vous vouliez voir Welcome To The Doll House, vous alliez dans États-Unis et s'y trouvait l'unique film de Todd Solondz disponible en 1995 (avant la révélation de 1998). 

Brian DePalma, François Truffaut, Jean-Luc Godard, Claude Chabrol, Eric Rohmer, Alfred Hitchcock, Woody Allen, Françis Ford Coppola, Martin Scorsese, David Cronenberg, David Lynch, les frères Coen, Wong Kar Wai, Akira Kurosawa, Ingmar Bergman, Federico Fellini, Bernardo Bertolucci, Roberto Rossellini, Stanley Kubrick, Michelangelo Antonioni, Wim Wenders, Werner Herzog, Rainer Werner Fassbinder (de mémoire) ont tous trouvé un vendredi qu'on leur avait consacré en deux/trois visionnements, dépendant quand nous voulions démarrer notre soirée en ville. (que nous habitions délirieusement bien).

 Depuis, je n'ai pas cessé de visionner pratiquement au même rythme, depuis 2009 surtout, et j'ai une grandissante collection de films dans ma vidéothèque. Tiens, je devrai me trouver The Reporter d'Antonioni que je n'ai pas acquis en DVD (Zabriskie Point serait bien aussi).

Bon, La Boîte Noire a rapetissé à un certain moment en ne devenant qu'une boutique sur Mont-Royal où, lorsqu'elle avait annoncé aussi fermer ses portes en faisant une grande vente de liquidation, j'avais pris la peine de prendre congé au travail pour être de la file le matin. Bien entendu j'ai vite compris que les employé(e)s s'étaient servis d'abord. J'avais quand même acheté un Godard, un Coen & Coen. un Robbe-Grillet et un Stéphane Lafleur

J'ai travaillé au cinéma du Complexe Desjardins pendant un certain temps aussi. Avec mon co-loc Goyette aussi. Le cinéma a été le premier à fermer. 

On a, tous les deux encore, l'amoureuse aussi quand elle a migré du 418 au 514 pour me rejoindre, travaillé chez Video Esprit, à Verdun, et moi ensuite sur Gouin, à Montréal-Nord. On était payé en recevant ça comptant, les dollars brochés ensemble, le 2$ sur le dessus...Avoir eu des téléphones cellulaires à cette époque c'est certain qu'on aurait pris ça en photo.

Bien entendu les clubs vidéos se sont éteints. 

Tous étudiants à l'UQAM, les 12 mousquetaires que nous étions, la gang du cinéma, plus tard la gang de la cinémathèque où je bosserai aussi, les collègues étudiants de l'INIS où j'ai aussi étudié avec succès, on se retrouvait très (trop?) souvent au bar Le St-Sulpice sur St-Denis. Avec sa grande terrasse arrière. On a même eu le temps d'y faire des retrouvailles de la gang du ciné, avant que cela ne ferme il y a quelques années.

Et finalement le Archambault, Musique et Livres qui fait le coin Berri/Ste-Catherine. Magasin plus que centenaire, qui fermait ses portes définitivement vendredi dernier. On s'est donné rendez-vous dans le parce Émilie Gamelin tout juste en face. On a tous pris 20 ans. Plusieurs, dont moi, ont des enfants. J'ai été content de reprendre contact avec d'anciens collègues. Beaucoup plus me reconnaissaient tandis que moi, je faisais semblant de me rappeler d'eux/elles. La présence potentielle de J.T. et de G.D. me rendait un brin nerveux. Mais ni l'une ni l'autre n'avais promise d'y être et ne s'est pointée. On a rebrassé de vieilles histoires, on a ri, on a pas pleuré, mais on a eu quelques pincements. 

On a plus 20-25 ans. Notre nouvel ennemi est le temps. J'ai appris qu'un de mes anciens collègues est un proche de la chanteuse française Pomme. Que je découvrais amoureusement il n'y a quelques 6 mois. 

Wow! J'en ai été flabbergasté. J'adore sa plume. Il me dit de découvrir November Ultra. J'ai essayé. Pas assez de batterie. Je commence à entendre beaucoup de chanteuses interéssantes qui ne trouvent pas la batterie essentielle dans leurs oeuvres. Julien Baker, Pomme, November Ultra. Je laisse tomber celle-là. J'ai besoin de plus que ça. 

Nous avons fait durer notre hommage au Archambault Musique & Livres de 17h30 à 20h30. Ça a passé terriblement vite. Comme toute ces années. C'était hier.

J'ai pensé à Romain qui disait que la vie est une grande course à relais, où chacun de nous, avant de tomber, doit repousser le plus loin possible, le défi d'être un Homme. 

Je suis de la génération X. Bientôt habilement bien effacée.

Merci Valérie, Stéphane, Bruno.

Vous nous faites croire le contraire.    

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