Jean Gabin avait connu le cinéma muet. Gabin, c'était le nom de scène de son père, qui était un artiste, lui aussi. Quand Jean passe du chant dans les opérettes au vaudeville, aux Folies Bergères, au cinéma muet et au cinéma parlant, c'est Julien Duvivier qui lui donne son premier rôle marquant, dans Maria Chapdelaine*, l'adaptation du roman du Français Louis Hémon, qu'il avait écrit ici, au Québec, inspiré de ce qu'il voyait à Montréal, La Tuque, Roberval et au Lac St-Jean. C'est encore Duvivier qui le rend plus célèbre encore en le faisant jouer dans Pépé, le Moko.
Incarnant les héros romantiques et tout aussi tragiques, d'origine populaire, il est imposé par Jean Renoir dans Les Bas-Fonds, puis dans La Grande Illusion, illustre film. Immortel classique. "T'as de beaux yeux, tu sais" reste l'une de ses lignes les plus célèbres lorsque validé aussitôt par le regard de Michelle Morgan dans Quai des Brumes. Il retourne ensuite pour Carné encore chez Renoir. En 1939, il est aussi immense pour la France que l'est Clark Gable ou John Wayne pour les États-Unis.
Pendant la Guerre, il réussi à s'expatrier aux États-Unis. Renoir, Duvivier, Charles Boyer, Jean-Pierre Aumont et plusieurs compatriotes Français, lui ont pavé la même route, pour les mêmes raisons. Fuir les Allemands d'Hitler. À Los Angeles, il fréquentera Ginger Rogers, Marlene Dietrich, Greta Garbo. Voyant Charles Laughton, Carole Lombard, Bette Davis, John Garfield faire toute sortes d'efforts pour soutenir les soldats en Guerre, Gabin prend le mal du pays. Se demande pourquoi il resterait aux États-Unis pendant que ses confrères se battent en France. Les films qu'il tourne aux É-U. sont très mineurs. Par patriotisme, il sera engagé dans le Forces Françaises Combattantes, entre 1943 et 1945, comme canonnier.
Il participera à la libération de la poche de Royan, puis à la campagne d'Allemagne qui le conduit au Nid d'Aigle d'Hitler. Il sera décoré de la Croix de Guerre.
À son retour en France, après la libération, il a les cheveux blancs. Et de jeunes loups sont maintenant les vedettes à suivre. Jean Marais, Gérard Phillipe, Daniel Gélin. Il est en liaison amoureuse avec Dietrich depuis longtemps et tourne avec. Mais quand les années 50 se pointent, ils ne sont plus un couple. Il retrouve Carné qui adapte Simenon. Son image change.
Jacques Becker cherche un truand pour son film Touchez Pas au Grisbi. Lino Ventura a 35 ans. Il est invité par Becker. Alors que Ventura, ancien lutteur, lui apporte une liste de lutteurs qui pourraient faire l'affaire, car Ventura organise toujours la lutte, il réalise qu'il n'avait rien compris. C'est lui que voulait Becker. Ventura pense à un gag. Il ne s'imagine pas jouer avec son idole. Au premier jour de tournage, Ventura choisit de faire l'inconcevable et se présente dans la loge privée de Gabin, la star, lui disant "Ça va?" Celui apprécie son audace et les deux seront de très grands amis toute leur vie.
Ventura est pris sous l'aile de Gabin. Avec Gabin qui le présente, Lino travaille pour Henri Decoin, dans Crimes & Chatiments, Le Rouge est Mis, Maigret tend un piège. Ascenceur Pour l'Échafaud, Le Gorille Vous Salue Bien établissent Ventura comme une figure importante du nouveau cinéma Français. Fiers et ombrageux tous les deux, ils se retrouvent en 1969, unis par leur ami commun Henri Verneuil, dans Le Clan des Siciliens.
Mais dès 1959. Jean-Paul Belmondo est reconnu partout dans le monde. À Bout de Souffle de Jean-Luc Godard le révèle et l'Oscar du meilleur Film en Langue Étrangère, gagné l'année suivante à Hollywood, le propulse au sommet de son art. En 1958, Belmondo et un beau garçon appelé Alain Delon, on joué ensemble dans Sois-Belle et Tais-Toi! de Marc Allégret. La même année, Romy Schneider tombe pour les beaux yeux de Delon sur le tournage de Christine et les deux vivent une romance. Delon dérange les sens. Delon & Schneider auront un fils au destin tragique, ensemble, et resterons amis toute leur vie.
Belmondo, entre 1969 et 1982, avec sa gouaille de Français et exécutant ses propres cascades, sera roi du box-office Français, son nom attirant plus de 160 millions de spectateurs. Delon a ses entrées aux États-Unis, il brille en Italie sous la direction de Visconti (au moins 2 fois) et le grand Michelangelo Antonioni dans un film que je me meurs d'avoir. Belmondo devient figure de lance du film comique et d'action, Delon se cantonne dans les rôles de cinéma d'auteur, mais dans les années 70, il est presque le calque des choix de Clint Eastwood, aux États-Unis (moins les westerns).
En 1963, Delon et Gabin jouent ensemble dans Any Number Can Win pour MGM, aux États-Unis, mais sous la production d'un Français, Jacques Bar. Delon refuse un salaire mais propose d'avoir l'entièreté des droits de distribution du film, dans certains pays. Gabin sera épaté de voir "la méthode Delon" qui lui fera toucher 10 fois son propre salaire. Un an avant Gabin et Belmondo tournaient ensemble Audiard. "Môme, t'es mes 20 ans!" dira Gabin de Belmondo.
Dans Le Clan Sicilien, Delon, Ventura et Gabin, sont tous ensemble.
De gros ego de cinéma comme ça, ça négocie à peu près tout. Comme l'apparition des noms au générique, la grosseur, l'endroit, l'image derrière. Ainsi, Belmondo sera irrité, dès 1970, pour Borsalino, que le nom de Delon supplante le sien, car Delon a été assez futé pour le produire, donc la première lecture dans le coin gauche de l'affiche de la discorde est "une production ALAIN DELON". Delon refera équipe avec Gabin, en 1974, deux ans avant la mort de celui-ci, pour la suite de ce film.
Ces 4 gueules de Français sont unis par l'impact immense qu'ils ont eu sur leur peuple par le cinéma Français.
Ils sont aussi unis dans un livre qui vient d'atterrir ici et qui couvre ses 4 gueules.
Gabin décède en 1976. à 72 ans, Ventura, en 1987, à 68 ans, Belmondo, l'an dernier, à 88 ans.
Delon bedonne encore, à 86 ans.
*la tentative de copie d'accent Québécois est tout simplement horrifiante.
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