Personne ne voit la même chose de ce jour-là. Certains parlent de "troubles" comme un conflit, une chicane. Ce que ce fût, bien entendu. Mais simplement de quelque chose qu'il fallait dompter. Chasser. Comme les camionneurs sans emplois qui veulent paralyser les villes, au Canada d'Amérique. D'autres, parlent d'une guerre. Ce qui est vraie aussi. Civile. Fratricide. Ken Loach (de la main de Paul Laverty) a tricoté un merveilleux film sur l'éveil de ce nationalisme Irlandais avec Cillian Murphy, en 2006. L'intensité des Irlandais n'est plus à prouver. Elle bourdonne intensément. Ça s'entend dans la voix de Bono.
En bordure de Derry, dans le Bogside, à Drumahoe, sur la route qui s'y trouve, il y a un drapeau qui flotte. Un drapeau gênant. Celui des parachutistes qui ont assassinés les civils, il y a 50 ans. Il existe encore des gens, comme les fans des CONfédérés des États-Unis qui brandissent le drapeau des malades d'antan. Qui aiment brandir l'inexcusable. Pour continuer à faire peur.Mon père, dont l'arrière-arrière grand-mère avait épousé le jeune docteur qui la soignait, sur Grosse-Isle, et dont le sang irlandais de ma famille est issu, était comme ça lui aussi. Au chalet du Lac St-Joseph qui a fait notre bonheur de 1986 à 2005, il avait eu, de je-ne-sais-trop-qui, un drapeau mohawk. Comme du côté de ma mère, il y a de l'autochtone beaucoup plus rapprochée dans notre lignée, il trouvait d'appoint de clairement afficher ce drapeau au pied du quai. Haut et fier. C'est l'excuse qu'il se trouvait quand je le confrontais sur la chose. Nous n'avons pas de sang Mohawk. Notre sang est croisé irlandais/ croisé Atikamekw. C'était afficher un peu n'importe quoi. De plus, au moment où il posait le drapeau, la publicité autour des Mohawks de Kanesatake, dans la crise d'Oka, n'était pas la meilleure. Les plus vils étaient des gars des États-Unis avec passé criminel. Dans la crise d'Oka, je suis de ceux qui pensent que la résistance face à ce projet commercial était à faire. Mais la plupart des Québécois ne pensaient vraiment pas tous la même chose. Même que la majorité se confortait dans la pensée populaire médiocre que tout ça, "C'était une histoire de maudits indiens profiteurs qui ne travaillent pas!".
Heureusement, la très souvent à-propos bande d'humoristes Rock & Belles Oreilles nous avait fait un beau cadeau en fin d'année, le 31 décembre au soir. Nous résumant grossièrement le conflit. Visant assez juste.
Mon père, qui nous avait toujours fait accompagner dans la famille, de ma naissance à tard dans sa vie, de chiens, les aimait gros. De très gros chiens. J'ai mes théories là-dessus. Je vous laisse les anticiper. Très jeune, avant mes 8 ans, on avait un Saint-Bernard. Par la suite, notre préféré, un berger anglais. Le plus "petit" des chiens qu'on aura. Finalement, au trépas de celui-ci, Kooby, mon père, le coeur brisé et un brin excessif revenait, le lendemain, non pas avec un, mais DEUX, danois. Un brun et un bleu. Ce serait trop, bien entendu, on ne gardera que le "bleu". Mais quiconque connait les chiens sait que ce sont des chevaux. En voiture, il arrivait à hauteur de la fenêtre du conducteur, s'y plantait la grosse tête, et la personne au volant restait prisonnière au volant de sa propre voiture. Ça faisait beaucoup rire mon père. Il s'amusait à faire peur.
Il faisait la même chose avec son drapeau. C'était de la bravade. Du panache. Du coq dans la basse-cour. Pour preuve, quand un ami de la SQ lui avait fait cadeau d'un drapeau aux couleurs de la SQ, il l'avait aussi hissé, même si ça lui était interdit.
"Tant que ça fait peur, hein pa?"
Je n'étais pas de cette eau. Ne le suis pas plus. Ceux qui ont besoin de faire peur, ont d'abord peur de quelque chose.
Sur la route principal de Derry à Dublin, sous le même drapeau des parachutistes, il y a cette affiche montrant deux armes menaçantes. De très mauvais goût quand on sait comment ce drapeau est si connu.
C'est aussi inacceptable que le serait le noeud du pendu aux côtés d'un drapeau de CONfédérés, aux États-Unis ou ailleurs.
Cette fierté de drapeau est une importante marque de non respect voulant démontrer que 50 ans plus tard, ce ne sont pas tous les Irlandais qui sont en deuil de ce Sunday Bloody Sunday.
Fàsann an ghrain fòs i mo mhâthaithir
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