dimanche 4 octobre 2020

Nos Vies de Bureau Maintenant Passées


 Si on veut parler de la tension que causait la Guerre Froide en Amérique dans les années 50, il faut voir les anciens épisodes de Twilight Zone où les terreurs et les monstres avaient l'apparence de gens tout à fait comme nous. La métaphore de l'identité de l'ennemi étant claire: l'Homme.


 Si on veut fréquenter le style de vie aux États-Unis, d'enfant à ado, à adulte ayant évolué pendant la période couvrant la Guerre du Vietnam, il faut regarder The Wonder Years, habile croisement entre nostalgie, réminiscence, humour et mélancolie. 

Si on veut introduire la fin du 20ème siècle à ceux nés dans l'ère digitale, on peut regarder les épisodes de Seinfeld, tous construits autour de problèmes de communication et d'interactions sociales imparfaites. 


Si je veux montrer aux générations futures, un jour, qu'est-ce qu'était la vie avant la pandémie, c'est possiblement The Office que je leur montrerais. La série de Ricky Gervais, Stephen Merchant et Greg Daniels, avec la Covid-19, devient une sorte de trésor sociétaire pour la librairie du Congrès des États-Unis.


Ma génération (x) a déjà fait de cette série quelque chose de culte. En partie parce qu'on s'y retrouvait dans la turbulence de la vie de no future qui nous était promise. Confort mondain qui fait écho certaines de nos réalités actuelles. Imaginez un monde où vous étiez moins inquiets de perdre votre emploi que d'en être prisonnier toute votre vie. Mais l'exotisme de la série peut aussi être issue des maladresses sociales. Tout comme les disques vinyles sont devenus des objets de fascination pour des générations qui les ont pas connu, travailler dans un bureau pourra peut-être un jour devenir aussi "passé" que de travailler de la maison, ce qui semble être en voie de devenir la nouvelle norme. La simple idée de passer des journées entières dans des bureaux, avec le même monde, s'envoyant des courriels, des phrases ou encore des appels semble déjà aussi ancien et pourrait être vu comme une grande curiosité et peut-être même avec une légère envie. La génération de mes enfants connaît davantage les "memes" que la série. 


The Office
, en 9 saisons aux États-Unis, a documenté une culture de vie bureau en voie de disparition. Depuis la mi-mars, plusieurs col blancs travaillent à partir de la maison dans le but de ne pas être exposé ni contracter la Covid-19. Avec aucun remède en vue, beaucoup d'employeurs ont même choisi de ne plus jamais imposer des bureaux à leurs employés (tricher les heures de disponibilité étant aussi tellement à leur avantage). 


Ce que la série a bien rappelé c'est ce que c'est de passer la plupart de ses heures de semaine dans un espace confiné, arbitrairement, avec des gens que vous ne connaissiez pas, qui ne seraient pas nécessairement vos amis, et qui, par la continuité du rituel de travail, deviennent très près les uns des autres. Dwight aide Micheal à s'acheter une maison. Jim conseille Micheal, dont Darryl essaie d'avoir une augmentation de salaire de sa part, à partir de la page wikipédia que Micheal lui sertKaren et Pam se lient d'amitié quand Angela devient fasciste dans ses plans de party de Noël. Quand Karen veut engager Stanley hors des bureaux de Scranton, Micheal sent qu'il perdra un membre de sa famille. Jim, Dwight et Micheal feront les idiots tout pour le ramener, avec succès. Micheal deviendra un père adoptif pour Erin l'orpheline. Plein de relations platoniques deviennent des relations amoureuses: Jim & Pam, Micheal & Holly, Ryan & Kelly, Kelly & Darryl, Andy & Erin, Andy & Angela, Dwight & Angela, tout simplement parce que l'algorithmie du bureau a équilibré les choses de cette manière, ce que l'algorithmie des applications de rencontres feront toujours légèrement moins.


Ce que la série, qui s'est terminée en 2006, nous rappelait c'est aussi que les amitiés de travail sont souvent des amitiés hasardeuses, rarement un choix. Et que celles-ci ne fonctionnent pas toujours ailleurs qu'au bureau. Quand Jim fait un barbecue pour les gens du bureau, Oscar & Stanley discutent ensemble d'affaires et réalisent qu'ils n'ont absolument rien en commun. Sinon le lieu de travail. Kelly discutant d'absolument n'importe quoi menait constamment à un silence inconfortable. La frontière actuelle entre le public et le privé devient plus vague avec nos bibliothèques derrière révélant "l'art du bondage" où "Ma première dépression" parmi vos livres, dans nos réunions zoom. 

On n'apprendra pas à connaître davantage nos collègues en prenant un verre ou un repas au resto après le travail parce que non seulement ils sont fermés, mais en plus, "après le travail" n'existe plus tellement. 


On ne s'entend pas toujours avec nos voisins de bureau. Micheal a Toby en horreur et lui fait savoir. Jim torture Dwight en plaçant son bureau dans les toilettes, en l'imitant en travaillant ou en plaçant ses outils de travail dans le Jell-O. Il emballe son bureau dans du papier de Noël. Dwight menace de quitter l'entreprise si Jim n'est pas limogé ou transféré. Un coup monté de Jim & Pam font faire un trou dans le mur à Andy qui y plante son poing ce qui le mène à des cours de gestion de la colère. Phyllis & Angela sont huile et eau et en constante lutte pour être à la tête du comité social. Tout ceux qui ont déjà travaillé dans un bureau ont connu des gens avec lesquels ils ne s'entendent pas tant que ça. Et qu'ils auraient souhaité torturer. Moi, oui en tout cas. Plus là dessus, mardi.


Les réunions quotidiennes sur zoom ne nous offrent pas la chance d'haïr notre voisin de bureau, pas plus que de tomber en amour. C'est frette. 

Des cols blancs trouveront ce nouvel arrangement nettement mieux. J'en suis. Plus là-dessus, mardi. Il n'y aura peut-être plus d'esprit de communauté, ou du moins, moins, plus de messages passifs-agressifs sur la propreté de la cuisine commune, de la salle de bain ou du micro-ondes, personne ne regardant au dessus de ton épaule, on pourra même faire une petite sieste en pleine journée entre deux tâches. 


The Office
nous rappelle qu'il y a aussi des avantages à travailler dans un environnement partagé. Jim & Pam ont fait germer l'amour à partir du bureau. Plus que tout, les employés sont devenus des amis et ont partagé de savoureux moments dans des activités ensemble. Alors que la fatigue de zoom a confirmé, il y a une semaine, que la frustration devenait grandissante à suivre réunion sur réunion, avec de la communication appauvrie par une technologie pas toujours maitrisée, une impossibilité de lire le langage du corps et les autres indices non verbaux. Bien que les courriels, Teams, et les autres services aident toujours les travailleurs à garder contact, il n'existe pas encore de substitut au/à (la) collègue venant flirter errer à votre cubicule, pour un peu de jasette en face à face. 


Selon ce que j'entends ici et là, plusieurs des gens de mon entourage aimeraient échanger une réunion dans leur salon mal décoré contre un vendredi jeans, un peu moche. Où on prend ses distances du travail, mais on se rapproche des collègues. 

Anticiper ce que sera le lieu de travail de travail dans 1, 5, 10 ans semble en ce moment plus compliqué qu'avant. La Covid change beaucoup trop vite. Et bouleverse tous les aspects de nos vies. Il semble clair que nous ne reviendrons pas complètement à nos anciennes vies. 


The Office
deviendra alors le testament passé de la manière dont on travaillait alors et nous rappellera toujours qu'il ne faut pas appeler Dwight si on se brûle le pied sur un grill Geroge Foreman.

Bon pour la Bibliothèque (ouverte) du Congrès des États-Unis pour sa pertinence historique dans le développement du pays. 

Et de nos nouvelles vies. 

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