mercredi 7 octobre 2020

Cinema Paradiso********************Les Ordres de Michel Brault


 Chaque mois, tout comme le le fais pour la littérature (dans ses 10 derniers jours) et tout comme je le fais pour la musique (vers le milieu) je vous parle de l'une de mes trois grandes passions: le cinéma. 


J'y ai travaillé, j'en suis sorti, mais le cinéma ne sortira jamais de moi. Il s'agit de voyages sans frais et de nos jours, voyager c'est encore plus important qu'avant. 

Je vous parle d'un film qui m'a séduit par sa facture visuelle, son sujet, ses thèmes, son traitement, sa musique, son montage, ses trouvailles, sa cinématographie, ses interprètes, son scénario, bref je vous parle d'un film dont tous les choix m'ont plu.

Ce mois-ci, un choix s'imposait.

LES ORDRES de MICHEL BRAULT


4 ans après les faits, l'excellent directeur photo scénarise et tourne l'horrible période de la crise d'octobre de 1970, au Québec. 

Durant cette période, une cellule révolutionnaire du Front de Libération du Québec, kidnappe le ministre de l'immigration et du travail Pierre Laporte, qui lançait un ballon de football à son fils, sur le terrain devant chez lui, à Outremont. Ce sera son dernier geste d'homme libre. 5 jours avant, une autre cellule de FLQ avait kidnappé le diplomate britannique James Cross, mais l'écho avait été moins grand. Les revendications sont plus ou moins absurdes. 10 jours après avoir été kidnappé, Laporte, tentant de se sauver, sera assassiné. 


Pendant cette semaine noire, au Québec, le premier ministre Québécois Robert Bourassa s'avoue dépassé par les événements et exige de l'aide d'Ottawa. Le Premier Minable Pierre Elliot Trudeau, père de l'actuel premier minus, impose les mesures de guerre au Québec. Des chars d'assaut et des soldats peuplent les rues. On accuse, à tort, les supporters du naissant parti Québécois qui n'a que 3 ans. L'équipe de Trudeau fait dresser des listes de noms de gens sous la simple rumeur. Il compte en même temps noyer la nationalisme Québécois. On arrêtera sommairement, à toute heure du jour, sans mandat et sans besoin de s'expliquer à peu près n'importe qui, tant qu'on soupçonne une fibre nationaliste. 

Brault a raconte 5 innocents, brimés de tous leurs droits, pendant la Crise d'Octobre. Il raconte leurs mésaventures. Claude Gauthier, Hélène Loiselle, Guy Provost, Jean Lapointe et Louise Forestier se présenteront comme telle, comédiens, incarnant de vraies victimes innocentes de la Crise d'Octobre dont l'Acte de Loi sur les Mesures de Guerre suspendaient tous les droits. Ceci ajoute un niveau de réalité important au film. Tout comme l'absence presque totale de musique extra diégétique, comme dans la vraie vie. 


Le film sera basé sur des entrevues réalisées avec une cinquantaine de personnes. Chaque personnage en est un amalgame. Les noms de James Cross, Pierre Laporte, Robert Bourassa et Pierre Eliot Trudeau ne sont jamais prononcés. Le film est moins axé sur l'angle politique de la crise que sur le côté humain. Brault choisit, lorsque le personnage de Clermont Boudreau pleure, seul dans sa cellule, de tasser sa caméra vers le mur. Avec une élégante pudeur. Une discrétion tout aussi humaine. Un respect de l'intimité qui n'était pas de mise pendant la crise. 


En ces 50 ans d'extraordinaire horreur Québécoise, une des ombres les plus sombres que le Québec ait pu connaître dans son histoire, ce touchant film est encore une plaie douloureuse même si nous sommes conscient dès le départ que ce sera joué par des comédiens. L'utilisation du noir et blanc et de la couleur proposera, contre toute attente, le noir et blanc pour la vie dans les rues de Montréal et en couleurs pour la vie en prison. C'était aussi une économie de pellicule puisque la pellicule noir et blanc, contrairement à aujourd'hui, coûte beaucoup moins chère que la pellicule couleur. 

 


Brault sera accusé d'avoir filmé le "comment" mais pas le "qui" ni le "pourquoi". Il se défendra en disant qu'il ne prétendait pas faire du journalisme mais qu'il préférait tourner le côté humain de l'humiliation. Ce qui oblige aussi de la déshumanisation. 

Subtil et grand film de chez nous. Croquant un atroce abaissement collectif. 


Depuis hier, jour de l'enlèvement de James Cross, on peu voir, sur RDI surtout, de fameux reportages sur la crise d'octobre avec des témoins de l'époque, dont le fils de Pierre Laporte, émission diffusée lundi soir prochain. 

Les Ordres remportera le prix de la mise-en-scène à Cannes, ex-aequo avec Costa-Gavras, battant des Martin Scorsese, Michelangelo Antonioni et Werner Herzog. 

Seul le journaliste Pierre Nadeau appellera Brault pour le féliciter. 

De nos jours, Brault ferait la une partout pour un tel honneur internaDolan international. 

Mais la fragilité politique de 1975... 

Je n'ai pas encore ce film dans ma large besace. Mais il est tout entier disponible sur le net. 

Un douloureux grand film. 


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