C'était à cette époque pas trop lointaine où nous prenions l'avion sans parenthèses mentales sur notre empreinte écologique.
Un film nous était présenté sur un écran derrière le banc du passager d'en avant. C'était le film de David Fincher de 2010 sur l'invention fameuse de Mark Zuckerberg, 6 ans avant.
Dès (l'excellente) scène d'ouverture du film, un tendu et inconfortable échange entre Zuckerberg et une jeune fille avec lequel il sort, on nous plonge directement dans le rythme fou que sera ce très bon film.
L'amoureuse dans l'avion a eu la même réaction que le personnage féminin de la scène et a abandonné. Moi au contraire, j'ai continué, sans rien regretter. La découverte (alors) de Rooney Mara y étant pour quelque chose.
C'est un excellent film sur un sujet qui aurait pu être extrêmement ennuyant. Un rythme de suspense dans un film plus bavard et "brainy" que bien des films. Je peux comprendre ceux qui n'ont pas aimé.
J'ai fréquenté, utilisé, exploré le site de Zuckerberg pendant 4 ans. J'avais très précisément (plus là dessus en conclusion) 32 ans quand son site est né. J'étais ni vieux, ni jeune, j'étais entre les deux. Un peu comme mon passage universitaire où nos écoles étaient ni 100% informatisées, ni nullement informatisées. Il n'y avait qu'une seule salle d'ordinateurs, trop peu de ceux-ci, fallait réserver, et c'était toujours plein. Nous n'avions pas tous des ordis chez nous. On pouvait remettre nos travaux écrits à la main et à la machine aussi. C'était 1994. J'ai été diplômé en ne remettant rien tiré d'un ordi. Nous avons peut-être été les derniers à le faire. Ma génération a toujours été trop tôt ou trop tard. Jamais là quand c'était le temps. Mais peu importe, c'est un autre sujet.
Zuckerberg avait 20 ans. Enfants, nous n'aurions pas joué aux mêmes jeux. Son jeu, ma génération y a joué, pour la plupart un peu, mais pas tous très longtemps. J'ai fait le test avec les finissants de mon école secondaire, assez peu sont restés sur le réseau. Presque personne, cohorte 1989. En tout cas pas sous leur vrai nom.
Les deux réelles utilités que j'ai trouvé au site ont été de pouvoir y mettre nos photos de voyage et ne pas raconter le même voyage 122 fois, et le service messenger, qui permet le texto et la rapidité d'une certaine communication proche du téléphone. Mais sinon je ne fréquente Fcbk nulle part.
Mais je serais d'extrême mauvaise foi de ne pas reconnaître le coup de génie du rouquin nerd.
Génie au niveau personnel j'entends. Parce que le côté "social" de la chose n'aura été que dégénératif.
Fcbk a été l'invention qui a fait naître tous les réseaux "prétendus" sociaux qui suivront. L'aspect "social" de la chose a peut-être épanoui quelques uns d'entre nous, mais a surtout souligné bien des malaises et inconforts.
Zuckerberg, qui avait dit fièrement que l'intimité était un luxe et quelque chose de dépassé, a négligé la sécurité de son site et Cambridge Analytica a utilisé les infos personnelles de plus de 87 millions d'abonnés sans leur consentement pour tenter d'influencer des votes en faveur des Républicains. Les Russes ont ensuite largement infiltré le site pour y glisser les faussetés les plus Trumpesques qui soient, influençant largement le triste résultat du 8 novembre 2016 aux États-Unis. Pimpant l'ignorance à un niveau extraordinairement élevé.
Ma relation avec Fcbk a été la même que celle de l'amoureuse avec le film de Fincher. J'ai vite abandonné. Les dérives y étant trop fréquentes. Et l'envahissement, jugé malsain. J'y change ma photo aux 4 ans, ne serais-ce que pour y glisser un tantinet de vérité dans ce bassin à saveur mensongère. J'y vais aussi quand ma douce m'urge d'aller remercier ceux qui me souhaitent bon anniversaire chaque année.
Mais son invention, qu'on le veuille ou non, a révolutionné notre manière d'exister sur cette planète. De se reconnaître l'un face à l'autre. De se regarder dans le miroir. En bien, en mal et partout en même temps. Prétendument ensemble. Mais surtout seuls dans nos têtes.
Et tellement plus ignorants sans le savoir.
Ce qui est un oxymore.
Un oxymore contenant le son "mort".
On est tout de même devenus des têtes ambulantes souvent perdus dans la plus acceptée des distractions.
Il faut reconnaître à Zuckerberg qu'il a été LA sensation de Harvard à une époque où l'Université comptait dans ses rangs 19 lauréats du prix Nobel, 15 prix Pulitzer, 2 futurs olympiens et une star de cinéma (Nathalie Portman).
Il faut aussi lui accorder qu'il a probablement été la sensation des années 2000 (avec Jobs).
Ironiquement, l'un des meilleurs films des années 2010 est l'histoire de son ascension.
MZ est celui qui est assis sur un empire de plus de 55 milliards de dollars, empire qui n'est encore qu'adolescent. Il est là son génie personnel.
Fcbk a toujours un impact majeur sur nos vies.
Mais jamais je ne pourrai complètement aimer le réseau prétendu social.
Né il y a 15 ans, le même jour que j'en avais 32.
Et qui m'a volé mon anniversaire à jamais.
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