Parlons d'une très belle chose sur terre sur cette planète délétère.
Le sexe.
Six livres sur le sujet, trois angles.
Middlesex de Jeffrey Eugenides, 2002, 544 pages.
Après l'excellent The Virgin Suicides, Eugenides, d'origine grecque, a pris 10 ans à écrire un second roman.
Gore Vidal a un jour dit que l'avantage d'être bisexuel était de doubler ses chances à passer une belle nuit en compagnie de quelqu'un, un samedi soir. Par extension, les hermaphrodites pourraient dire que leur statut leur permet d'avoir assurément une soirée formidable, sexuellement, parfaitement seul(e). Jeffrey Eugenides raconte, sur trois générations, narré par un Étatunien, né avec les deux sexes, une histoire gorgée de comédie causée par ce gêne récessif.
Tout comme dans son premier livre, Eugenides réussi à raconter une horrible condition avec une voix comique. Et dans une forme de narration gardant un oeil intéressé pour les bizarres détails. Les liens entre le sexe, la vie et l'hérédité, sont multiples et complexes. L'androgynie évolue comme un pistolet apparaissant à tous les actes d'une pièce tragi-comique. L'incertitude sur la croissance de l'enfant qu'on hésite à élever au féminin ou au masculin est habilement négocié par l'auteur.
En cette ère de "them", de tolérance LGBTQ+, d'inclusions de toutes les couleurs, de non-genrisme, ce livre et totalement en communion avec son époque. Même si écrit il y a 18 ans.
La Vie Sexuelle de Catherine M. de Catherine Millet, 2001, 221 pages.
Récit autobiographique de la vie sexuelle de la critique d'art, commissaire d'exposition et femmes de lettres Catherine Millet. Elle confesse avoir eu un nombre incalculable de partenaires sexuels, connus et anonymes, s'inscrivant dans la philosophie des libertins, style très présent dans la France du 18ème et 19ème siècle, chez Sade et Laclos, entre autres. Le point de vue féminin passe du cru et direct, parfois fort détaillé, au style précis et chirurgical, presque clinique.
Le livre est presqu'un essai, offrant quelques analyses, théorisant sur certaines expériences.
Le livre sera aussi fascinant que scandaleux pour la France archaïque, parfois incapable de s'imaginer que le Femme soit capable de désir, liberté et de choix.
Tropic of Capricorn d'Henry Miller, 1939, 367 pages.
Pendant une vacances de trois semaines, travailleur de la Western Union en 1922, Miller écrit sa première nouvelle, Clipped Wings. Une chronique de 12 travailleurs de la Western Union. Jamais ce ne sera publié. Des fragments de ce livre, le portrait de certains travailleurs de la Western Union entre autres, dans Tropic of Capricorn, apparaîtront dans ces oeuvres futures.
Au printemps de 1927, Miller vit à Brooklyn avec sa seconde femme, June, et sa copine lesbienne, Jean Kronski. Le triangle amoureux est aussi évoqué dans l'excellente fiction cinématographique Henry & June, non pas avec Jean Kronski, mais avec Anaïs Nin.
Un jour, Miller revient à la maison et trouve une note disant que June et Jean ont quitté ensemble pour Paris. Ça l'inspire, vers 1933, à mettre leur relation sur papier. Il publiera d'autres livres avant celui-là, mais au final, June n'y sera pas tant que ça dans le livre, agissant comme une inspiration davantage qu'étant un absolu personnage. Le livre lui sera toutefois dédié.
Autobiographique et non chronologique, Miller raconte son impossibilité à s'accommoder de ce qu'il perçoit comme de l'hostilité envers les États-Unis, alors qu'il vit à Paris, mais replongeant aussi à Brooklyn au début du siècle, explorant sa relation avec sa prof de piano de 30 ans quand il en a 15, et discutant de ses aventures adolescentes. Le livre explore le sexe, mais ne le fera pas aussi bien que la trilogie de la crucifixion en rose composée des romans Sexus, Plexus et Nexus, lancés successivement en 1949, 1952 et 1959. Ses trois livres plongent directement entre les jambes, et cette fois impliquent June.
Le sexe n'est pas le diable ni le déshonneur.
Bien articulé, entre adultes consentants, c'est le bonheur.
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