Chaque mois, vers le milieu, tout comme je le fais pour le cinéma (dans les 10 premiers jours) et tout comme je le fais pour la littérature (dans les 10 derniers), je vous parle musique.
Le titre de la chronique est inspiré de 4 albums que j'ai tant écouté que j'en connais toutes les notes, toutes les paroles, toutes les nuances, tous les sons. Cette musique est de mon ADN.
Par ordre de création:
"Blonde on Blonde" de Bob Dylan
"The Idiot" d'Iggy Pop
"Low" de David Bowie
"The Unforgettable Fire" de U2.
B.I.B.I c'est bibi, c'est moi. C'est aussi la terminaison du mot habibi, voulant dire en dialecte Irakien, Je t'aime.
Musique, je t'aime.
CANNONBALL IN EUROPE! du CANNONBALL ADDERLEY QUARTET.
Julian hérite de son surnom de cannonball dans un dérivé de cannibal, un surnom que ses amis lui donnent en raison de son appétit vorace autour d'une table. Julian Adderley est gros. Ça lui donnera donc du coffre. Et du coffre, c'est de l'espace pour des gros plastrons abritant des gros poumons. L'instrument de Cannonball, c'est le sax, ça tombe bien, du souffle, il en a.
Il est un si respecté joueur de saxophone que 3 ans après avoir enregistré pour la première fois en studio, il enregistre avec nul autre que Miles Davis, un petit bijou appelé Somethin' Else. Sur cet album, c'est Davis qui accompagne Julian. Ce dernier attire tant l'attention qu'on le dit la relève de Charlie Parker. Il enregistre parfois avec son frère, Nat, trompettiste.
Il a accompagné sur disque Sarah Vaughan, Kenny Clarke, Dinah Washington, Milt Jackson, Louis Smith, Gil Evans, John Benson Brooks, Paul Chambers, Philly Joe Jones, Jon Hendricks, Jimmy Heath, Sam Jones et Miles Davis bien entendu. Il est de l'album mythique Kind of Blue de Miles Davis.
Entre 1955 et 1962, le jazz est formidablement bon et connaît une certaine gloire. Cannonball et son sax sont au coeur de tout ça. Et il est populaire non seulement en Amérique, mais des tournées l'amènent plus d'une fois en Europe. C'est en Europe que Brian Jones, futur Rolling Stones, le voit en spectacle et est si subjugué par son jeu que deux ses enfants, qui naîtront garçons, dans le futur seront baptisés Julian (de deux mères différentes).
C'est aussi en Europe qu'il passe par Comblain-la-tour, en Belgique, et qu'il enregistre l'album qui me séduit tant le creux du tympan. Il s'agissait d'un festival en extérieur, où la scène était montée sur un terrain de soccer. Cannonball s'y trouvait. Au meilleur de sa forme. Leader d'un band sous forme de sextet, en 1962. Avec son frère Nat à la trompette, Yusef Lateef au sax tenor, au haubois et à la flûte traversière, Joe Zawniful au piano, Sam Jones à la basse et Louis Hayes à la batterie.
Hayes est d'ailleurs tout à l'honneur dans la pièce d'ouverture car, outre les élans de Cannonball et de Yusef, les cymbales de Hayes brillent. Nat y va d'un beau phrasé à la trompette aussi. Le morceau est une composition de Yusef Lateef. La souplesse des interactions est remarquable. On entend, en ouverture, un présentateur Belge annoncé, avec un accent, "Djooliane". Amusant. Yusef apportera une touche d'exotisme formidable sur cet album.
Je ne suis pas un fan du tout des albums en spectacle, mais le jazz reste une exception. Rares sont les foules qui viennent anéantir les rythmes de leur tribalisme dans le jazz. Pendant une minute, Julian parle à la foule. En anglais, il ne connaît rien au français.
Un des morceaux qu'il aimait le plus jouer était un morceau qu'il jouait signé Jimmy Heath. Yusef ouvre à la flûte. Il y a de l'exotisme dans le jeu, mais du soleil aussi, et de belles glissées absorbées par la trompette du petit frère Nat Adderley. Gemini sera toujours jouée en spectacle par Cannonball, peu importe la configuration de son band. My Favorite Thing* est citée dans le le jeu vers les cinquième minute. Beau clin d'oeil.
Work Song est une composition de Nat Adderley. Elle aussi sera presque toujours jouée en spectacle, surtout si Nat s'y trouve sur scène. Très entraînante, la pièce fait taper du pied. Adderley y joue presqu'aussi librement que le faisait Ornette Coleman. Nat est fabuleux au bout de sa trompette. Tout le monde y trouve son petite moment de soliste sur cette pièce. Du beau travail.
Il prendra un autre 22 secondes pour jaser un peu avec le public.
Et arrive ma pièce de résistance. Un blues de Richard M. Jones. Lateef est partculièrement brillant au haubois. Pour ce morceau seulement, qui nous berce entre deux bonnes bouteilles, en soirée, entre amis, les yeux dans la brume, cet album vaut l'écoute selon moi. Quand le piano de Zawniful nous traîne vers la cinquième minute, nous sommes en mer méditerranéenne, dans le noir, sur eau verte, avec promesse d'aube orangée au réveil.
La pièce qui ferme l'album est signée Ernie Wilkins. C'était un bizarre de festival. Frankie Avalon (!) avait ouvert avec quelques morceaux de lui. Pas du tout le même type de public. Fin très énergique où on entend encore l'animateur de foule présenter tout le monde sur scène pour le 4ème festival du genre là-bas, et invitant tout le monde à revenir l'an prochain. Ce qui confirme qu'il était si important qu'il fermait ce festival.
Cannonball sera fauché de notre planète un peu trop vite, en août 1975, peu de temps après être passé par Montréal, foudroyé par une hémorragie cérébrale à l'âge de 46 ans.
J'ai un an et 7 mois de plus que Julian Adderley n'aura jamais eu.
Pour amateurs de jazz, de blues, de cuivres, de saxophones, de hautbois, de piano, de hard bop, soul jazz, jazz modal et jazz en spectacle.
*Non, Ariana Grande n'invente jamais rien.
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