vendredi 15 mars 2024

Générationalités

Je suis de la génération X.

Celle qu'on a aimée enfant, mais qu'on a trouvé plutôt encombrante quand est venu le moment de travailler puisque certaines de nos mamans avaient attendu longtemps pour la même chose, mais surtout, parce que nos parents avaient 40 ans quand nous avions l'âge de vivre post universitaire, comme travailleur. Et étions trop souvent surdiplòmés, ce qui intimidait tout employeur. On a été étiquetté X parce que le No Future de Johnny Rotten c'était aussi nous par ici. Y a fallu s'en tricoter un quand même. Envers et contre tous principalement. Nos profs nous disaient ne soyez pas préssés de vous rendre sur le marché du travail, personne ne vous attends. À moins de vouloir travailler au service de vos parents.

Mais je dois avouer que d'étudier ceux d'avant, et ceux d'après, ça nous as ouvert les esprits et nous as forcé à comprendre les deux générations là où celles-ci ne se sont jamais tellement forcés à le faire pour nous. Quand les boomers veulent quelque chose, ce qui arrive souvent, on comprend pourquoi. Quand les Z ou les milléniaux s'expriment, on finit par les comprendre aussi. On est le parfait jambon dans le sandwich générationnel. 

En allant aux États-Unis, où les années 50 semblent toujours à deux ans de nos jours, on a été étonné de se trouver un hôtel abordable très près de tout . Mais bon, il transpirait 1953 de partout. C'est ça quand on prend  du "moins cher". Notre hôtel se vantait d'avoir le chromecast dans la chambre. Mais celui de notre chambre ne fonctionnait pas. Il a fallu que j'appelle au "front desk".

La voix qui m'a répondu m'a semblé être si vieille que j'ai pensé au valet dans Twin Peaks. L'homme semblait si vieux, vous m'auriez dit qu'il était vétéran de la Guerre Civile de 186X que je l'aurais cru. Je lui ai dit que notre chromecast ne fonctionnait pas. Il a fait une pause en ligne qui m'a laissé croire qu'il ne savait pas du tout de quoi je parlais. Ce qu'il m'a confirmé presqu'aussitôt. J'aurais pu dire un mot inventé qu'il aurait été aussi confus. "Notre Beboptwinkleship ne fonctionne pas". Le pauvre ainé m'a demandé si j'appelais de l'hôtel où nous étions. J'ai failli lui dire que non, nous appelions de notre salon, venez vous aider, j'appelle tous les hôtels qui doivent s'y connaitre en chromecast,...pour lui beurrer son absurdité sur le nez, mais je me suis retenu, oui, chambre 237, lui ai-je finalement dit. Il a confessé ne pas savoir ce qu'était un chromgas (sic) et qu'il allait nous envoyer un "plus jeune".

Oui, plus jeune de quelques mois. Celui qui est venu devait avoir au moins 70 ans. L'àge de mes parents. Il m'a regardé, moi, 52 ans, comme si je devrais savoir quoi faire avec la technologie. 

Un instant. À 52 ans, j'ai été à l'école sans jamais toucher à un ordinateur. En 1991 n'y en avait qu'une ou deux dizaines à l'université pour des centaines et des centaines d'élèves, il fallait réserver nos places des semaines à l'avance, places qui étaient chronométrées, et parfois, c'était si mal géré (à la main et au téléphone) que notre place avait été donnée à un(e) autre. On ne se faisait pas chier avec ça. Nos profs nous donnaient le choix de livrer nos devoirs à la main, à la dactylo ou tiré d'un ordi personnel qui avait une imprimante. Ceux qui avaient ordi/imprimantes chez eux étaient des zillionnaires. J'ai été diplômé universitaire en 1994, sans vraiment toucher aux ordis. Ça m'a toujours nuit par la suite. Mais bon, la techno, a toujours été forcée sur moi. Me suis forcément adapté.

L'homme de 70 ans, Burt, (on ne s'appelle pas Burt si on a pas l'âge de Sesame Street) était de la génération du "j'y connais rien mais je vais m'essayer". Tout de suite en le voyant, je lui renvoyais le même visage condescendant qu'il m'offrait (la condescendance on l'a sentie toute notre vie, les X, la sentons toujours) en me disant, O.k. on a pas besoin de faire ça, je me doutes bien qu'il a déjà entendu le mot chromecast mais si je n'arrive pas à résoudre le problème moi-même, il n'y arrivera pas non plus. 

Il entre dans la chambre et s'assoit sur notre lit, un peu trop à l'aise selon moi, ses pieds ne touchaient pas au sol et il avait un coude sur le matelas, presqu'étendu devant notre télé. Manette en main. L'amoureuse a eu peur qu'il se glisse sous les draps et s'est cachée dans la salle de bain. Il pèse alors sur plusieurs boutons de la manette. Je n'y crois pas. Je lui dis que j'ai essayé et qu'aucune réaction ne se produit. Il me répond fièrement qu'il faut quand même essayer. J'ai le temps de penser, et bien oui, ouvrons aussi la fenêtre et partons la douche, peut-être que tout ça est branché ensemble. 

Il finit pas dire "il y a ce plus jeune qui entre travailler bientôt on pourra lui demander"

Je lui répond "ok, je semble être le plus jeune de toute manière et si je n'y arrive pas..."

Il ne me laisse pas finir et me précise "...c'est un millénial"

Oh! J'ai espoir. Je n'achètes presque plus en ligne quoi que ce soit depuis qu'Amazon m'a volé 222$, un traumatisme dont je ne me relèverai jamais. Je fais acheter par mon fils de 24 ans ou guidé, main dans la main par lui. Je crois au millénial, né avec Youtube, le web et le téléphone sans fil. 

Une heure plus tard, l'homme me rappelle. Fâché. Il travaillait pour remplacer ce millénial dans la première partie de son quart de travail, mais ce petit con ne s'était pas présenté pour travailler la suite. Comme il le faisait trop souvent, paraît-il. Quand ça ne lui tentait juste pas, il n'entre tout simplement juste pas travailler. Je lui ai confirmé, c'était bien un millénial. 

Puis, l'amoureuse s'est finalement rendue compte que le fil du chromecast n'était tout simplement pas branché. 

Nous sommes bien, des X.

La génération la plus cool ever quand même. 

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