mardi 14 novembre 2023

Banlieusardes Bagatelles

Vous avez remarqué depuis le début novembre de quoi je vous ai jasé ?

En 13 jours je vous ai parlé 5 fois de l'horreur palestinienne et 7 fois de la musique ou du cinéma. Une fois, le 2, de vidanges.

Quand je suis malheureux, je consomme de l'art. Évasion. Et la tragique situation en Palestine m'horripile. J'essaie de ne pas obséder sur la chose. Vendredi, je vous ai préparé un texte que je me réservais davantage pour décembre, mais qui me donnait trop envie de l'écriretout de suite, sur R.E.M. Parce que j'étais malheureux. Fallait que je m'évades encore. Rien de grave, problème de riche même. Ma voiture, achetée neuve, en 2019, semble avoir une fuite d'huile et ça me coûtera probablement une demie fortune que je n'ai pas et du temps que j'ai encore moins, pour faire réparer la maudite bagnole. Je déteste les voitures. C'est définitivement ma dernière. Source d'éternelle rage supplantant le plaisir que j'en ai à la conduire.

Je faisais changer mes pneus et faisait faire aussi ma vidange d'huile. Mais une fuite d'huile semble aussi exister sur ma voiture alors je fais remplir pour que ça se vide aussitôt ? Je n'ai pas voulu savoir combien tout ça me coûterait et j'ai dis que j'irais chercher la voiture le samedi. Je n'avais pas envie d'avoir de la peine trop vite. Mais je pleurais définitivement par en dedans, vendredi, ma fille l'a vu tout de suite. 

À la fois pour me changer les idées, à la fois pour dégriser parce que cette situation de marde me faisait boire, à la fois pour brûler mes calories et atteindre mon 900 quotidien, et finalement à la fois parce que l'automne, j'adore tout simplement, j'ai choisi, après la rédaction de mon texte sur R.E.M. de marcher une bonne heure, d'un pas rapide. 

Bien entendu, air pods en tête, j'avais un peu préparé la table pour écouter ma liste de lecture de R.E.M. et des 52 chansons qui la composent, la première chanson qui a joué avait comme titre...

WELCOME TO THE OCCUPATION.

Ça ne s'invente pas...Ça me replongeais tout d'un coup, à Gaza. Où je m'étonnais de lire sur nos réseaux sociaux, chez nous, des gens dirent "misère" aux manifestants pro-Palestine qui étaient au Centre-Ville de Montréal au même moment que je marchais dans mes rues de banlieues. Je ne comprends plus ma planète. 

Au retour, j'ai écouté Jarmusch, tout le week-end. Down By Law dans la nuit de vendredi, ce qui m'a fait réaliser que tous les Jarmusch devraient s'écouter la nuit. Ça m'a fait un bien immense. Samedi. aussi dans la nuit comme le titre le suggérait presque, Night On Earth. Le tout premier que j'avais vu de lui, à 19 ans. J'avais un peu oublié à quel point Jarmusch était si près de ce qu'on était, dans ses sensibilités. Entendre Gena Rowlands dire très calmement "I know I sound calm, but I am really hysterical" est très amusant. Et maudit que la musique de Tom Waits touche à tous les bons boutons de ma construction humaine. J'avais aussi oublié à quel point j'étais amoureux fou de Rosie Perez dans les années 90. 

Y a vraiment une poésie intéressante dans le cinéma de Jarmusch. Je ne l'oublierai plus. Dans le peu que j'ai reconsommé, Walt Withman, Robert Frost, William Blake et Émilie Dickinson ont été évoqués. 

Puis, j'ai (ré) écouté Dead Man. La première écoute, il y a longtemps avait été... distraite de ma part. J'étais étudiant et Polina Petrovic, étudiante aussi, qui l'écoutait avec moi. avait des mains baladeuses sur ma personne. Personne n'a généralement une main qui n'est pas la sienne sur sa poitrine en regardant un film. Bien vite, mes yeux étaient surtout dans le siens, d'autre partie du corps ailleurs en elle, et nous étions incarnations du pêché charnel à l'horizontale. (pas en public, quand même).

Cette fois, j'écoutais comme il se doit. Quoique je serais encore interrompu. Par plus belle encore que Polina Petrovic. Par l'amoureuse qui tenait à ce que je nettoie les 4 taches d'huile que ma voiture avait fait dans l'entrée, cette semaine. Le supplice de la dent arrachée à froid avec des pinces de garage. 

Oui j'ai été le banlieusard attardé qui arrosait son entrée, le week-end dernier. Trois fois plutôt qu'une. Attirant les sourires moqueurs des passants. J'avais beau avoir un balado dans les oreilles, il était enterré par les railleries silencieuses des voisins qui avaient quelques nouveaux sarcasmes à exposer sur l'application Nextdoor Neighbors. Applications habitée principalement par des beautés désespérées en quête de ragots, en éternel besoin de labeur ou faisant la putain pour mousser ses entreprises.

Le balado que je consommais était Fantastic Voyage, un balado passant disque par disque l'oeuvre de David Bowie. Animé par deux frères de Winnipeg. Ils sont rendus à Outside. 1995. Un album concept qui traite de l'aliénation moderne. Un chef d'oeuvre pour moi.

L'art que je consommais pour me sortir de mon état, m'aura ramené chaque fois à ce qui me violentait l'âme. 

Banlieusard cinquantenaire mouillant son entrée un dimanche...

Je n'ai jamais été plus mort. 

En ce mois de novembre, mois des morts.

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