"Salut, t'as tu oublié de mettre ta jupe?"
"De quoi tu parles?"
"Ben t'as une chemise, des collants, mais il me semble que tu aie oublié de mettre ta jupe...non?"
"ben non épaisse! ce sont des leggings! Moi c'est Océane je vais te montrer ton bureau, suis-moi"
C'était bien mal parti pour Judith. Jamais elle ne s'était fait à l'idée qu'on pouvait vraiment circuler publiquement en pantalon si moulant qu'on aurait dit une seconde peau. On pouvait même distinguer, en s'y attardant, un sous-vêtement destiné à cacher le pubis et le sexe mais laissant les fesses entièrement découvertes. Ce qu'on appelle un string. Ou une soie dentaire. Judith ne comprenait pas ce type de confort non plus. Pas plus qu'elle ne comprendrait un jour un/deux parent/s qui oserait baptiser leur enfant Océane. Elle pensait à tout ça quand une nouvelle question lui est sortie de la bouche.
"Ça fait mal?" a demandé Judith sans elle-même savoir à quoi elle faisait référence. Péter avec une corde dans le cul? La corde dans le cul? les sourires gênés quand elle disait se prénomer Océane? Judith ne savait pas toujours pourquoi elle s'exclamait.
"...mal?...de quoi tu parles" dit Océane qui marchait devant Judith. Elle lui a demandé en se retournant mais en continuant à marcher ne voyant jamais venir la poutre dans laquelle Océane se pêta la gueule et tomba sur le cul. Ce beau cul rebondi avec un string, qui rebondit comme sur un spring. Judith passa pour une devine et laissa simplement tomber:
"Ça..." puis
"ça va...?"
Océane était sonnée mais plus humiliée dans son orgueil que réèllement bléssée. Et confuse aussi. Comment Judith avait-elle prévue?... Océane a bien tenté de sourire pour faire comme si tout ça était prévu mais personne n'y a cru.
Enfin, une fois toute deux remises de ce moment étrange, Océane présenta à Judith ses nouveaux collègues.
"Judith je te présente Brigitte, elle travaille aux comptes recevables"
"Salut, bienvenue" dit Brigitte
"Salut, enchantée, c'est drôle j'ai exactement le même gilet chez moi et j'ai failli le mettre aujourd'hui"
Brigitte a souri, évalué mentalement si le même gilet ferait aussi bien à elle qu'à Judith mais n'a rien rajouté. C'est Judith qui a repris la conversation du tac-au-tac.
"Tu l'as pris chez Loblaws hein?"
"OH Non!" a échappé Brigitte, le souffle coupé. Pas parce qu'elle voulait nier mais plutôt comme quelqu'un qui venait de réveler l'inavouable. Elle a jeté des regards au beau Sam qui travaillait au bureau pas loin afin de voir si il avait entendu, il souriait. Brigitte est devenue rouge comme une tomate, a baissé la tête et s'est remise à travailler à son ordinateur. L'humiliation était totale.
Judith et Océane étaient déjà ailleurs.
Océane lui présenta Mégane, de loin car elle était occupée.
"Mégane...c'est quand même le croisement de "maganée" et "organe"...j'ai jamais compris l'intérêt pour ce nom-là" dit Judith à une Océane qui se mit à la regarder comme on regarderait un enfant qui n'est pas le nôtre et qui se fouillerait dans le nez intensément.
Elles arrivèrent dans un départment composé exclusivement d'hommes, étrangement amorphes, beaucoup d'anglophones, un groupe de jeunes hommes de l'âge de Judith. Elle était soudainement excitée. Comme si on lui avait donné accès à un vestiaire de hockey avant un match. Un vestiaire avec un enthousiasme du lundi matin, mais un troupeau de mâle quand même. Océane appela leur attention dans un léger soupir.
"ALL RIGHT BOYS, ATTENTION PLEASE, (à Judith) ça c'est le départment des ventes, J'AIMERAIS ÇA VOUS PRÉSENTER UNE NOUVELLE FILLE DES RESSOURCES HUMAINES : JUDITH SANFILTR, ELLE COMMENCE AVEC NOUS AUJOURD'HUI"
"HI GUYS!" a spontanément dit judith
Les gars ont répondu avec une fascinante lassitude comme des enfants répondraient à leur maman. Les 7 à 8 individus ont tous dit quelque chose pour lui souhaiter la bienvenue les uns par dessus les autres, laissant croire à la chorale la plus morne et la plus non-synchronisée de l'univers. L'envers du dynamisme. L'attention de Judith se porta sur l'un d'eux, plus primate que les autres, qui mangeait en faisant une écuelle de sa main gauche, des arachides. Judith, devant tant de jeunes mâles, s'anima et lança:
"I LOVE PEANUTS!"
Toutefois, les gars qui la dévisageaient, dont la plupart évaluaient déjà les chances de l'entreprendre en la scrutant de la tête jusqu'à la poitrine en passant par le cul et les cuisses, on tous entendu "I LOVE PENIS". Même Judith, peut-être parce qu'elle avait prononcé le mot organe tout juste avant, cru s'entendre parler de pénis.
Les gars se sont ranimé pour la journée.
Judith n'était pas le genre à se faire beaucoup d'amies chez les filles. Elle ne s'en ferait pas tellement plus à son nouveau travail.
Mais les gars se rappelleraient de la 'tite Judith Sanfiltr.
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