Quand je fais la vaisselle, je chante. Quand je prends ma douche, quelques fois aussi. Jamais trop fort. Pour ne pas envahir et m'imposer dans l'espace sonore de mes proches.
Quand je passe dans la cuisine et que je croise la chatte qui me regarde avec ses grands yeux verts du Biafra, je lui parle "en minou", c'est-à-dire empruntant une voix de personnage de dessin animé, une voix très haute perchée qui se termine souvent par des mots inventés et de nouveaux surnoms improvisés à l'adorable bête qui me répond toujours d'une série de "miaw" grêleux (c'est une vieille picouille de 17 ans quand même (que j'appelle encore gros bébé)). Virilité Zéro.
Quand j'entre dans la maison, quelques fois je le fais en m'annonçant, toujours d'une voix cartoonesque "MES AMOURS!" ranimant la belle dans le sofa du salon devant la télé, la puce devant l'ordi du sous-sol et le singe devant sa Xbox. Des fois, j'achète des petites attentions non réclamées à l'un et à l'autre, simplement pour remercier les gens de ma planète en quelque sorte de m'avoir fait atterir sur celle-ci, parmi des gens si adorables.
Je fais manger tout ce monde toute la semaine, matin et soir et je prépare trois lunchs par jour 5 jours sur 7. Je quitte la chaleur de mes couvertes et m'extorque des quelques heures de mauvais sommeil pour m'habiller, me couvrir la tête et descendre dans la neige pour ensuite déblayer la voiture de l'amoureuse ainsi que le chemin pour s'y rendre, l'hiver.
Je tolère la télévision stationnée sur TVA, même si, seul à la maison, je ne tomberais même pas dessus par erreur. J'écoute Du Talent à Revendre et Qui Perd Gagne avec ma fille en suspendant mon cynisme.
Je laisse Monkee mettre la radio au 94,3 ou au 96,9 même si je préfère toujours de la musique qui ne serait pas nécessairement grand public. J'ai adoré Gangnam Style simplement parce que le petit gros à fait une fortune et n'a plus besoin de travailler pour le restant de ses jours avec bien peu à offrir, mais surtout parce qu'il a fait le tour du monde en chantant dans sa langue d'origine. J'aurais aussi perdu le pari de 10 millions de terriens qui iraient voir un chanteur chanter assis sur le bol sur le net.
Et bien que je salue le retour de The Police et de Queen, je me considère béni d'avoir connu ce que c'était d'avoir vécu dans les décennies musicales les plus hallucinantes, lorsque la musique était plus souvent jouée sur des instruments qu'entièrement pré-enregistrés sur synthés ou piquées ailleurs, quand elle restait mélodique et nouvelle. Je fais semblant que je n'entends pas les chansons commencées en français et terminées en anglais ou l'inverse. En revanche, je ne défends pas la langue française bec et ongle car je ne la considère pas menacée comme certains alarmistes. Je la sens changer et je ne suis pas réfractaire au changement. Je me sens riche de maitriser plusieurs langues.
Même dans ce que je vous présente comme critères "d'agréabilité", transpire une certaine intolérance.
Dans le paragraphe sur la musique surtout. Je tolère peu les reprises. Je n'aime pas l'idée de prendre le produit, l'univers, le talent, le contexte d'un autre et de se l'approprier. Ironique puisque je suis traducteur et que par définition je suis payé pour ça "m'approprier les mots des autres".
Je n'aime pas l'idée d'effacer l'existence dans la mémoire collective d'un artiste du passé et se faire du capital ainsi. Effaçant l'autre.
Je crois, humblement toujours, être un être d'agréable compagnie. Je m'entend bien avec les enfants avec lesquels je partage une volontaire naiveté.
Mais quand je vois et entend Marie-Mai Bouchard et un autre payeur de taxes chanter leur version d'une chanson de 1987, écrite par Jean-Jacques Goldman, et interprétée par celui-ci accompagnée de la jeune Sirima à l'époque, je pête les plombs. Je deviens orthodoxe musical.
Sirima, 23 ans, chantait dans le métro en France depuis 1982 et s'était fait découvrir par un collaborateur de Goldman qui cherchait desespéremment une voix pour lui donner la réplique sur son morceau. Goldman l'avait alors engagée, la chanson a été un giga-hit. Sirima, mal pairée en amour, a été assassinée à coup de couteau par un copain jaloux moins de deux ans plus tard.
Là-Bas est redevenu un hit en 1989 suite à cette horreur sans nom qui a été punie de 4 ans en tôle pour l'assassin.
Peu de gens se rappelent de Sirima.
Les équipes de Marie-Mai et du garçon qui nous la présentent aujourd'hui travaillent en choeur à nous la faire oublier davantage.
1 commentaire:
Partageant mon premier café du matin avec toi depuis quelques voire pas mal d'années, je peux confirmer que tu es tout à fait de bonne compagnie.
:)
En ce qui concerne les reprises, je partage tout à fait ton opinion. Repiquer le succès des autres et s'en approprier est symptomatique du "I wan't to pogne" à tout prix. Désolant!
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