C'était probablement un gris lundi en Allemagne 1976, et si il y avait eu un tuyau graisseux par lequel s'échapper de ce foutoir, D. aurait glissé sur ce tuyau pour s'enfuir. Il admet lui-même qu'il était chanceux d'être encore en vie.
Il avait passé très près à Los Angeles de faire exploser sa tête et son coeur cocaïnés dans la dernière année.
Maintenant à Berlin en automne, avec le vain espoir de vaincre ses dépendances toxicomanes, il était maintenant au volant d'une Mercedes-Benz décapotable et circulait au travers de la ville avec son ami J. dans le siège du passager. Les jumeaux H. & S., des chums de guerre de J., étaient passés et la débauche avait fait rage. La débauche avait fait des dommages.
L'étrange tandem D. & J. s'était composé il y avait peu de temps. Étonnant tout le monde. D. rachitique, éfféminé et superstar mondiale, J. viril, musclé et plutôt dans l'ombre avec son attitude punk. Le premier allait faire faire quelques sous à l'autre par association. Une union chimique entre deux artistes qui s'étendrait sur plus de 10 ans. Mais en 1976, J. & D. allaient créer du culte. Leur appétit pour les expériences s'étendrait bien au dessus de l'art sur lequel ils travaillaient. Certains jours étant meilleurs que d'autres, J. dira que dans les 7 jours de la semaine, les deux premiers étaient pour les soûleries, les deux autres, pour s'en remettre, les trois derniers allaient servir pour n'importe quel autre type d'activité.
Quelque fois se serait de la peinture, d'autres fois de la lecture, des visites de musée, d'exposition d'arts visuels; souvent, boire toute la nuit faisait aussi partie du rituel. Dans le sous-sol des bars à l'éclairage tamisé, à regarder les femmes se déshabiller sur scène ou encore des hommes, s'habiller en femmes chantant de vieux trucs sur scène, des vieux trucs d'avant la guerre allemande perdue.D'autres moments, ça voulait dire appuyer sur l'accélérateur de sa Mercedes en circulant dans Berlin se cherchant un nid pour y pondre ses oeufs.
C'était ce que ces dum dum boys cherchaient à faire ce soir-là. Pondre leurs oeufs hédonistes de délinquance. Rouler et rouler dirait J., tourner en rond chanterait D. Circulant sur la Kurfürstendamm, l'une des principales artères de Berlin Ouest, zigzagant sur le réseau routier, D. & J. avaient reconnu quelqu'un sur un coin de rue. Pas un ami. Un dealer de drogue, que D. s'était convaincu dans un délire paranoïaque cocaïné, qu'il les avait roulés dans une transaction de drogue ultérieure. "Qu'est-ce qu'on fait?" avait demandé D. à J. Sortir de la voiture et tenter de raisonner le dealer comme un gentleman n'était même pas une option. Quelqu'un pourrait facilement se faire tuer.
Facilement J. qui inspirait la menace, et la frêle composition de D. à elle seule transpirait la mort. Il n'y avait donc qu'une solution qui semblait adéquate à D. et c'était de foncer avec sa Mercedes dans le derrière de la voiture du dealer, de reculer, et de le refaire. Entre 5 et 10 minutes comme ça, sans relâche. Personne ne les arrêterait, personne ne ferait quoi que ce soit devant cette machine en folie défonçant la voiture d'une merde jugée plus merdeuse par D. & J., merdes eux-même.
Coinvaincu d'avoir passé son message, D. était reparti au volant de sa Mercedes éméchée et réalisait ce qu'il venait de faire avec effroi. Maintenant sorti de son blackout qui l'avait rempli d'inertie, l'horreur l'envahissait soudainement. Bad trip.
Plus tard en soirée, les deux moineaux seraient encore en voiture dans le sous-sol du garage de l'Hôtel Gerhus à tourner en rond sans relâche, des fois roulant jusqu'à 100 Km/H. Avec l'idée de mettre fin à toute cette charade et de finalement cesser de tourner en rond et de foncer à pleine vitesse contre le mur du garage. Mais le temps d'envisager tout ça, la Mercedes de D & J allait manquer d'essence et s'arrêtter toute seule.
Crise avortée par manque de pétrole.
Quelques semaines plus tard, dans le studio Hansa 2, avec TV mettant la touche finale à son dernier album, son premier en sol germanique, D. allait rajouter une toute dernière chanson faisant référence à cet épisode de démence.
Une chanson qui reste encore une de mes favorites, ever, 37 ans plus tard.
Commencée dans les rues de Berlin au volant d'une Mercedes déglinguée.
1 commentaire:
Une panne d'essence qui a changé ma vie.. Fiouf!
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