mardi 14 avril 2009

Tout sur toi


Tu as couru après toi-même toute la journée.

Tu as profité du fait que ton patron se levait pour aller rejoindre son patron à lui pour te sauver du bureau. Comme tu te sauves du bureau tous les soirs. Tu réalises que ta vie est une succession de patrons pour lesquels tu n'as aucun respect. Tu t'en moques. Dans le grand buffet de la vie tu les rotes.

Tu réalises du coup que c'est le premier job pour lequel tu n'a jamais hâte de revenir le lendemain. A la loterie de la compagnie aujourd'hui, loterie où l'on pouvait gagner du matériel valant plus de 1000$, des coffret dvd`s, du linge; dans la loterie de la compagnie tu as gagné un poster. Sur 400 employés tu es poster boy. Tu sais très bien que c'est ta valeur dans cette compagnie de toute façon.

Tu te rend à ta voiture, tu n'aimes pas le soleil mais tu aimes les filles qui lui réponde. Tu t'émerveille encore des plus belles femmes du monde dans ta ville. Tu SAIS que tu mourra un jour au volant de ta voiture dans un accident en te tordant le cou afin de mieux voir une splendeur des environs. Tu remarque l'employé du courrier qui se rend à sa voiture, tu te demandes si il n'est pas le seul employé à être sous toi dans la hiérarchie de la compagnie. Tu le salue avec une animosité qui n'est pas toi, comme si tu étais son patron.

"HEY Angelo! Yo Angelo, How you doin' buddyboy? Going home?"
"Yes" te répond-il timidement car il n'a jamais eu ce type de rapport avec toi.
Tu remarques sa voiture qui coûte 5 fois le prix de la tienne. Tu comprend que lui aussi gagne plus cher que toi.

Tu t'en moques tu ne vis pas pour l'argent. Tu chante Indochine à t'en défriser la tête dans ta voiture. T'as une pensée pour Jay McInerney. Toi aussi tu veux des lumières fabuleuses de la grande ville. Tu prend ton rang dans le traffic. Tu roules à zéro km/h faisant ta part pour la congestion de la 13. Contre la couche d'ozone. Tu es stationnaire mais en dedans tu cours encore. Tu es elle & lui dans le clip d'Indochine Alice & June Tu cours tu cours tu cours. Tu es Lui presque tout le temps, quand tu t'enrages, quand tu pêtes les plombs, quand tu es lâche, quand tu manges, quand tu bandes. Tu es Elle de plus en plus aussi. Parce que la femme maitrise l'art du sacrifice. Tu vis tellement pour l'autre que tu deviens une fille. Toi qui t'étais demandé toute ta vie ce qu'étais un "look Inferno-monastère", tu viens de comprendre qu'il s'agissait plutôt de "locataire d'un monastère" que chantaient les gars d'indochine. Tu trouves leur chanson Des Fleurs Pour Salinger soudainement un peu niaise et sans saveur. Tu te rapelles que c'étais les couleurs de leur clip qui te faisaient jubiler. Tu t'emballes pour l'excellente chanson La Machine à Rattraper le Temps et te rapelles comment tu désirais la fille du vidéo. Tu te demandes ce que tu ferais toi d'une machine à rattraper le temps? Que ferais tu différement? Tu te rends compte que ce que tu appelais La Machine à Rattraper le Temps étais plutôt La Chevauchée des Champs de Blé. Tu te trouves con. Tu aimes quand même la chanson.
Tu désires encore la fille du vidéo.

Tu croise le poste de police et échappe encore les mots "Fucking Pigs". Faudra te raisonner il ne t'ont rien fait.

Tu vas cueillir tes enfants et te félicites du jour où tu as pris la décision des les avoirs. Tu trouve la petite si vivante. Tu trouves le grand si allumé. Tu trouves leur école toujours abrutie, surtout la plupart de ses enseignants mais tu fais avec. Comme tu fais avec les olibrius du boulot. Tu vis pour les autres et tu ne l'oublies pas. Tu ne t'appartiens plus depuis longtemps déjà.
Tu rentres à la maison et te rapelle que la plus belle c'est elle.
La fille au bout de la cuisine aux yeux vert océan mer.

Tu te pinces, tu ne rêves pas.
Si ta vie est aux autres, ce que tu vois autour est à toi.

Tu en pleures presque.
Tu en es presque une fille, tu le savais.

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