Cette famille, qui était celle-là, a fait justement, ça.
Les Rothschild.
En 1957, après un bref mariage avec un compte, Marie-Hélène Stéphanie Josina van Zuylen van Nyevelt van de Haar (non il ne s'agit pas de 5 personnes mais l'équivalent de la fortune de 5 royaumes), choisissait d'épouser son troisième cousin, Guy de Rothschild, figure de proue de la banque des frères Rothschild. Leur amour brisait plusieurs tabous. Il s'agissait de la toute première fois qu'un leader Rothschild épousait une non-juive. Guy a dû laisser tomber son titre de président de la Communauté Juive de France, et la catholique Marie-Hélène, a dû recevoir une faveur du pape. La vie sociale du couple allait montrer un similaire esprit sans contrainte.
Le Château de Ferrières, étaient à l'époque, le plus grand château de France. Il datait du 19ème siècle. Découvrant les tours Mentmore, de Buckinhamshire, les ancêtre de Guy avait commandé à leur architecte de construire la même chose, mais en deux fois plus gros. Le château en question comprend 80 chambres d'invités, 5760 pieds carrés de forêt, une hall central de plus de 120 pieds, des colonnes et des cariatides sculptées par Charles Cordier, une librairie de plus de 8000 livres et un jardin italien de la néo-renaissance.
Occupé lors du conflit Franco-Prussien, et à nouveau par les Nazis lors du Second Grand Conflit, le Château de Ferrières est resté vide jusqu'en 1959, quand Marie-Hélène a choisi de le restaurer. C'est vite devenu un repaire, un épicentre hédoniste, pour la haute société européenne. Mélange rigoureux de noblesse, de stars hollywoodiennes, d'artistes, de musiciens, de designers de mode, Yves St-Laurent y croisait Brigitte Bardot qui frayait avec Grace Kelly. Les soirées qui s'y tenaient étaient si prisées, qu'une des personnalités (identifiée seulement pour les initié(e)s) aurait menacé de se suicider si elle n'y était pas invitée à la prochaine soirée.
Le 12 décembre 1972, année de la sortie du Charme Discret de la Bourgeoisie de Luis Bunuel, et année de mon atterrissage sur cette planète, Marie-Hélène y allait elle-même de son propre élan surréaliste. Bourgeois...
Les invitations avaient été envoyées écrites complètement à l'envers, forçant celui ou celle qui la lisait de la placer devant un miroir pour la comprendre. Le message invitait, de manière cryptique, à porter une cravate noire, de longues robes et des têtes surréalistes. À leur arrivée, l'éclairage naturel de soleil couchant jaune, en fin d'après-midi et celui des mêmes teintes projeté sur le château, donnait la nette impression que celui-ci était en feu. On a donc choisi de placer des valets, arrosant le château, comme si on voulait affaiblir un incendie. Près de l'escalier principal, des valets et des servantes étaient déguisé(e)s en chats, et se comportaient de la sorte. Assoupis par terre dans les marches, se léchant les mains, s'étirant les pattes se grattant l'oreille frénétiquement. Les invités débutaient en trouvant leur chemin dans un labyrinthe, ponctué de théâtre immersif et de surprises macabres dans une forêt pleines de toiles d'araignées. Si on s'y égarait, "un chat" pouvait nous en sortir.
Éventuellement, votre valet/chat vous accompagnera jusqu'à la table du souper ou vous sera servi une assiette enveloppée de fourrure, sur des tables décorées de tortues empaillées, avec un buffet présenté sur le corps d'un mannequin de plastique couché sur un lit de roses. Les fourchettes étaient remplacées par des poissons morts de la même taille. Le menu étant composé de jeux de mots cannibales ou de nom cosmique comme "la soupe extra lucide" ou "le fromage de chèvre cuit dans la tristesse post-coïtale." Cette décadence fera si écho que deux clin d'oeils musicaux de 1973, Roxy Music avec In Every Dream Home a Heartache et les Rolling Stones avec l'album Goats Head Soup* y feront des références évidentes.
Les costumes n'étaient pas en reste. Marie-Hélène portait une énorme tête de cerf avec des larmes de vrais diamant lui coulant des yeux. Audrey Hepburn portait une relativement innocente cage à oiseaux autour de sa jolie face. L'esthète Baron Alexis de Redé portait un impressionnant masque quadruple, picoté de scarabées et de coccinelles. Un clin d'oeil avoué à l'allégorie de la prudence de Titan. Salvador Dali avait designé plusieurs de ces costumes. Sans toutefois en porter un, lui-même. Mais il était d'emblée si coloré. La reine du parfum, Hélène Rochas portait un gramophone sur sa tête. Une autre invitée portait une pomme devant son visage. Clin d'oeil à Magritte. Une autre portait un collage de la Mona Lisa sur sa tête. La supermodèle Maria Berenson, tournant deux trois ans plus tard avec Stanley Kubrick dans Barry Lyndon, qui, ironiquement, proposera une micro-société du genre dans son dernier film, en 1999, Eyes Wide Shut, était aussi présente, ajoutant à la soirée son caractère de beauté sacrée, d'opulence et de sexe, tous conjugué en même temps, un même soir.
Dès 1975, les Rotschild donnaient à la chancellerie des Universités de France le château en question, et ceux-ci en feront une réputée école de gastronomie. Ils déménageront eux-même dans une mais des bois de la forêt tout près. Qu'ils avaient fait construire. Vivant dans le secret des bois.
Peu de soirées festives, depuis Warhol, ont été de véritables soirées consacrées aux arts et cette soirée de décembre 1972, chez les Rotchschild est surement considéré comme un vrai hommage aux surréalistes.
Labyrinthe social cautionné par un ami de Bunuel (Dali) et un leader du surréalisme mondial, ce soir étrange fêtera ses 50 ans, dans moins de 12 mois.
En écoutant le filou James William Awad, avant hier, assis sur plus de 17 millions, à 28 ans, qu'il n'arrive pas à bien justifier, je me suis dit que voilà quelqu'un qui n'aurait pas l'imagination pour penser un party du genre.
La richesse est toujours à un pas de l'indécence.
* La pochette originale, jugée trop grotesque, se trouvant ici.
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