dimanche 15 octobre 2017

Aveuglé Par La Science

Le magasin Sears (au Canada) est mort.

Sears aurait eu sa carte de la FADOQ cette année, le magasin à rayon a débuté ses affaires il y a 65 ans (ici) en copiant le modèles des États-Unis, mais ne survira pas cette 65ème année. La dissolution a été clairement annoncée la semaine dernière.

De 1952 à 1984, Sears était une entreprise conjointe avec le magasin Simpsons, deux chaînes de magasin de commerce au détail des États-Unis. En 1978, La Compagnie de la Baie d'Hudson a acheté Simpsons et en 1984, la séparation était totale. En 1999, Sears achetait l'historique chaîne canadienne Eaton.

"M'a aller chez Cyr disaient mes tantes"

La liquidation commence demain. Ce qui sera affreux pour les employés qui verront les gens se tirer dans les achats peu chers, pour de l'argent qui ne se reviendra pas plus dans leur poches à eux.

On a jamais été capable de mettre en place un plan de relance. Déjà en juin, on fermait une soixantaine de magasins. 3000 emplois passaient alors dans le broyeur. Ça n'a pas suffit. Il restait 130 Magasins Corbeil, propriété de Sears, on a vendu Corbeil la semaine dernière.
Sears représentait 12 000 employés, le tiers au Québec, et le pire dans tout ça, est que les employés ne pourront pas recevoir leur plein régime de retraite car il n'y a plus de fonds (au Canada). Ils avaient pourtant contribué toute leur carrière. Comme le régime n'était pas capitalisé, les rendements n'étant pas assez suffisants, un déficit s'est accumulé, ce qui ne n'a pas rendu Sears en mesure de payer 100% des rentes. Ce qui la place dans la position horrible de payer ce qu'ils peuvent à certains et de faire des arrangements avec les autres.

Ce qui est fascinant c'est que Sears Canada est une preuve vivante de la frayeur innovatrice. Sears a inventé (sans le savoir) la vente "en ligne" qui fait aujourd'hui sensation.
Il fût une époque (la mienne entre autre) ou, enfant, on trépignait d'impatience à attendre le catalogue Sears posté chez nous, alors commandé (commandé? sans frais? ou simplement reçu?) par mes parents. Ceux-ci nous demandait de découper ce qui nous intéressait dedans et de le mettre dans une enveloppe pour le Père-Noël. Une fois le concept du Père-Noël éventé, on nous demandait d'encercler innocemment ce qui nous plaisait. Les produits étaient ensuite commandés par téléphone (avec fil). Car le catalogue ne contenait que des photos de produits que nous ne manipulions aucunement. Et c'était un cas unique. Commander sans passer en magasin et manipuler sous tous ses angles ce que l'on achetait était 99.9% la norme.

Sears était Amazon, EBay, Alibaba avant l'heure.

Et pourtant, ce catalogue n'a jamais suivi le virage numérique. L'entreprise en a eu peur. On a craint le numérique. On a pas cru à la technologie. On a fui face aux lumières, jugées aveuglantes, de la science.
Mauvais jugement.

L'assaut de tous les commerçants en ligne des États-Unis a creusé la tombe de Sears qui a regardé passer le train. Sans réaliser qu'il déraillait lui-même. C'est une large page d'histoire du commerce de détail canadien qui se tourne. Ça fera de nouveaux trous dans les centres d'achats. Centre d'achats dont le concept devient de plus en plus moribond.

Encore récemment, je circulais dans un petit mail dans mon secteur, croisant des étudiants, séchant leur cours et flirtant entre eux, et le club de petits vieux plus loin, toujours au même endroit, à jaser entre complices. Ils étaient la seule forme de vie dans un complexe aux boutiques vides qui peinent à ne pas cacher qu'ils ne sont que des entreprises de couverture pour la Mafia. Boutiques espacées par de nombreux trous qui changent d'appellation de commerce année après année. Un comptoir d'emballage de cadeau, entre autre, loue chaque année un espace, puisqu'il y en a toujours, dans le temps de Noël pour y emballer les cadeaux des mauvais emballeurs (moi).

Les centre commerciaux sentent la mort. Ce sera le décor de fameux films dystopiens ou post apocalyptique dans 10-12 ans. J'y pense tout le temps.

Place Fleur de Lys, dans le Québec de mon enfance, a perdu coup sur coup les magasins de La Baie, la pharmacie Brunet et perdra maintenant Sears.
El Ran, le fabricant de meubles Québécois, perdra 772 704$ avec la fermeture de Sears. Mode Maison Héritage, qui fait entre autre de la literie, perdra 1,7 millions.

Période noire pour les commerçants frileux des progrès technologiques.

Ironique quand on pense qu'il y a 100 ans, c'était Sears qui créait la copie carbone de ce qu'allait devenir Amazon et ses semblables.


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