mardi 19 juin 2012

Hung

Il y a des séries télé comme ça qui sont tout simplement sensationnelles et qui nous font réaliser que le Québec devrait s'en inspirer au lieu de nous écrire des niaiseries à longueur d'année.

En faisant ma demie-heure de jogging tous les matins, je me tape généralement 30 minutes d'une série télé. J'ai perdu beaucoup de poids depuis quelques temps. Merci à Hung.

La série raconte la vie Ray Drecker, quadragénaire, divorcé, fauché et gigolo à Détroit. Après l'équivalent d'un sommeil de 20 ans où il avait été l'incontestable star de l'école secondaire, Ray se réveille dans un monde qui l'abandonne. Il est forcé de vivre dans une tente devant chez lui, suite à l'incendie de sa maison. Il partage ses ados jumeaux avec son ex, légèrement hystérique qui l'a quitté pour un riche nerd de la petite école secondaire. L'équipe de basket dont Ray est responsable est la pire de l'histoire des clubs de basketballs et son emploi d'enseignant est précaire. Il doit donc se trouver de nouveaux revenus. Avec l'aide d'une amie qui lui fait réaliser qu'il devrait capitaliser sur son très large pénis, il devient gigolo (et elle son improbable pimp).
Tout comme la toute aussi éclatante (mais moins inspirée à mon avis) série Weeds, le concept tourne autour de gens qui n'ont pas le profil du métier qu'ils exercent pour subsister. Des gens qui ont deux vies, une de jour et une de nuit et qui ne doivent jamais faire rencontrer ses deux mondes.

J'ai déjà dit tout le bien que je pensais d'Alexander Payne, le producteur exécutif derrière tout ça et réalisateur du pilote. Les premiers/derniers plans sont souvent d'une beauté muséologique, le décor, les héros déchus, les décors décréprits, les problèmes qui trainent on est tout à fait chez Payne ici. L'humour fait quelques fois hurler de rire. Jane Adams, qui joue la pimp, est une actrice extraordinaire. Elle joue ici pratiquement le même personnage que celui qu'elle jouait dans le film Happiness*. Je pourrais écrire toute la suite juste sur elle tellement j'adore cette actrice. Elle est HALLUCINANTE!. Charlie Chaplin en fille. Elle bouge de manière désarticulée, livre son texte avec de parfaites hésitations, de parfaites imperfections. De la même manière que ça prend un très bon patineur pour jouer un très mauvais patineur, voilà une très grande actrice qui joue la fragilité, la gaucherie, la marginalité et la naiveté avec une précision chirurgicale. Quand elle se choque et veut frapper ses moulins à vents imaginaires qui se mettent dans son chemin, c'est une fantastique danseuse de l'écran. Une scène de confrontation avec sa mère (la femme de Dannny DeVito, bijou de casting!) est particulièrement bouleversante, habile, jonglant avec toutes sortes d'émotions.
Thomas Jane est le parfait everyday guy dans le rôle de Ray. Ironiquement ont l'avait aussi vu dans Boogie Nights de Paul Thomas Anderson , film où un autre personnage principal gagnait sa vie grâce à la grosseur surnaturelle de son appendice. N'est-ce pas aussi ironique que le nom de famille de l'acteur soit aussi le prénom de celle qui le complète si bien à l'écran?
Anne Heche, certifiée folle il y a quelques années déjà, est tout ce qu'il y a de plus à propos dans le rôle de l'ex de Ray. Elle brille. D'ailleurs n'est-ce pas un coup de génie de la part des scénaristes Dmitry Lipkin et Colette Burson d'avoir baptisé leur personnage sexuel d'un homophone du mot "rayon"? Le gars apporte de la chaleur, scintille, a un fameux rayon laser, réconforte et amène le bonheur.

Impossible de ne pas exploser de rire quand la voisine, dans une scène parfaite, découvre le membre de Ray et lance toute émue : "Shit Ray...That is a beautiful penis". Shit et Ray sont aussi deux mots récurrents regroupés pour nous rappeller que bien des rayons de marde apparaîtront ici et là. C'est propre à l'univers habituel de Payne. Encré dans le plat réèl et dont le souci du détail nous fait apprécier davantage l'oeuvre. La simple idée de nous présente des jumeaux ados obèses, l'une ayant pour amoureux un autre obsèse appelé Hammer, l'autre étant gothique et androgynique est beaucoup plus intéressant que si on nous avaient présentés des "perfect kids" d'annonces d'assurance-vie.

Bons coups des scénaristes pour les personnages de Floyd (Steve Hytner), Jemma (Natalie Zea) et de Lenore, rôle joué par Rebecca Creskoff, une actrice pratiquement identique , même dans l'écriture de son rôle, à Christina Hendricks de Mad Men mais en moins ronde.

Matt Novack a dirigé une équipe qui a fait un travail grandiose avec la musique.Quiconque utilise du Psycheledics Furs dans son art mérite une accolade. La musique originale de Craig Wedren est tout aussi intéressante, les accords récurrents rappelant les 6 premières secondes à la guitare d'une chanson de The Doors. Au Québec on est encore (faute de budget j'ose croire) assez nul sur la zizik dans nos films. Quand on y met les sous on fait des miracles comme avec C.R.A.Z.Y. mais en général we suck ass dans le département. La musique peut changer toute la couleur de ce qu'on regarde,. Hung mérite un 10 sur 10 en musique.

On va en palper du toc avant de mettre le grappin sur l'or.

Hung, diffusée sur HBO pendant trois saisons de 2009 à l'hiver 2011, disponible partout en vid.o maintenant, c'est de l'or.

C'est rare.
* Le mot est d'ailleurs dans le dialogue de chaque épisode de la première saison.

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