vendredi 4 octobre 2024

Cinema Paradiso***************American Psycho de Mary Harron

Chaque mois, dans ses 10 premiers jours, tout comme je le fais pour la littérature (dans ses 10 derniers) et tout comme je le fais pour la musique (vers le milieu) je vous parles de l'une de mes 3 immenses passions: le cinéma!

Je l'ai surconsommé, le surconsomme encore, l'ai étudié, en fût diplômé, y ai travaillé, en fût récompensé et en suis sorti. Mais le cinéma n'est jamais sorti de moi. Ne le sera jamais.

Je vous parles d'un film qui m'a charmé par son histoire, son thème, son inventivité, son audace, sa réalisation, sa cinématographie, sa mise en scène, ses interprètes, bref je vous parles d'un film dont j'ai aimé pas mal tous les choix. Presque 100% tiré de ma collection personnelle de DVD. 

AMERICAN PSYCHO de Mary Harron.

Le roman de Brett Easton Ellis est un livre de type "flux de pensées" où on navigue dans la tête de Patrick Bateman, homme d'affaires horriblement superficiel de 1987. Ellis avait été déçu de l'adaptation précédente de son livre Less Than Zero et considérait American Psycho, infilmable. Il a quand même tendu l'oreille quand Johnny Depp s'est montré intéressé à incarner Bateman adapté en film. Après que les droits de son livre eurent été achetés par un producteur, Ellis a signé une adaptation pour le réalisateur Stuart Gordon. Ce dernier a dit que l'adaptation était inconvenable, s'est retiré. 

David Cronenberg s'est alors intéressé avec Brad Pitt qui montrait aussi de l'intérêt. Ellis a donc remodelé un script, mais, relativement contre les envies de Cronenberg, lui a offert une version grotesque qui était complètement autre chose que le livre avec un scène finale musicale montrant Barry Manilow chantant Daybreak au sommet du World Trade Center. Cronenberg a trouvé immature, a demandé à Norman Snider de faire mieux, mais la version de Snider allait être plus désagréable à ses yeux, Cronenberg (et Pitt) se sont retirés. Mais on allait garder Toronto déguisé en NY. Qui était beaucoup moins coûteux dans les frais de productions. 

Rob Weiss s'est amené comme réalisateur potentiel, et Ellis a offert autre chose. Mais cette fois, ce n'était qu'un film pornographique (selon Weiss). Ellis était très fort sur les drogues fortes. Oliver Stone et Leonardo DiCaprio y seront un temps attachés mais les deux ne s'entendent sur rien. Marry Harron venait d'attirer l'attention avec le très interressant I Shot Andy Warhol, on lui a proposé la réalisation. Harron avait lu le livre dans les années 80, avait trouvé trop violent, mais avec le recul, dans les années 90, elle voyait une possibilité de faire un film considéré maintenant d'une autre époque, et d'en faire un commentaire social sur les années 80. Ce qu'était le livre d'Ellis de toute manière. S'adjoignant les services de l'actrice/scénariste Guinevere Turner, avec laquelle elle retravaillerait, elles voyaient toutes deux la chance de faire quelque chose de drôle, subversif, horrifiant et féministe à la fois. 

Ce que le film sera au final. Influencées par Hatchet for the Honeymoon de Mario Bava, on choisira la satire trempée dans l'horreur, un ton toujours difficile à faire passer et qui ne fera pas exception ici, la critique passant largement à côté de tout l'humour exposé. Quand on est soi-même superficiel, dur de trouver drôle ce que les autres trouvent drôles. Harron restera surprise qu'on lui reproche de faire de Bateman un homophobe, sans jamais lui reprocher ses multiples meurtres. Christian Bale, qui vient de tourner l'excellent Velvet Goldmine, trouve aussi très drôle ce qu'il vient de lire et ajoutera quelques répliques improvisées sur le tournage. Et quelque mise en scène comme le moonwalk, hache en main.

Le film est très drôle. Parce que grotesque. Notre rapport au grotesque a beaucoup changé depuis tout ce qu'on a accepté de Donald Trump. Le film gagne à ce niveau car c'est parfois si gros qu'on s'esclaffe à voix haute. TOUTES les cartes d'affaires affichent des gens qui sont vice-présidents. Président des vices, oui. Simplement voir Justin Theroux danser comme dans les années 80 est tordant. Bale, alors très mince, passera deux mois au gym revenant extraordinairement bien découpé pour le tournage. Lui dire qu'accepter ce rôle était un suicide professionnel, le motivait davantage. 

Le film raconte Patrick Bateman, jeune homme d'affaires imprécisé de New York, et son style de vie, en 1987, noyé par les superficialités, rongé par l'envie, guidé par toutes ses pulsions, sexuelles et meurtrières. Bale dira qu'il s'inspirera d''entrevues de Tom Cruise avec David Letterman pour jouer le psychopathe. Harron a demandé a Willem Dafoe de jouer l'inspecteur de trois manières différentes, une fois comme sil savait que Bateman était assassin, une autre fois comme si il ne faisait que le suspecter, et une troisième fois comme si il ne considérait rien du tout. Mélangeant les trois types d'interprétations au montage final afin de confondre le public et qu'il ne comprenne pas où se trouve mentalement l'inspecteur. 

L'intelligence du script suggère même fantasmes plutôt que faits réels. Le film est bien calculé. Et si drôle. 

Impossible de ne pas exploser de rire dans une scène de scie électrique parfaitement ciblée, même lancée dans la distance. Avec la montée des jeux vidéos, depuis les années 80, on peut avoir l'impression de naviguer quelques fois dans un jeu vidéo avec Bateman. 

Peu ont embarqué dans la grotesque qui pourtant allait prendre le monde entier en otage vers 2015-2016. Nous n'étions que 15-16 ans avant, en 2000. 

Film violent relevant du fantasme, mais particulièrement amusant. Coen et Tarantino nous font rire avec les mêmes codes. 

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