vendredi 13 mai 2022

Arnaques Musicales

(à J.M. ti-père néo-cinquantenaire, aujourd'hui qui n'est pas à hui, mais bien à lui)

L'authenticité n'a pas toujours été au coeur des actions dans les merveilleux monde de la musique. Les questions sur le sujet ont toujours existées. Est-ce qu'Elvis était moins artiste que les Beatles parce qu'il ne composait pas ses oeuvres ? Led Zeppelin est il moins un bon band en piochant dans le matériel des autres dès son premier album ? Et entre vous et moi, la différence entre les Rolling Stones, les Monkees, les Sex Pistols, Madonna et One Direction est elle si grande ? Ne sont-ils pas aussi les créations de gérants qui avaient un sacré flair pour leur époque en ce qui concerne le marketing musical ?

Peut-être plus que n'importe quel art, la musique souligne à la fois l'authentique et le synthétique. Mais il y a une ligne à tracer. Où y en a-t-il vraiment une ? Voici quelques histoires de l'univers de la musique qui ont joué avec les limites de la légalité. C'était des arnaques. Des déceptions calculées. 

Étaient-elles dans l'esprit du rock'n roll ? À vous de juger.

Les Faux Zombies

L'illusion: La formation britannique The Zombies, fondée en 1962 par Rod Argent, Paul Atkinson & Hugh Grundy, à St Albans, ont livré un gros hit, en 1964, qui a cartonné aux États-Unis autant qu'en Angleterre. La chanson a surfé sur la vague d'invasion britannique qu'avaient imposé les Beatles, et elle est même devenue immortelle et très représentative des années 60. Le hit est si important que le second single vendra aussi beaucoup, même si beaucoup moins bon. Le groupe a vite disparu. Jusqu'à 1969 où ils cartonnent de manière surprenante, aux États-Unis surtout, avec Time of the Season. Autre morceau mythique des années 60. Il faut se rappeler que les artistes de l'époque ne se présentent pas encore d'abord par l'oeil dans un vidéoclip ou avec des photos, mais plus souvent par l'oreille, à la radio. On part en tournée afin de capitaliser sur la seconde vague d'intérêt autour du band.

L'authenticité: Tout ce qui est dit est vrai. Sauf la dernière phrase. Ou plutôt, pas complètement vrai. Deux groupes The Zombies feront la tournée aux États-Unis. Aucun des deux n'étaient les vrais Zombies de 1965, Argent, Atkinson, Grundy, Colin Blunstone et Chris White. Un des 2 bands contient même Frank Beard à la batterie et Dusty Hill, à la guitare, futurs ZZ Top. Les vrais Zombies de St.Albans se sont séparés en décembre 1967. et ne savaient rien de ce qui se passaient avant mars 1969, en Amérique du Nord. La ruse est importante, l'avarice, ravageuse. Tout est détaillé ici. Ça ne finit pas bien. Les imposteurs en paieront le prix. (mais pas Frank & Dusty). 

Silibil N' Brains

L'illusion: 2 rappeurs de Californie, Silibil & Brains, sont découverts à Londres dans les jeunes années 2000 par un recruteur d'artistes à leur tout premier concert. Ils sont suggérés à un gros nom influent chez Sony qui les signent pour (un record alors) pas moins de 250 000 Livres Sterling. Ils font vite des vagues, au Royaume-Uni, passant à MTV, en 2004, ouvrant pour le groupe parainné par Eminem, D12, en tournée. Un changement de personnel chez Sony retarde finalement la sortie de leur premier album et Silibil quitte le tandem, faisant rater la chance à Brains de devenir riche et célèbre.  

L'authenticité: Silibil N' Brains n'étaient pas Étatsuniens. C'était Billy Boyd et Gavin Bain, respectivement, de Dundee, en Écosse. Réinventés en rappeurs de Californie. À l'origine, ils étaient même 3. Et avait auditionné pour B Production. Mais on s'était si moqué d'eux que ça en avait découragé un, et, dévastés, les deux autres se sont trouvés deux personnages qu'ils ont joué pendant 3 longues années. Boyd s'est tanné de la supercherie, a quitté et est retourné vivre en Écosse. En 2013, le succès du documentaire sur le sujet a relancé la formation qui a finalement produit un mini album.

Platinum Weird

L'illusion: Bien avant qu'il ne connaisse le succès avec Annie Lennox, avec Eurythmics, dans les années 80, Dave Stewart forme le band Platinum Weird avec la chanteuse Étatsunienne Erin Grace. Chanteuse dont le style de chant influencera entre autre, Stevie Nicks. En 1974, ils commencent à enregistrer un album qui ne sera pas complété. Anéantie par la mort de Nick Drake, Grace quitte le monde de la musique et part avec l'amoureux d'Elton John. Des années plus tard, Stewart présente les morceaux de Platinum Weird à Kara DioGuardi. À sa grande surprise, elle connait tous les morceaux. Elle avait appris les pièces d'un prof de chant qui était sa voisine quand elle était plus jeune: Erin Grace. Stewart choisit alors de lancer non seulement l'album, accompagné d'un documentaire racontant tout ça, pour VH1, et qui fera témoigner Lennox, Elton John, Mick Jagger, Christina Aguilera et Ringo Starr, discutant tous de leur passion du groupe culte.  

L'authenticité: En 2004, Stewart et DioGaurdi composent ensemble des morceaux pour les délicieuses-pour-l'oeil Pussycat Dolls. Mais ce qui est proposé par le duo est plus de l'ordre de Fleetwood Mac que des poupées bébés chats. Mais Jimmy Lovine, patron de l'étiquette qui les emploit, aime beaucoup ce qu'il entend. Il les pousse à créer davantage et les incite aussi à tricoter une fiction du passée qui vendrait le band avant l'heure. On tourne même un clip qui suggère bien 1974. La chanteuse présentée n'étant pas du tout DioGuardi. Avant 2006, année de sortie de l'album. Erin Grace n'a jamais existée. Mais le documenteur lui donnait beaucoup de crédibilité. Le clip aussi. Stewart, inconfortable avec tout ça, avoue tout dès 2006. DioGuardi faisait même parti du documentaire. 

Orion

L'illusion: 1978, ça fait un an qu'Elvis est décédé. Sun Records, qui avait enregistré le King, lance un single avec Jerry Lee Lewis, datant de 1961. On n'identifie pas la seconde voix, hantée qui accompagne Lee Lewis. Pas plus que d'autres duos, lancés par Sun, en 1978. Mais la voix ressemble beaucoup à celle d'Elvis Presley. Serais-ce des morceaux d'Elvis qui avaient été sous scellés ? Serais-lui ? hors mde l'oeil public ? Sun stimulera l'ambiguïté, disant à l'origine que le chanteur était un mystérieux homme masqué, ressemblant effectivement à Elvis. qui se présente sous le nom de Orion. Ce nom est aussi le même qu'un personnage de rock star dans un récent best seller, qui choisit de feindre sa mort afin de se libérer de la pression que son immense succès lui a apporté. Orion est à l'origine du mythe qu'Elvis n'est pas mort sur le bol de toilette, en 1977. Des albums d'Orion suivront, le tout premier s'appelant, avec ruse, Reborn


L'authenticité: Sam Phillips avait vendu Sun Records au peu scrupuleux Shelby Singleton, en 1969. Dans l'année suivant la mort du King, Singleton exploite le deuil national des fans et leur très grande naïveté. Le musicien de session Jimmy Ellis est aussi, tristement accessoirisé. Celui-ci, a effectivement à peu près le même timbre de voix que Presley. Il est désormais fameux. Mais très inconfortable dans son rôle dur à tenir. 5 ans plus tard, après avoir extraordinairement limité ses présences publiques, il en a assez, révèle le tout et enlève le masque. Mais continue de se produire. Ce qui n'intéresse maintenant personne. Dans les années 90, pathétiquement, Ellis redevient Orion, jusqu'à sa mort, en 1998. Assassiné dans le magasin de prêteur-sur-gages qui était le sien, en Alabama, lors d'un vol à main armé. Prêteur sur gages...ça ne s'invente pas...


Technotronic

L'illusion: Elle est très belle, autant dans le clip que sur la pochette. La chanson fait mouche. Tout le monde danse Pump The Jam, tout le monde s'amuse sur le beat d'une rare rappeuse. Elle serait belge, mais chante en anglais. La chanson vend 300 millions de fois. Croisé de hip hop, dance, hip house, elle sera #1 en Belgique, Islande, Espagne et au Portugal. Faisant merveilleusement bien aussi, partout ailleurs dans le monde. 

L'authenticité: La belle chanteuse est toujours belle, mais ce n'est pas elle. Ni sur la pochette, ni dans le clip. Elle, c'est la mannequin d'origine congolaise Felly Killingi. Engagée pour faire semblant. La vraie chanteuse est Ya Kid K, aussi d'origine congolaise. Dès le second extrait, on corrige le tir et on changera même la pochette du disque rendant l'autre plus rare. Et tout aussi payant. Une tournée aux États-Unis forçait à dire la vérité et Ya Kid K n'avait jamais accepté un tel arrangement, de toute manière.  


ABC

L'illusion: La formation de Sheffield, en Angleterre, a lancé deux albums depuis 1980. Le premier avait attiré l'attention, le second, avait éteint l'intérêt. En 1985, on revient avec un troisième effort, présenté par un single, lui, accompagné d'un clip, qui nous présente maintenant deux nouveaux membres du groupe: David Yarritu et Fiona Russell Powell. Ça fonctionne bien, le single sera leur plus vendu de leur histoire (alors, battu deux ans plus tard)

L'authenticité: Fiona Russell Powell est une journaliste stylée. Ça plait à Martin Fry, chanteur du groupe. "Mais je ne sais jouer d'aucun instrument!" se défendra-t-elle. "Peu importe, on veut changer de look, tu as du style, tu seras membre de ABC" répondra Fry. Dans le clip, on lui fait jouer de la batterie. Sur le disque, elle est rebaptisée Eden, mais ne s'y trouvera pas du tout. Martin Fry, modifiant avec la technologie, sa propre voix, fait la partie prétendue "d'Eden"**. David Yarritu est photographe Étatsunien. Il n'a aussi, que du style à offrir. On lui plante une guitare ou une basse, en forme de soleil dans les mains pour le clip, mais il n'en jouera jamais. Il est très petit de taille, il a la boule à zéro et porte de grosses lunettes noires. Dans le second clip lancé pour mousser l'album, on choisit un clip entièrement animé. Yarritu et Russell y seront tous deux dessinés. Mais dès l'album suivant, lancé en 1987, ils ne sont plus de la formation. Duquel il n'étaient pas de toute manière, n'étant que d'un clip.  

Milli Vanilli

L'illusion: Deux très séduisants jeunes hommes de Munich, en Allemagne, Fab Morvan et Rob Pilatus, lancent leur carrière en Europe seulement. Ils propose du R & B/pop. Une étiquette des États-Unis achète les artistes et leur titre de 1988 est retitré Girl You Know It's True. La chanson fait un malheur aux États-Unis. Les 3 singles qui suivront seront même #1. Le duo rafle le Grammy du nouvel meilleur artiste tel que choisi par les États-Unis, en 1990.


L'authenticité: Du lip-synch sur scène ne cause plus d'émoi. Même que près de 90% des artistes de 25 ans et moins utilisent du pré-enregistré sur scène. Lors d'une présentation sur scène du tandem, le cd pré-enregistré saute. Pilatus est si humilié qu'il quitte la scène, Le public ne semble pas particulièrement outré. Sinon que le spectacle a une longue pause pas tellement claire avant de reprendre le show. Ni l'un ni l'autre ne chante. Le producteur allemand Frank Farian, qui a fait fortune avec Boney M dans les années 70, les prends comme beaux garçons présentables mais ce sont des musiciens de session qui font tout l'album vendu plus de 10 millions de fois. On leur retire leur Grammy, 4 jours après que Farian eût confessé la supercherie. On rembourse le citoyen consommateur jusqu'en 1992. Les poursuites ne cesseront pas. Avec succès variables. On dévoile les vrais artistes avec un nouvel album en 1991 : pas d'intérêt. Morvan et Pilatus enregistrent quand même un disque, en 1993, avec leurs vraies voix, pas d'intérêt non plus, 2000 ventes. L'étiquette fait aussi banqueroute. Tragiquement, sans que ce ne soit jamais clair si il s'agit d'un suicide ou non, tout juste avant de partir en tournée et de lancer un nouveau disque (qui ne sera jamais lancé), Rob Pilatus est retrouvé mort, en surdose.  

Fritz Kreisler

L'illusion: En tournée en Europe, au tournant du siècle dernier, le virtuose violoniste d'origine autrichienne Fritz Kreisler prétend avoir découvert des morceaux jamais entendus de grands auteurs comme Bach, Vivaldi, Pugnani et autres artistes du répertoire classique moins connus. Il les joue avec succès dans les librairies et les monastères. Avec cette angle mystérieux, il se démarque de ses contemporains, et lors de ses performances, ces morceaux sont attendus et seront sa signature. Les morceaux, avec le temps, sont si bien joués qu'ils deviennent même composante des répertoires des auteurs. 

 

L'authenticité: L'auteur, c'est lui. Quand un critique du New York Time lui demande, en 1935, si il n'avait justement pas tout simplement composé les morceaux "inspiré de...", Kreisler répond que les noms changent, mais que la valeur reste. Le scandale suscite un grand débat, mais la réputation du violoniste reste étonnament intacte. On a découvert un excellent virtuose, doublé d'un splendide auteur. 

Les Serins

L'illusion: 1988. Le désert de la musique francophone Québécois est total. Richard Séguin ? Paul Piché  ? Pierre Flynn ? Ce sont des icônes des années 70. Le monde musical Québécois n'est pas encore Jean Leloup. Le duo Les Serins, composé deu bassiste Goyette et du chanteur scandinave Stegren Jönsson, lancent un album inattendu dont la pièce titre de leur premier effort Sous Les Tropiques de l'Équateur, fait un malheur. Le refrain est chanté, voir hurlé, tout l'été. Dans les rues, sur les lacs, dans les cours d'école à la rentrée scolaire de l'automne. Avec le retour aux activités un peu partout, en octobre est lancé un second extrait Chérir L'amour, inspiré de Kool & The Gang, qui cartonnera tant qu'on ne pourra plus entendre Kool & The Gang de la même manière par la suite. "Chérir l'amour qu'on a, Il faut chérir l'amour qu'on fait, Chérir l'amour, Chérir les fesses, Chérir la tendresse" est chanté partout autour des feux automnaux au Québec, les yeux dans les yeux. Tendrement. Les Serins sont sensations adolescentes. 

Jönsson, égaré
L'authenticité: Le duo n'est même pas Québécois. Ni même francophone. On le découvre à la sortie de leur second album, Sports Zeroes, ou Goyette et Jönsson choisissent de modifier des chansons originales au profit de noms de joueurs de baseball et de hockey. Ainsi, sur l'air de l'O Canada, on chante "Got Keith Moreland for Gloria Estafan (inexpliqué)" au lieu de "God, keep our land, glorious & free", sur Losing My Religion on transforme "That was just Sid Bream... et "I thought that it was Craig Ludwig" au lieu de That was just a dream et I thought that I heard you laughing et comme dernier exemple, le refrain de Stand By Me devient désormais Stan Bahnsen. Ridicule. Quand un journaliste demande à Goyette depuis quand joue-t-il de la basse, et qu'il lui répond, "deux minutes", ça ne passe plus. Le Québec les déteste profondément maintenant et exige leur déportation. Goyette est envoyé en Indonésie pour y trouver l'amour et Jönsson, à Ville St-Laurent. Aussi bien dire, le goulag pour les deux.  

Goyette, à l'état brut🤐
On ne leur connaît pas de nationalité claire ayant logé sur un territoire ayant refusé deux fois plutôt qu'une d'être un pays, et ne s'exprimant ni clairement en français, ni clairement en anglais, ni clairement du tout, particulièrement après 9 bières et trois verres de fort, on soupçonne maintenant qu'ils soient d'une autre planète.

La planète Amos.    

** avec une ligne très vulgaire, soit Hi, I'm Eden, I want you, to kiss my snatch... 

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