J'ai eu deux moments de proximité avec Jean Leloup. Privés. Le premier, en 1991. Alors que j'étais étudiant à l'Université de Sherbrooke. Leloup doit s'y donner en spectacle, pour nous, étudiants. Il me semble que ce soit dehors. Personne n'avait payé pour ce spectacle, c'était en début d'année. L'université avait probablement payé sa venue. On était nouveaux à l'Université. J'avais 19 ans. On ne connaissait pas le site tellement. Il y avait des tunnels souterrains. En tout cas, au moins un. Très cool. Peut-être épeurant pour une jeune Femme toute seule, mais voilà, je n'ai jamais été une jeune Femme, je ne connais pas ce feeling. Nous étions en retard pour le spectacle. Et égarés. Peut-être dans l'ivresse de l'instant. Surement. On cherchait une issue au tunnel. Nous étions 2 gars et davantage de filles. L'initiation avait noué plusieurs amitiés naissantes et nous étions tous en terrain de potentiels bénéfices. Ça flirtait de partout.
Et bon sang qu'elle s'éclate, et bon sang qu'elle s'éclate, y a des filles comme ça, qui ne s'arrêteront pas.
Il y avait, au bout d'un corridor du tunnel, un groupe de gens, immobiles. Certains fumaient des cigarettes. Les restrictions à ce niveau n'étaient pas encore aussi contrôlées que maintenant. Je n'avais pas vu encore Leloup teint en blond. Ou l'avait oublié. Et c'était seulement ma deuxième année de vie où, quelques fois, j'avais besoin de mes lunettes. Une habitude que je ne prenais pas encore souvent (never did). De les porter. J'en ai besoin quand je suis fatigué. Presbytie légère d'un oeil, tout simplement poche de l'autre. Regard pourtant de pur noisetier, bien enligné foncé. Je ne les ai pas vu comme il faut avant qu'on soit rendu très proche. C'était Jean Leloup et son band. Cachés dans les tunnels avant le show. Je n'avais pas reconnu Leloup du tout en blond avant que je ne sois collé dessus. Et on s'est dévisagé assez longuement. Moi me demandant si je regardais bien Jean Leloup à qui je pouvais presque donner une pichenotte. Lui, semblant se demander pourquoi on avait tant de belles filles avec nous dans ce tunnel. Lui amenions nous des poupées de sucre, poupées de sons ? Tout plein de sucre candy ? Une douzaine de personnes dans un silence inconfortable à proximité les uns des autres dans un tournant de corridor de tunnel. Personne ne s'est parlé. Nous, trop intimidés, eux, dans un état second intoxiqué ou dans le stress pré-spectacle. Ils étaient en retard eux aussi.C'était très intime, mais sans conséquences du tout. Moi-même, en état second, intoxiqué, j'ai peu de souvenirs de la suite, pas même du show.
Jean Leloup a ensuite lancé son excellent album Le Dôme. En automne 1996. 5 ans plus tard. Maintenant, je suis travailleur à Montréal dans un magasin de musique/dvd/livres centenaire du Centre-Ville et c'est l'étiquette de la compagnie qui distribue son nouvel effort sur disque. J'obtiens donc un accès au lancement officiel, dans un bar qui s'appelait justement, Le Dôme, si je me rappelle bien. Peut-être même sur Ste-Catherine. On était confo. On était 4 du magasin. On a tous eu un disque promo dès notre arrivée. La belle Nancy était avec nous. On a vite obtenu l'attention de Leloup avec Nancy. C'est avec elle qu'il a surtout jasé. Il était "sur quelque chose". Son corps, son verbe trahissait des produits illicites. Fuyant autant qu'agité. J'ai jasé guitare avec lui mais c'était plutôt avec Alex Cochard ou Yves Desrosiers que j'aurais dû le faire. C'étaient eux les vrais guitaristes. Je ne connaissais même pas encore la rivière de sons qu'offrait Le Monde Est à Pleurer, dans laquelle je ne cesse de tremper le pied dansant, encore de nos jours. Leloup pouvait vraiment offrir de véritables moments de grâce.L'énergie d'Isabelle. L'absolue splendeur de la jeune femme que je n'ai jamais oubliée en ouverture du clip (et plus loin) dans Cookie, cette chanson qui n'a rien à envier aux Rolling Stones. Cette base de 1990. La voix arrière et aérienne de Voyager (3:33-4:03). Le désespoir existentiel de La Chambre. La mini jupe rouge de Laura. L'agréabilité totale de I lost My Baby et sa soeur La Balade à Toronto ou j'entends toujours un "je t'aime" chuchoté jamais prononcé (sauf par moi, au volant) vers 1:48 . L'errance séduisante et beatnik de Raton Laveur. Le groove funk du Monde qui est à Pleurer.Parce qu'il ne faut pas trop y penser tout le temps. Surtout les week-ends. Surtout les samedi ensoleillés. Ce monde est définitivement à pleurer parfois.
J'ai retrouvé la photo de Leloup avec nous sur le divan, fin octobre 1996. On était finalement 7. 6 du magasin. 2 acheteurs, un commis joueur de saxophone, La belle Nancy et la toute aussi belle Tootsie Belleface, et moi, qui n'ai fait que m'enlaidir depuis, définitivement. Et au coeur de tous, entre les deux filles, Leloup, avec deux points noirs là où il devrait y avoir des yeux. Une bête traquée inconfortable comme nous semblons tous l'être sur la photo. Sauf les deux filles. Resplendissantes. Mais pas autant que cette beauté dans le clip de Cookie. Leloup a les poings levés comme si il venir de marquer un but. Ou comme si il se préparait à fuir. Ou se battre.Je suis encore amoureux des yeux et du sourire de la fille de Cookie. Si furtive.
Furtif fût aussi le plaisir sonore Leloup. Dont certains éclats de génie survivent bien au temps.
Devinez ce qu'on a écouté au retour de Québec, sur la route ?
Aucun commentaire:
Publier un commentaire