Je suis un amoureux des villes. Je l'ai souvent évoqué ici. J'aime le bruit des villes, des rues, j'aime le bitume et m'en émeut autant qu'on peut s'émouvoir d'un grand champs de fleurs.
Une ruelle pour moi, reste un poème qui n'attend que d'être découvert.
Au cinéma, certains cinéastes, en grande complicité avec leur directeur photo, ont réussi à parvenir à faire d'une ville, un réel personnage de leur film. En voici 20, remarquables à mes yeux, qui ont tout à fait mis en valeur la ville dans laquelle le film était tourné, au point de presqu'en faire un personnage. Il y a en a beaucoup d'autres, mais je me suis concentré sur ceux que j'ai vu et ai tenté de ne pas répéter 2 fois les même villes.
Ces films ont placé de l'importance à la ville dans leur oeuvre au point qu'on en a vivement senti le pouls.Vicky Cristina Barcelona (Barcelone, Aviles, Oviedo) de Woody Allen. Le 38ème film de Woody Allen est l'un de ses plus profitables à vie générant 96 millions de dollars et en ayant coûté tout juste 15. Il s'agit de son 4ème film tourné hors des États-Unis depuis la découverte de sa relation avec la fille adoptive de Mia Farrow et André Prévin. Il met en vedette des acteurs qui sont une clé du succès du film, mais personnellement, malgré les talents connus de Penelope Cruz, Scarlett Johansson et Javier Bardem, c'est celui de Rebecca Hall qui m'a le plus marqué, la découvrant avec ravissement dans ce film qui met en valeur les oeuvres du peintre catalan Agusti Puig ainsi que les oeuvres architecturales d'Antonio Gaudi. Bien que le film soit visuellement beau sous la caméra de Javier Aguirresarobe, un écho de mélancolie et d'égarement baigne tout le monde. Le rendant aussi agréable que triste.
Je fais trop long, je ferai plus court.
Fargo (Minneapolis-St-Paul) des frères Coen. La ville est fictive, mais l'endroit où a réellement tourné est effectivement Minneapolis, St-Paul et un peu au Dakota du Nord car la neige n'y était pas suffisante au Minnesota. On sous-estime toujours la beauté cinématographique de la neige et ce film, tourné ici par l'oeil avisé de Roger Deakins. Les vraies villes de Fargo et Brainerd sont effectivement au Dakota, mais pas à l'image. Les accents du Nord sont merveilleusement portés par William H.Macy, Frances McDormand et les deux prostituées dont l'une était incarnée par, justement, une spécialistes des accents régionaux pour le tournage. Les gens du Minnesota ont été grandement impressionnés de la justesse de la reproduction.
Faudra vraiment que je fasse plus court, ce sera éternel à écrire/lire.
Les Ailes du Désir (Berlin) de Wim Wenders. Henri Alekan offre une délicieuse image de Berlin en noir et blanc du point de vue de 2 anges et de la couleur de la perspective d'humains terrestres dans ce très beau film. L'idée du noir et blanc (agrémenté de sépia) est venue à Alekan et Wenders quand ils ont supposé qu'un ange, inexpérimenté des expériences terrestres, ne saurait reconnaître les couleurs. Ça offre un Berlin splendide. Poétique grâce au texte de Peter Handke.
Les 400 Coups (Paris) de François Truffaut. Les toits de Paris n'avaient pas souvent été filmés et pourtant, ils sont si visibles et partout dans l'oeil quand on y circule. Pas pour rien qu'on y a trouve quelques fois des hussards. Le générique d'ouverture nous offre des bâtiments en cernant la Tour Eiffel. C'est une splendide métaphore du petit Doinel voulant aspirer à plus grand, mais ne se rendant peut-être qu'aux toits en visant les hauteurs des tours. J'aurais aussi pu mettre toute la série Doinel comprenant Antoine & Colette, Baisers Volés, Domicile Conjugal et L'Amour en Fuite.
La Dolce Vita (Rome) de Federico Fellini. On a tourné dans le château Giustiniani-Odescalchi, dans la baroque fontaine de Trevi, dans les rues de Rome, dans le parc Parco degli Acquedotti situé tout près des studios Cinecitta où plusieurs scènes y étaient aussi tournées par Fellini et son excellent directeur photo Otello Martelli. Après toutes ses années (1960), le film ne prend pas une ride et on se surprend à vouloir fréquenter cette Rome pleine de vice et de liberté.
La Notte (Milan) de Michelangelo Antonioni. Le superbe film tourné par Gianni di Vinanzo raconte l'incommunication, l'isolation et la solitude le temps d'une nuit mélancolique où un couple se scinde. Chacun sur son île intime. On a tourné dans les quartiers de Lombardia et de Sesto San Giovanni pour ce film où, comme bien souvent chez Antonionni, le lieu est aussi un personnage.
City of God (Rio) de Fernando Meirelles. Voulant raconter les réalités de la dangereuse favella cidade de deus, on a pa pu tourner sur place, parce que je justement, c'était beaucoup trop dangereux. On a donc tourné dans un autre bidonville tout près, ce qui a attiré l'attention et a quand même rendu le danger réel. Mais on a intégré au tournage des vrais truands dans un Rio sale, dur, intense, mais qui contient aussi sa large part de beauté.
Manhattan (Manhattan) de Woody Allen. Encore Woody Allen, qui, avant d'être dépeint comme le pervers sexuel qu'il est peut-être, tournait tout à New York, d'où il vivait et qu'il aimait de toutes les pores de sa peau. Comme le titre l'indique son film, tourné par Gordon Willis, est une lettre d'amour à la ville qui était sienne. La séquence d'ouverture, sur la musique de Gershwin est dans la continuité de la lettre d'amour. J'adore aussi NY.
In Bruges (Bruges) de Martin McDonagh. Comme le titre l'indique, l'action du film se tient à Bruges, en Belgique, où des petits criminels irlandais se cachent de leur patron après quelques coups véreux qui aurait foiré à Londres. Délicieuse comédie noire qui offre l'action de son film presqu'entièrement en extérieur. Sous la caméra de Eigil Bryld.
The Commitments (Dublin) de Alan Parker. L'adaptation de l'hilarant livre de Roddy Doyle voit son action située dans le Nord de la capitale irlandaise. Le film a été tourné du mois d'août au mois d'octobre 1990, une splendide période dans l'année, pour un splendide film. Très drôle, voir touchant par moments, très musical et joué fort habilement par des non professionnels avec beaucoup de maîtrise. Cinématographie de Gale Tattersall.
Le Mépris (Capri) de Jean-Luc Godard. Tourné en partie aux studios de la Cinecitta de Rome mais mémorablement à la Casa Malaparte sur l'ìle de Capri, Raoul Coutard a tourné en cinémascope exposant de très jolies couleurs dans un film qui paraît ensoleillé mais aux esprits fort nuageux. Formidable film à mes yeux.
The Butcher Boy (Clones) de Neil Jordan. Le petit village tourné par Adrian Biddle raconte les évasions imaginaires d'un pauvre enfant de 12 ans mal entouré dans une région de l'Irlande peu enviable. En revanche, on y filme la misère de la rue et la folie de la créativité imaginaire avec brio.
L.A. Confidential (Los Angeles) de Curtis Hanson. Le rêve de l'âge d'or des années 20 et 30 passée au bulldozer de la corruption latente. Excellent film dans la caméra de Dante Spinotti. J'aurais aussi pu place Inherent Vice, couvrant aussi L.A. brillamment dans les années 60, mais plus près des plages. L.A. est partout au cinéma.
Chunking Express (Hong Kong) de Wong Kar-Wai. On découvrait le cinéaste en 1994 avec ce projet intime, largement improvisé, racontant deux versions de policiers vivant de graves ruptures amoureuses, l'un largué, l'autre endeuillé, et rencontrant de nouvelles partenaires intéressées. Ce qui nous intéresse aussi c'est le décor du grouillant Hong Kong, de nuit comme de jour. Habile cinématographie de Christopher Doyle et Lau Wai-Keung.
Brokeback Mountain (Kananaski, Elbow Falls, Fort McLeod & Calgary) de Ang Lee. On a voulu faire croire aux montagnes du Wyoming mais Ang Lee et son directeur photo Rodrigo Prieto on tout tourné au Canada. Le film, qui aurait dû être oscarisé en 2006 comme le meilleur de l'anneé, est une adaptation d'une nouvelle d'Annie Proulx.
Z (Athènes) de Costa-Gavras. Le film s'inspire librement de l'assassinat du politicien démocrate grec Grigoris Lambrakis 9 ans plus tôt et reste une critique ouverte de la junte occupant le gouvernement depuis. Nous sommes en 1969 et Athènes ne ressemble plus complètement à ça aujourd'hui, mais la caméra de Raoul Coutard (encore) nous faire vivre le pouls de l'agitée capitale.
Milk (San Francisco) de Gus Van Sant. Van Sant voulait justement tourner Brokeback Mountain avec Matt Damon mais celui-ci venait de tourner coup sur coup un film où il interprétait un gay, suivi d'un autre où il incarnait un cowboy et souhaitait autre chose. Van Sant a donc tourné la vie et la mort de Harvey Milk à San Francisco dans les années 70 avec Sean Penn et Josh Brolin. La ville de San Francisco, pour y avoir été en 1990, est extraordinairement filmable. Ses architectures, ses rues, la caméra de Harris Savides l'a bien saisi.
Lost In Translation (Tokyo) de Sofia Coppola. Le film de Sofia Coppola fonctionne comme un rêve. Une errance au Japon pour deux expatriés temporaires et égarés du coeur en mode aérien. Lance Acord montre un beau flair visuel. Le son est aussi formidablement bien travaillé dans cette ode au vagabondage citadin. Tokyo est aussi belle et fascinante qu'aliénante.
An Education (Londres) de Lone Sherfig. La page de journal intime de la journaliste Lynn Barber nous offre son passage à la vie adulte dans le swinging London des années 60. J'aurais aussi pu parler de Scandal de Micheal Caton-Jones qui rappelle les faits autour de l'affaire Profumo à la même période. Dans le joli film de 2009 mettant en vedette Casey Mulligan dans la peau de la jeune Lynn Barber, c'est la caméra de John de Borman qui nous présente les personnages et les décors.
L'Homme à la Caméra (Kiev, Krakov, Moscou, Odessa) de Dziga Vertov. Le film muet russe de 1929 ne met en scène aucun comédien(e). C'est un documentaire qui présente justement le quotidien des villes soviétiques nommées entre parenthèses. Ses rues, ses lieux de travail, ses machineries modernes pour l'époque.
Mentions plus qu'honorables:
Roma (Rome), Do The Right Thing (NY), Leolo (Montréal), Mémoires Affectives (Québec), À l'Ouest de Pluton (Banlieue de Québec), Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain (le quartier Montmartre, à Paris), Taxi Driver (NY), Chinatown (L.A.), Philadelphia (Philadelphie), Less Than Zero (Beverly Hills)
and so many more...
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