mercredi 7 août 2019

Chloe Ardelia Wofford (1931-2019)

Chloe était la seconde de 4 enfants. Maman est de l'Alabama et papa de Georgie. Quand papa a 15 ans, deux hommes d'affaires à la peau noire, sont pendus dans sa rue. Papa Wofford choisira de d'emménager tout le monde en Ohio. Dans la ville de Lorain en Ohio, où l'intégration raciale y est meilleure en général.

Chloe, jeune enfant, le propriétaire du logement familial y met le feu quand la famille n'arrive pas à honorer à temps les paiements pour le logement. Une fois tout le monde en sécurité, Papa et maman choisissent d'exploser de rire. Ça fait grande impression sur les enfants qui comprennent que face à la cruauté monumentale, il faut la narguer. Ils apprennent la dignité.

Ce qui, chez les gens noirs aux États-Unis, est un viol permanent depuis toujours.

Papa et maman raconte beaucoup d'histoires à leurs enfants, des contes mettant en vedette des noirs, la petite Chloe est 100% attentive. Ça lui donne aussi l'envie de la lecture assez tôt et elle lit Jane Austen ou Leo Tolstoy avant ses 12 ans. Une fois baptisée, elle le sera avec comme guide spirituel Saint Anthony. Dont le nom deviendra son pseudonyme d'écriture.

Elle sera brillante à l'école et ira même à l'université, ce qui reste rare pour une femme noire, en 1949. Très vite, elle fraie avec les intellectuels noirs de la Howard University. Mais continuant ses études à l'université de Washington D.C., elle fait face pour la première fois à la ségrégation dans les autobus et les restaurants. Elle gradue en Langue Anglaise en 1953 et complète une maîtrise à l'Université de Cornell, avec un traité sur l'aliénation chez Faulkner et Woolf.
 Elle enseignera l'anglais à la Texas Southern University de Houston, puis à la Howard University où elle fait la rencontre de Harold Morrisson, architecte jamaicain, qu'elle épousera et avec lequel elle aura deux enfants (divorçant enceinte du second en 1964).

Nouvellement célibataire, elle sera éditrice dans une sous-division de la maison d'édition Random House. Elle déménagera à New York, devenant la première femme noire à devenir éditrice sénior chez Random House, dans le département de la fiction.

Elle sera indispensable dans l'éclosion d'auteurs noirs comme les Nigériens Wole Soyinka et Chinua Achebe. Elle fait aussi découvrir le metteur en scène de théâtre sud-africain Athol Fugard. Elle parraine et diffuse une première génération d'auteure afro-Étatsunien avec Toni Cade Bambara, Angela Davis ou Gayl Jones. Elle sera la Femme derrière la publication mythique de l'autobiographie de Muhammed Ali, The Greatest. Elle publiera et fera la promotion du poète et romancier Henry Dumas, qui sera tué d'une balle dans le métro de New York. Pris pour un autre par un policier blanc.

Les morts de inutiles de gens noirs sont innombrables aux États-Unis. Ça leur fait la peau dure.

Son premier livre à elle sera lancé en 1970, sur l'histoire d'une jeune noire rêvant d'avoir des yeux bleus. Elle élève ses 2 enfants seule, et se lève à 4 heures du matin, pour écrire ce premier livre. Elle a 39 ans quand elle publie son premier livre.

Ce premier livre ne vend pas tant, mes ses contacts aux Universités en font une lecture pour leurs classes et elle est remarquée favorablement par Robert Gottlieb de chez Knopf, qui publieront la plupart des livres de Toni Morrison dans sa carrière.

Son second livre parle d'une amitié entre deux femmes noires. Elle édite et diffuse le livre The Black Book, en 1974, un important livre de photos sur l'histoire des Noirs aux États-Unis. En pleine révolution civile. Son troisième livre, Song of Solomon, la rend nationalement et internationalement célèbre. La Suède le citera en 1988. Elle sera honorée un peu partout pour sa plume.

En 1981, elle lance son quatrième livre racontant l'histoire d'une jeune mannequin et de son copain sans le sou, très à l'aise avec le fait qu'il a la peau noire. Un livre sur l'image de soi, en tant que noir.

2 ans plus tard, elle quitte le monde de l'édition pour se consacrer uniquement à l'écriture. Elle habitera un bateau, convertit en habitat, sur la rivière Hudson. Elle retourne faire l'enseignement à plusieurs universités et présente sa première pièce, Dreaming Emmett, sur la mort d'Emmett Till, en 1955.

En 1987, elle s'inspire de l'histoire vraie de Margaret Garner, qui avait échappé à l'esclavage, et qui, lorsque pourchassée par des chasseurs d'esclaves, aurait assassiné sa fille de 2 ans. Morrison raconte son histoire, découverte quand elle a fait la recherche sur The Black Book, en 1973, et invente le fantôme de la fillette pour pondre Beloved. Son chef d'oeuvre. Elle rafle une tonne de prix, dont le Pulitzer,

La seconde partie, de ce qui sera une trilogie, sera Jazz, lancé en 1992, écrit en rythme de jazz, sur un triangle amoureux dans la renaissance d'Harlem. Elle publie la même année son premier essai critique sur la présence afro-Étatsunienne en littérature Nord-Américaine.

Elle gagne le prix Nobel de littérature en 1993. La première et unique femme noire d'Amérique du Nord à se mériter ce prix. Le dernier livre de sa trilogie, Paradise, est lancé en 1997, sur la population d'une ville des États-Unis entièrement peuplée de gens noirs.

"Si vous ne trouvez pas l'histoire que vous auriez voulu lire, écrivez-là!" dira-t-elle.

À partir de 1996, l'effet Oprah se fait sentir. Elle a proposé dans son Book Club, le premier livre de Morrison, ce qui a fait vendre 800 000 fois. Elle fera la même chose avec Song of Solomon, 13 millions de gens ont visionné cet épisode. Les ventes ne sont pas connues, mais il dépassera le 7 millions.

La même Oprah met 10 ans pour que Beloved soit adapté en film. Si le film est un échec commercial, le résultat n'est pas mauvais du tout.

Winfrey proposera 4 autres de ses romans, ce qui moussera les ventes encore plus que son prix Nobel ne l'avait fait.

Dans les universités, on propose comme lectures obligatoires des hommes blancs, morts, Faulkner, Melville, Hawthorne ou Twain et une femme noire. Bien vivante. Toni Morrison. Qui offre une voix et un miroir aux noirs des États-Unis.

Elle offre une nouvelle vie à Beloved en opera. Elle lance son livre suivant en 2003, Love, sur un homme mort, un charismatique propriétaire d'hôtel, du point de vue des gens autour de lui, alors. Ça flirte avec le concept de Beloved. Elle écrit aussi un livre pour enfants sur les 50 ans de la fin de l'interdiction des mariages inter-raciaux.

En 2008, elle lance un livre situant son action dans les colonies de Virginie de 1682.

De 1989 à 2006, elle sera de l'élite titulaire de l'Université de Princeton.
Elle ne voulait pas entendre de ses élèves l'histoire de leur propre vie. Elle voulait de la fiction inspirée de la vraie vie, mais pas la leur. Dans le même ordre d'idée, elle n'écrira jamais de mémoires ou d'autobiographie.

Elle co-écrit des livres pour enfant avec son plus jeune fils. Celui décède du cancer du pancréas à 45 ans, en 2010.

Elle écrit Home, en 2012, sur un vétéran de la guerre de Corée, dans les États-Unis ségrégationnées des années 50, tentant de sauver sa soeur, sous l'emprise d'un docteur blanc la prenant comme cobaye.

God Help The Child sera son dernier livre, en 2015, sur une femme dans l'industrie de la mode dont la mère la tourmentait car elle a la peau foncée.

C'est une immense voix pour les Femmes et les afro-Étatsunienne, mais aussi simplement pour la littérature qui s'est éteinte hier matin.

Elle avait 88 ans.

And will be forever beloved.

Ironiquement, je vous parlais du monument Baldwin il y a 5 jours.
C'est un autre monument qui s'éteint.
Mais qui se rallume d'une page à l'autre dans tous ses écrits.

C'est la magie de l'immortalité de l'écrit.

Barrack Obama lui a écrit de touchants hommages sur les réseaux sociaux.
On avait oublié qu'un président des États-Unis pouvait être inspiré.

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