Papa et maman Ouimet seront d'origines modestes. Papa conduit un autobus, maman fait des ménages. On se servira de cette relative pauvreté pour expliquer que des filles (Lise a une soeur), ça n'a pas besoin d'aller à l'Université, on a pas de sous pour ça. Papa ne veut pas faire de favoritisme sexiste volontairement, ce n'est qu'un homme de son époque.
Lise est une femme extrêmement curieuse et très déterminée. Scolarisée à Montréal, elle fera de la radio à Rouyn-Noranda, Trois-Rivières, Québec, puis Montréal. Elle épouse, à 20 ans, le journaliste et animateur André Payette, duquel, elle est forcée, par les lois du mariage, de prendre le nom, qu'elle gardera toujours. Ils auront trois enfant, Daniel, un avocat, Dominique, une journaliste et Sylvie, une scénariste. De 1958 à 1964, elle est relationniste pour le syndicat des Métallurgistes Unis d'Amérique. Son goût pour la communication ne se dément pas.
À la radio de Montréal, son émission se nomme Place Aux Femmes. De 1965 à 1972. Elle y développe son talent d'intervieweuse. Elle collabore aussi de tant à autres à des magazines ou des revues. Elle accorde une importance aux Femmes que le Québec n'accorde pas encore complètement.
Elle sera choisie pour animer une émission de fin de soirée, trrrrrrrrrrrès en fin de soirée (23H à Minuit) et l'animera de 1972 à 1975. Appelez-Moi Lise, coïncide avec son divorce d'André Payette et le titre n'est pas innocent. Bien qu'elle ait gardé son patronyme, elle fait cavalière seule. Et à la télé, on la sent charmeuse auprès de ses invités, qui sont nombreux et tout aussi variés que la plupart des joueurs francophones du Canadien ou le Premier Ministre Pierre Eliott Trudeau. De 1967 à 1975, le jour de la St-Valentin, elle couronne en ondes le plus bel homme du Canada, en réponse aux concours de beauté féminins jugés tout aussi ridicules. On ne fait défiler personne en maillot de bain, mais on s'amuse beaucoup. En faisant co-animer Jacques Fauteux, comme second violon, elle inverse complètement les stéréotypes habituels de télévision. Ce sont des cotes d'écoute de plus d'une million (À 23H!!!!) qu'elle fera avec son émission. Un mémorable moment fera lancer Yvan Cournoyer sur une Lise Payette déguisée en Ken Dryden, toute habillée en gardienne de but.
Elle devient porte-parole , non officielle, des féministes Québécoises.
En 1975, on la choisit pour redéfinir la fête nationale Québécoise. La St-Jean sera historique. Fini les parades et bienvenue la grande fête fière.
Quelques semaines plus loin, elle joint les rangs du Parti Québécois. Elle sera bien en vue lors de l'éclatante victoire Péquiste de 1976. Elle sera élue dans la circonscription de Dorion cette année-là, et sera faite toute première ministre de la Condition Féminine dans le tout premier gouvernement Péquiste. Elle est aussi ministre de la consommation, des coopérative et institutions financières. Dans ce gouvernement dit "progressiste", elle sera l'unique femme ministre. Elle fera changer le terme générique disant automatiquement "le" ministre, même si on parle d'une Femme, par "la" Ministre. Elle fera une réforme favorisant la féminisation des titres. Ce n'est pas un dossier qu'elle aurait choisi d'attaquer par elle-même, mais René Lévesque lui fait travailler une réforme de l'assurance automobile. La résistance sera immense de la part des compagnies d'assurances qui voient quelqu'un toucher à leur mine d'or. Mais elle tiendra le cap fièrement et crééra la SAAQ. Notre système d'assurance automobile actuel. Sur nos plaques de voitures se lit "La Belle Province". Elle fait changer cela pour la devise Québécoise "Je me souviens".
Elle fera une réforme du droit de la famille, et du code civil. Plus aucune Québécoise n'est forcée de porter le nom de son époux, une fois mariée. L'indépendance de Madame Payette (qui ne redevient pas Ouimet pour autant), n'est pas que souhaitée pour un potentiel pays, elle souhaite aussi l'indépendance de la Québécoise d'Amérique. À partir de Lise, les noms de famille composés deviennent plus nombreux puisque l'on peut choisir de garder les deux.
Quand Jacques Parizeau présente un budget, il le faisait toujours avec beaucoup de bonhommie, d'humour et de charme, il était formidable à ce niveau, elle va le voir après sa présentation et lui donne 5$ en disant : "Moi je viens du monde du show business, et dans ce monde, quand on voit un aussi bon spectacle, c'est qu'on l'a payé!".
Pendant la campagne du référendum de 1980, elle fait tourner le vent des sondages en sa défaveur en sortant d'un de ses discours. C'est pourtant presque toujours en sortant de ses discours qu'elle est à son meilleur. Elle parle des femmes soumises au régime de pensée de leur mari qui voteraient sans réfléchir et parle d'elles comme des "Yvette", un personnage rétrograde d'anciennes scolarité. Une référence à la femme de Claude Ryan est suffisament claire pour que des centaines de femmes se révoltent et se réunissent pour voter "non". Ce n'est pas ce qui sera décisif dans le résultat final, mais le vent tourne au même moment.
Quand le référendum est perdu, elle est aux côtés de René, et encaisse si durement tout ça, qu'elle démissionne après un seul mandat.
Mais son retour à la télévision sera spectaculaire. Elle sera la scénariste et parfois productrice derrière le succès de séries télé comme La Bonne Aventure, puis Des Dames de Coeur, Un Signe de Feu et Les Machos. Des séries très populaires chez les baby boomers. Elle fondera sa propre maison de production: Point de Mire (clin d'oeil à son grand ami, René Lévesque). Elle scénarise, produit, souvent les deux. Elle sera l'auteure de la toute première quotidienne fictive, Marylin, dans les années 90. Elle scénarisa aussi la série Montréal, Ville Ouverte, sur les enquêtes de Pax Plante et de Jean Drapeau afin d'assainir Montréal dans les années 30.
Elle sera auteure de 10 livres, tous des essais. Elle sera aussi le sujet du film Disparaître. Dont elle choisit le réalisateur (Jean-Claude Lord) et la principale intervenante auprès d'elle (sa nièce adorée, Flavie).
Elle aura une tribune dans les journaux. Mais tard dans sa vie, elle dérape en voulant défendre l'indéfendable (la pédophilie de Claude Jutra).
Reste que si je suis né dans un monde où les chances ont toujours été égalitaires entre Hommes et Femmes, c'est en grande partie en raison des parents qui m'ont élevé, qui eux, suivaient des Femmes comme Lise Payette, qui disait: "Femme, tu as autant le droit que lui".
C'est une Femme unique qui est décédée avant-hier, tard, à 87 ans.
Si René Lévesque était le père du Québec moderne, Lise en était surement la mère.
Bonne nuit Miss Ouimet.
Et merci d'avoir fait de nous meilleures Femmes
Et de meilleurs Hommes.
Ironiquement, un clip qui passait beaucoup à la radio hier nous la faisait dire dans son émission Appellez-Moi Lise: "Ce soir nous accueillons René Lévesque et Gilles Pelletier..." le premier l'attend là-haut, le second est aussi décédé hier, au vénérable âge de 93 ans.
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