Je viens de terminer ce qui est de disponible de la série britannique Black Mirror sur Netflix.
4 saisons et un special de Noël depuis 2011. Du sacré bon matériel.
La série est l'oeuvre de Charlie Brooker, humoriste, satiriste, critique, journaliste, scénariste, producteur, animateur/présentateur et auteur. Brooker a mon âge. Et ça parait.
Black Mirror est une série qui explore la société moderne avec un regard acide et dystopique sur un monde anticipé dans 10 minutes, 10 ans, ou 50 ans encore. C'est de la science fiction fort agréable parce que largement inspirée de la technologie que nous connaissons souvent déjà et pas du tout axée sur le tape-à-l'oeil. La science-fiction parfois dérape et il est facile de s'y retrouver désorienté. Mais dans Black Mirror, les repères sont simples et faciles à ancrer en nous.
Si j'ai évoqué la génération de Brooker, qui est aussi la mienne, ce n'est pas par narcissisme. Ma génération, la X, qui a suivi celle des baby-boomers, est, je pense, la première à être née et à avoir grandie dans la complète égalité morale entre hommes et femmes dès son plus jeune âge. Black Mirror nous offre de très nombreux fameux personnages féminins, qui se démarquent, non pas parce qu'elles sont femmes, mais parce qu'elles sont humaines. Et bonnes (ou mauvaise). L'égale de l'homme. Ça m'a beaucoup plu.
Même chose pour l'équité raciale. La représentativité raciale de la série de 19 épisodes est un modèle que le Québec devrait imiter, parfois. Les émissions de Montréal, assurément.
L'Angleterre, où la majorité des épisodes ont été tournés, y est vivement représentée par ses multiples différentes races, et les rôles, encore une fois, ne sont pas déterminés par la race, mais par le personnage. Pas de stéréotypes. Le personnage noir ou indien, ne jouera pas une rôle " de noir ou d'indien" de service*. Ça donne une vision absolument mondiale et sans frontières à tous les épisodes. Ce que notre monde virtuel de nos jours permet tant: l'abolition de frontières.
Dans la série, on ne suit pas les personnages d'un épisode à un autre. Chaque épisode est comme un petit film en soi avec de nouvelles têtes, de nouveaux réalisateurs tournant des segments oscillant entre 41 minutes et 1h30 chacun. (bien que de nombreux clin d'oeil soient faits dans certains épisodes)
Voici les 19 épisodes, que je tenterai de ne pas vous divulgâcher, dans une ordre tout à fait personnel de ceux que j'ai le moins aimé au meilleur selon moi.
Je vous suggère fortement la série de 4 saisons et un special de Noël 2014.
19. Arkangel. Saison 4, épisode 2.
Jodie Foster réalise cet épisode et ce n'est pas une réussite. L'épisode raconte l'histoire d'une mère qui, après avoir craint perdre sa fille de 4 ans, investit dans une nouvelle technologie permettant de la surveiller en tout temps. Critique des dérives potentielles du contrôle parental, le sujet avait tout pour être très intéressant. Pourtant, on s'étonne d'y trouver des personnages très inutiles (le grand-père) et une fin extrêmement décevante.
18. Metalhead . Saison 4, épisode 5.
Épisode le plus court de la série, c'est aussi l'épisode au propos le plus absent. Une femme et deux amis, se rendent dans un entrepôt afin d'y voler une boîte qui pourrait venir en aide à des proches. Mais derrière la dite boite se trouve un chien robot terrifiant. Qui pourchassera sans pitié le trio pendant tout le reste de l'épisode. Je soupçonne qu'on ait tourné cet épisode en noir et blanc, toujours une agréable touche esthétique, simplement pour faire oublier que la trame narrative, se rapprochant du jeu video où on doit survivre à plusieurs tableaux, est quasi inexistante.
17. Playtest, Saison 3, épisode 2.
Un jeune homme, dont le père est décédé de la maladie d'Alzheimer, se voit offrir, en voyage, la chance de tester des jeux de réalité virtuelle axés sur les limites de la frayeur. Une interférence vient compliquer les choses. La fin est surprenante et assez réussie. Mais j'avoue avoir été relativement ennuyé par ce qui devait effrayer le personnage à l'écran, et ce qui ne me bouleversait pas du tout. Le personnage principal est joué par le fils de Kurt Russell et Goldie Hawn, Wyatt. Excellente performance pour un ancien joueur de hockey. J'ai peut-être moins aimé cet épisode parce que je ne suis pas, et n'ai jamais été un gamer.
16. 15 Million Merits, saison 1, épisode 2
Je soupçonne Brooker d'avoir placé comme second épisode, toujours son plus faible, afin de capitaliser sur le cotes d'écoute et le bouche à oreille de la première de chaque saison. (La première saison ne contenait que 3 épisodes).On pêche ici par ambition. On y raconte la vie d'un homme dans un monde d'omniprésents écrans de toute sorte. Il y passe ses journées à y faire du vélo stationnaire afin de gagner des "merits" (calque des "likes"). Il y fait la rencontre d'une jeune chanteuse qui passera dans le broyeur d'un jeu de concours de talent (calque de du talent à revendre ou American Idol). On semble avoir voulu en dire beaucoup, sur beaucoup, en trop peu de temps, forcément restant trop en surface partout. On largue même un personnage secondaire comme si on l'avait oublié au 3/4 de l'épisode. Épisode mettant en vedette Daniel Kaluuya (de Get Out) et Jessica Brown Findlay(de Downtown Abbey).
15. The Waldo Moment, saison 2, épisode 3
Un comédien minable se cache derrière un personnage virtuel grossier, abrasif et agressif dans un populaire show télé. Sa copine se présente aux élections locales et en pleine campagne, le personnage de Waldo agresse verbalement le candidat en voie de gagner. Le personnage de Waldo devient si populaire qu'il se présentera lui-même à la dite élection. Tout le grotesque potentiel de l'épisode est plus ou moins édulcoré avec le président des États-Unis actuel. Ce qui devait nous paraître absurde en 2013, l'est beaucoup moins aujourd'hui. L'idée de base reste très bonne et ferait un meilleur film qu'un épisode télé. Très actuel.
14. Hated in the Nation, Saison 3, épisode 6
L'épisode finale de la troisième saison dure 90 minutes. C'est le plus long. Fable sur la rage et l'intimidation virtuelle, l'épisode raconte l'enquête autour d'une série de meurtres suivant l'influence d'un hashtag quotidien votant le nouvelle personne la plus susceptible de mériter la mort, populairement. Mettant en vedette Kelly MacDonald (Trainspotting, Boardwalk Empire), la satire visant principalement le manque de discernement sur Twitter, Facebook, Ask et autres applications du genre, ainsi que nos complicités volontaires ou non dans les haines virtuelles, restera l'épisode des abeilles, mais reste un brin, inutilement trop long, selon moi.
13. White Bear, Saison 2, épisode 2
Encore légèrement sous la trame narrative du jeu vidéo de survie, une femme s"éveille pour réaliser qu'elle est littéralement chassée par un village entier. Les performances d'acteurs dans la série sont pour la plupart très impressionnantes, mais Lenora Crichlow offre ici très certainement la performance la plus épuisante qui soit. La meilleure selon moi, tout épisode confondu. La finale offre une solution justicière du futur fort impressionnante. Belle idée étendue jusqu'au générique.
12. White Christmas, Special de Noël 2014
Mettant en vedette John Hamm de Mad Men, Rafe Spall, et la petite fille de Charlie Chaplin, Oona, deux hommes se racontent, dans une cabane hivernale dans le bois, leur vie passée alors qu'ils travaillent ensemble, l'un beaucoup trop silencieux pour l'autre. L'un travaillait dans le domaine du flirt pour le système de contrôle visuel Z-Eyes (devenu illégal), tandis que l'autre a vécu une séparation difficile de sa femme, alors enceinte. Commentaire réussi sur le "bloquage" en général. Et son contraire. Trois actes: le premier racontant l'histoire du personnage de John Hamm, le plus verbomoteur des deux. Le second, racontant encore John Hamm dans une seconde vie d'employé d'un dérivé de Z-Eyes, dans l'intelligence artificielle, forçant Oona Chaplin à se soumettre à ses dires (Segment inégal). Et le dernier, racontant la triste histoire du second larron de la cabane dans le bois.
11. Men Against Fire, Saison 3, épisode 5
Habile fable anti-militariste, l'épisode raconte, dans un monde qui semble sur un pied d'alerte guerrier, l'histoire d'un nouveau membre d'une unité d'élite découvrant que la vision de l'ennemi n'est pas toujours celle que l'on vous prédit. Parenthèse intéressante sur la conception de la guerre et la perception de ce que l'on appelle "l'ennemi". Belles performances de Malachi Kirby, Micheal Kelly (de House of Cards), Madeline Brewer mais aussi beaucoup de Sarah Snook que je recasterais facilement ailleurs tellement ses courtes présences étaient convaincantes.
10. Black Museum, Saison 4, épisode 6
L'idée était bonne de faire une série de clin d'oeil aux 18 épisodes précédents. Épisode porte manteau, dévoilant de fabuleuses performances de la part de Douglas Hodge, Daniel Lapaine et un absolument charmant accent chez Letita Wright (excellente aussi), se présente sur trois vignettes, narrées par le personnage de Hodge dans un musée de l'horreur technologique devenue crime. L'acte deux, celui impliquant un singe en toutou, est très drôle et plein de possibilités. L'épisode est étonnamment comique dans le drame (Hodge surtout), mais comme les deux premiers segments étaient si bons, le dernier parait plus faible et frôle la parodie dans son dénouement.
9. San Junipero, Saison 3, épisode 4
Étonnant épisode où bien des indices sont révélés dans les titres de chansons utilisées, on y parle de transfert de conscience digitale et ça se passe en 1987. Surprenant pour une série qui nous parle des dérives potentielles de la technologie actuelle et du futur. Et pourtant, ça fonctionne merveilleusement. Entre autre, grâce à la chimie entre les excellentes Gugu Mbatha-Raw et Mackenzie Davis. Épisode fameusement nostalgique où l'esprit des années 80 est merveilleusement recrée, on y offre une rare résolution positive. Et un acte de foi légèrement spirituel.
8. National Anthem, Saison 1, épisode 1
Quelle manière formidable de lancer une série! Le tout premier épisode de Black Mirror parlait de chantage virtuel. Il raconte l'histoire du dilemme du premier ministre (excellent Rory Kinnear) que l'on oblige à enculer un porc en direct à la télé et sur tous les médias sociaux mondiaux sous peine de brutaliser une membre bien-aimée de la famille royale britannique, gardée en otage par des ravisseurs/maîtres-chanteurs.
7. Hang The DJ, Saison 4, épisode épisode 4
Selon un dogmatique système de rencontres (Tinder?, anyone), tous les couples ont dès le départ une date d'expiration. Frank & Amy remettent rapidement vite en question cette logique stérile. Charmant épisode, drôle, avec de magnifiques performances de Joe Cole et Georgina Campbell, et réalisé par celui qui a tourné The Sopranos pendant 7 ans, On y critique les sites de rencontres et les obligations morales que l'on s'inflige ainsi que les simulations amoureuses auxquelles on se prête parfois. Deuxième référence musicale (et audio) à The Smiths dans la série, ce qui n'était pas pour me déplaire non plus.
6. Crocodile, Saison 4, épisode 3
L'épisode repose beaucoup sur l'excellente performance d'Andrea Risebrough que l'on voit jeune et amusée, mère et femme professionnelle avisée, puis, peu à peu glissant dans une spirale infernale initiée banalement par une simple agente d'assurances et le nouveau système de mémoire visuelle partagée mis sur le marché. La femme que l'on voit en toute première image est une femme heureuse et pleine de vie, celle que l'on voit en toute fin est littéralement transformée. Semble tourné en Islande. L'épisode fait plusieurs clins d'oeil à d'autres.Somptueux décor hivernal. Plusieurs n'ont pas aimé Je loge ailleurs. Tout comme mon rapport avec l'hiver. J'aime.
5. The Entire Story of You, Saison 1, épisode 3
Seul épisode ni scénarisé, ni co-scénarisé par Charlie Brooker, c'est aussi l'un de ses meilleurs. Jesse Armstrong nous parle de jalousie, de mémoire virtuelle et de possibilités d'enregistrer en film à peu près tout de son oeil, à partir d'une puce implantée. Donc de révisionner, d'interpréter, réinterpréter et même peut-être altérer certains contenus. Et si tous ce que notre oeil était réellement enregistré pour la postérité? Mettant un vedette de brillants Toby Kebbell, la nouvelle Doctor Who, Jodie Whitaker et Tom Cullen. Habile. Intense. Enlevant. Dernier épisode de la première saison. We now wanted more.
4. Nosedive, Saison 3, épisode 1
Plusieurs n'ont pas aimé cet épisode, au héros pathétique et nettement plus drôle que la plupart. Mettant en vedette Bryce Dallas Howard, j'ai aimé la proximité du propos avec notre époque. car il m'a semblé que nous y étions presque déjà. Dans une société régie par la cote de popularité personnelle de son compte personnel (instagram?) une jeune femme veut faire monter sa cote pour obtenir l'appartement de ses rêves, quand une amie d'enfance, à qui elle vient de donner 5 étoiles sur son statut, lui demande d'être la fille d'honneur à son mariage. La chute sociale sera brutale. Tiré d'un script de Rashida Jones et Mike Schurr de The Office (USA). Aussi drôle que tragique. Et si près de notre société de "like", d'abonnés et de "followers". Pertinent.
3. USS Callister, Saison 4, épisode 1.
Peut-être un peu étiré dans ses scènes de poursuites, le tout premier épisode de la saison 4 est l'un des plus jouissif. Le premier 4 minutes est un parfait hommage à Star Trek, ou du moins, je le soupçonne, n'ayant jamais été un Trekkies. Un génie du codage de jeux, implique des clones de ses collègues de travail à même un jeu qu'il a créé, recréant un peu l'univers de Star Trek, afin de venger ses échecs sociaux au bureau. L'une de ses clones refuse son statut et bouleverse les plans prévus. Finale formidable. Avec Jesse Plemons (de Breaking Bad) une très intéressante découverte: Cristin Milioti et la voix d'un autre acteur de Breaking Bad en toute fin: Aaron Paul. La fiancée de Plemons, au quotidien, Kristen Dunst, sa partenaire de Fargo, y apparaît aussi si vous avez l'oeil averti. Beaucoup aimé. Beaucoup ri aussi. Inattendu. Je n'ai pas cessé d'applaudir.
2. Shut Up & Dance, Saison 4, épisode 3
Je suis surpris de voir bien des gens trouver que cet épisode soit l'un des pires. Mettant en vedette Alex Lawther (de The End of the F***ing World) et Jerome Flynn (de Games of Thrones), on y parle de chantage quand plusieurs pirates prennent plusieurs personnes en otage virtuel. Sous la menace de voir leurs vies ruinées par la mise en ligne d'informations compromettantes les concernant, on les oblige à suivre une série d'instructions absurdes et de plus en plus risquées. Descente aux enfers de gens, dont certains le méritaient peut-être.
1. Be Right Back, Saison 2, épisode 1
Lorsque j'ai vu cet épisode, j'ai arrêté d'écouter Black Mirror pendant 7 mois. Trouvant la barre maintenant trop haute. L'épisode raconte la parfaite fusion entre la paranoïa technologique et le drame humain. On y explore le retour de gens disparus dans nos vies et ses limites. Hayley Atwell (que j'ai toujours aimé) et Domhnall Gleeson (toujours aimé, aussi), sont extraordinaires dans leurs rôles. Remplaçant son amoureux, décédé précipitamment, par un clone synthétique identique, une jeune femme est désespérée de rencontrer celui qu'elle avait aimé avant, vivant. Mais tout ce que peut lui offrir l'androïde est une réplique, imparfaite, de l'autre. Romantique, tendre, dérangeant, épeurant, triste, l'épisode fait tout ce qu'un bon segment de sci-fi devrait faire selon moi: rendre le bizarre possible à croire. J'ai un scénario en banque depuis 1992 touchant étrangement les mêmes thèmes...
La férocité et la cruauté des médias sociaux, les abus technologiques, la machine contre l'Homme, l'introduction de nouveaux concepts, la construction d'un monde nouveau, d'un monde immersif, les punchs qui vous font crier de stupeur, les idées qui vous font penser plus loin que ce que vous voyez, voilà ce que réunit les 4 premières très bonnes saisons de Black Mirror.
Un miroir assez noir de nos dérives technologiques anticipées et parfois, réelles.
Tout est disponible sur Netflix.
(*à un épisode près, mais qui servait l'histoire )
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