Le film avait désorienté les spectateurs mais tellement plu aux critiques.
Le Cinema, à l'aurée du 21ème siècle, vivait quelque chose comme une crise existentielle. La télévision des Sopranos, Sex in the City, Six Feet Under et autres fameuses séries télés venait sérieusement le concurrencer. Aujourd'hui, les Don Draper, Jon Snow, Rick Grimes et autres Walter White ont bel et bien gagné la bataille et les films sont laissés aux amateurs de super héros ou de reprises.
Si la télévision n'est plus une forme d'art mineure, qu'en est-il vraiment maintenant du Cinéma?
Voilà pourquoi ce n'est peut-être pas une coïncidence que d'y retrouver un produit croisé entre la télé et le cinéma comme Mulholland Drive, voté comme meilleur film des 16 dernières années, par le BBC Critics' Poll. Le meilleur film du siècle jusqu'à maintenant. Le film avait pris racine dans un pilote pour une série télé qui avait été refusé, avant d'être retravaillé en long métrage.
Les problèmes avec la télé de Lynch, exposé à mêmes les images de Mulholland Drive, sont même un commentaire des machinations hollywoodiennes auquel Lynch a dû faire face,
Le film a pris naissance pendant le tournage de la série télé Twin Peaks. Lynch avait fait un pitch à ABC pour une série télé dès 1998, et la station lui avait donné le feu vert pour un pilote qui referait le coup du succès surprise de Twin Peaks. Mais la station est restée sur sa faim. À la livraison, Lynch offrait un épisode 37 minutes trop long, à la narration jugée confuse et contenant un gros plan d'excréments de chien. Le rejet d'ABC est alors devenu le projet du film au budget alors doublé.
L'une des multiples pistes narratives nous présente un homme difforme (acteur que l'on sait de petite taille) à la drôle de tête en chaise roulante, contrôlant Holywood de son bureau sombre et lugubre. Une autre piste nous montre un réalisateur à qui on impose une actrice dont il ne veut pas.
Infusant à la fois des commentaires pessimistes sur le milieu, tout en tournant des images séduisantes, Lynch créait un paquet cadeau fort séduisant pour les critiques. Ils pouvaient alors se tremper dans une sorte de rêve ambient tout en s'engageant dans un effort critique intellectuel sur les réalités hollywoodiennes.
Le derrière d'une carte de la St-Valentin pour Tinsel Town.
Le plus près que le film nous offre d'un personnage principal est celui de Betty (joué par la blonde Naomi Watts), une optimiste actrice, un brin naïve, se cherchant du travail à L.A. Elle fait toutefois la rencontre de la brune "Rita" (Incarnée par Laura Harring), une femme se relevant d'un accident de limousine sur Mulholland Drive et qui en restera amnésique. Rita n'est pas son vrai nom, mais comme elle ne s'en rappelle pas, en voyant une affiche du film Gilda mettant en vedette Rita Haywort en 1946, elle lui subtilise son prénom quand Betty le lui demande. La quête de Betty pour un rôle à Hollywood se déroule au travers de plusieurs vignettes, dont certaines ne durent que deux ou trois scènes.
Si Citizen Kane a été voté à maintes reprises comme le meilleur film du 20ème siècle (et de tous les temps), c'est parce que le film d'Orson Welles est un cours de cinéma pour les années à venir. Une leçon d'innovation sur les prises de vue, la mise en scène, le cadrage, le travelling, l'éclairage, la narration et les possibilités techniques. Le film de Lynch nous montre pour sa part toutes les possibilités conceptuelles et thématique et nous fait aussi la démonstration que les possibilités sont infinies.
Les thèmes de Lynch sont éclatés et tout ce qu'il y a de moins conventionnel. Une oreille dans le gazon d'une banlieue. Un homme au bar qui parle avec une voix de gazou et à l'envers, sans explication. Une femme au visage bouffi sortant du calorifère. Les rêves se matérialisent chez Lynch. Les bulles de pensées, un peu folles, prennent vie. Là où le film d'Orson Welles offrait indice de surréalisme avant d'y aller avec un peu de narration traditionnelle, Lynch maintient l'atmosphère surréaliste à un tel point que comme spectateur, on se sent sur un fil pendant deux heures.
Excitant.
C'est aussi ce qui a confondu la plupart des gens en 2001. Un célèbre critique disait du film "Il ne s'y trouve aucune explication et peut-être pas même un mystère".
On y trouve un clin d'oeil aux enregistrements de chansons des années 60, qui est à la fois kitch et sinistre. Le film est sans aucun doute exigeant pour l'amateur de film moyen. Des débuts de scène (2 hommes dans un bureau, dont l'un est un tueur à gage, 2 hommes dans un Diner: un patient et son psy, la femme d'un réalisateur, agressive et trompeuse) nous promettent beaucoup, mais sont aussitôt avortées comme si c'était des tumeurs cancéreuses. Vers la moitié du film, Betty semble se réveiller d'un rêve et devient sans explication, la taciturne actrice ratée Diane. Même traits, différent personnage. Elle s'est réinventée? Nous sommes projeté dans le futur? La ligne du temps est cubiste.
De petites scènes se plaquent dans notre mémoire de manière formidable. Donnant au film texture de mosaïque. La scène du club Silencio est fantastique.
Un exercice des sens autoréflexif soulevant le chapeau du film pour nous y montrer la mécanique du film que nous sommes en train de regarder.
Dans la scène, un maître de cérémonie nous dit en espagnol (il parle même toutes les langues) qu'il n'y a pas de band (musical) mais qu'on l'entendra. Il nous présente même un joueur de trompette faisant semblant de jouer. Voulant ainsi annoncer que tous les sons entendus sur la chanson qui sera chantée, seront préenregistrés, Ils semblent vrais, mais il s'agit d'une illusion. Nous sommes ensuite servie d'une très sentie interprétation de Crying de Roy Orbison en espagnol par Rebekah Del Rio, qui s'effondrera d'intensité et en mourra en fin de chanson, puis trainée hors de vue. L'effet est troublant pour les personnages qui sont dans la même position que nous, spectateurs. Une trompette apparaît en suspension ("il n'y a pas de band") mais nous ne l'entendons pas.
La magie des rêves, la magie des films côte à côte. Le rappel de la manipulation des sens. L'illusion.
Mulholland Drive a repris, là où Citizen Kane avait laissé.
Dans la neige de la boule magique qui tombait au sol sur les mots "rosebud".
Dans les flammes qui brûlaient le morceau de bois sur lequel était inscrit "rosebud".
Dans la magie des films.
Le film a été dédié en 2001 à l'actrice et assistante personnelle Jennyfer Syme qui venait tout juste de se tuer, intoxiquée au volant, en revenant d'un party chez Marilyn Manson sur Cahuenga Boulevard en Californie. Syme avait été actrice pour Lynch dans Lost Highway, son film précédent.
Étrangement, la première scène de Laura Harring évoque presque ce même moment...
Mais Lynch et l'étrange ont toujours fait bonne paire.
Ce film est toujours un de mes plus intéressant voyage,
Le Cinema, à l'aurée du 21ème siècle, vivait quelque chose comme une crise existentielle. La télévision des Sopranos, Sex in the City, Six Feet Under et autres fameuses séries télés venait sérieusement le concurrencer. Aujourd'hui, les Don Draper, Jon Snow, Rick Grimes et autres Walter White ont bel et bien gagné la bataille et les films sont laissés aux amateurs de super héros ou de reprises.
Si la télévision n'est plus une forme d'art mineure, qu'en est-il vraiment maintenant du Cinéma?
Voilà pourquoi ce n'est peut-être pas une coïncidence que d'y retrouver un produit croisé entre la télé et le cinéma comme Mulholland Drive, voté comme meilleur film des 16 dernières années, par le BBC Critics' Poll. Le meilleur film du siècle jusqu'à maintenant. Le film avait pris racine dans un pilote pour une série télé qui avait été refusé, avant d'être retravaillé en long métrage.
Les problèmes avec la télé de Lynch, exposé à mêmes les images de Mulholland Drive, sont même un commentaire des machinations hollywoodiennes auquel Lynch a dû faire face,
Le film a pris naissance pendant le tournage de la série télé Twin Peaks. Lynch avait fait un pitch à ABC pour une série télé dès 1998, et la station lui avait donné le feu vert pour un pilote qui referait le coup du succès surprise de Twin Peaks. Mais la station est restée sur sa faim. À la livraison, Lynch offrait un épisode 37 minutes trop long, à la narration jugée confuse et contenant un gros plan d'excréments de chien. Le rejet d'ABC est alors devenu le projet du film au budget alors doublé.
L'une des multiples pistes narratives nous présente un homme difforme (acteur que l'on sait de petite taille) à la drôle de tête en chaise roulante, contrôlant Holywood de son bureau sombre et lugubre. Une autre piste nous montre un réalisateur à qui on impose une actrice dont il ne veut pas.
Infusant à la fois des commentaires pessimistes sur le milieu, tout en tournant des images séduisantes, Lynch créait un paquet cadeau fort séduisant pour les critiques. Ils pouvaient alors se tremper dans une sorte de rêve ambient tout en s'engageant dans un effort critique intellectuel sur les réalités hollywoodiennes.
Le derrière d'une carte de la St-Valentin pour Tinsel Town.
Le plus près que le film nous offre d'un personnage principal est celui de Betty (joué par la blonde Naomi Watts), une optimiste actrice, un brin naïve, se cherchant du travail à L.A. Elle fait toutefois la rencontre de la brune "Rita" (Incarnée par Laura Harring), une femme se relevant d'un accident de limousine sur Mulholland Drive et qui en restera amnésique. Rita n'est pas son vrai nom, mais comme elle ne s'en rappelle pas, en voyant une affiche du film Gilda mettant en vedette Rita Haywort en 1946, elle lui subtilise son prénom quand Betty le lui demande. La quête de Betty pour un rôle à Hollywood se déroule au travers de plusieurs vignettes, dont certaines ne durent que deux ou trois scènes.
Si Citizen Kane a été voté à maintes reprises comme le meilleur film du 20ème siècle (et de tous les temps), c'est parce que le film d'Orson Welles est un cours de cinéma pour les années à venir. Une leçon d'innovation sur les prises de vue, la mise en scène, le cadrage, le travelling, l'éclairage, la narration et les possibilités techniques. Le film de Lynch nous montre pour sa part toutes les possibilités conceptuelles et thématique et nous fait aussi la démonstration que les possibilités sont infinies.
Les thèmes de Lynch sont éclatés et tout ce qu'il y a de moins conventionnel. Une oreille dans le gazon d'une banlieue. Un homme au bar qui parle avec une voix de gazou et à l'envers, sans explication. Une femme au visage bouffi sortant du calorifère. Les rêves se matérialisent chez Lynch. Les bulles de pensées, un peu folles, prennent vie. Là où le film d'Orson Welles offrait indice de surréalisme avant d'y aller avec un peu de narration traditionnelle, Lynch maintient l'atmosphère surréaliste à un tel point que comme spectateur, on se sent sur un fil pendant deux heures.
Excitant.
C'est aussi ce qui a confondu la plupart des gens en 2001. Un célèbre critique disait du film "Il ne s'y trouve aucune explication et peut-être pas même un mystère".
On y trouve un clin d'oeil aux enregistrements de chansons des années 60, qui est à la fois kitch et sinistre. Le film est sans aucun doute exigeant pour l'amateur de film moyen. Des débuts de scène (2 hommes dans un bureau, dont l'un est un tueur à gage, 2 hommes dans un Diner: un patient et son psy, la femme d'un réalisateur, agressive et trompeuse) nous promettent beaucoup, mais sont aussitôt avortées comme si c'était des tumeurs cancéreuses. Vers la moitié du film, Betty semble se réveiller d'un rêve et devient sans explication, la taciturne actrice ratée Diane. Même traits, différent personnage. Elle s'est réinventée? Nous sommes projeté dans le futur? La ligne du temps est cubiste.
De petites scènes se plaquent dans notre mémoire de manière formidable. Donnant au film texture de mosaïque. La scène du club Silencio est fantastique.
Un exercice des sens autoréflexif soulevant le chapeau du film pour nous y montrer la mécanique du film que nous sommes en train de regarder.
Dans la scène, un maître de cérémonie nous dit en espagnol (il parle même toutes les langues) qu'il n'y a pas de band (musical) mais qu'on l'entendra. Il nous présente même un joueur de trompette faisant semblant de jouer. Voulant ainsi annoncer que tous les sons entendus sur la chanson qui sera chantée, seront préenregistrés, Ils semblent vrais, mais il s'agit d'une illusion. Nous sommes ensuite servie d'une très sentie interprétation de Crying de Roy Orbison en espagnol par Rebekah Del Rio, qui s'effondrera d'intensité et en mourra en fin de chanson, puis trainée hors de vue. L'effet est troublant pour les personnages qui sont dans la même position que nous, spectateurs. Une trompette apparaît en suspension ("il n'y a pas de band") mais nous ne l'entendons pas.
La magie des rêves, la magie des films côte à côte. Le rappel de la manipulation des sens. L'illusion.
Mulholland Drive a repris, là où Citizen Kane avait laissé.
Dans la neige de la boule magique qui tombait au sol sur les mots "rosebud".
Dans les flammes qui brûlaient le morceau de bois sur lequel était inscrit "rosebud".
Dans la magie des films.
Le film a été dédié en 2001 à l'actrice et assistante personnelle Jennyfer Syme qui venait tout juste de se tuer, intoxiquée au volant, en revenant d'un party chez Marilyn Manson sur Cahuenga Boulevard en Californie. Syme avait été actrice pour Lynch dans Lost Highway, son film précédent.
Étrangement, la première scène de Laura Harring évoque presque ce même moment...
Mais Lynch et l'étrange ont toujours fait bonne paire.
Ce film est toujours un de mes plus intéressant voyage,
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