lundi 29 août 2016

Homards à Ahuntsic (en Fugues)

Par le biais d'amis, on a obtenu mercredi dernier des billets pour aller assister à un concert de musique classique dans une église.

Je suis assez peu connaisseur en musique classique, mais déjà plus que l'amoureuse. Je connais quelques noms. Je peux dire que j'ai un (faible) penchant pour le baroque et les Allemands. Wagner, Bach (la famille élargie), Beethoven. J'allais être servi ce soir-là, sur trois auteurs on allait me présenter deux Allemands: Brahms et Bach.

"PFF! De quoi tu parles, Pa?"
Mais nous y allions moins pour la musique que pour le changement d'air. Au sens propre comme au sens figuré. Je ne sais pas si c'est la vie qui s'est accélérée ou si j'étais tout simplement surhumain il y a trois semaines, mais je n'ai jamais été aussi occupé que depuis que je ne travaille plus de nuit. Avec les doubles rentrées scolaires, au CEGEP pour Monkee et en secondaire II pour Punkee, j'ai beaucoup fait de taxi. En brûlant du pétrole ainsi j'ai aussi brûlé beaucoup de temps. Et je ne me rappelais plus comment on était plus ou moins organisé à 13 et 17 ans. Mes enfants me l'ont rappelé et j'en ai beaucoup fait les frais. Un exemple? retourner sur le lieu scolaire deux heures plus tard afin de récupérer le linge sportif de Monkee qui ne savait pas où se trouvait sa case et qui n'arrivait pas à joindre son partenaire de case, un jour trop tard.

Bref, le soir du spectacle, l'amoureuse et moi nous sommes rendus dans un coin de Montréal assez joli parce que caché du chaos associé au secteur. L'église était vieille de 280 ans, ce qui lui donnait inévitablement un cachet particulier. Nous sommes arrivés assez tard, mais la nuit était si chaude et belle, la marche, que le stationnement éloigné a obligé, n'en était que plus agréable. Dans l'église, nous nous sommes étonnés de trouver deux places sur la rive gauche juste assez bien placées derrière deux têtes de petites dames pour que l'on voit bien. On a aussi compris que de toute l'église, cet endroit était le seul dont les fenêtres ne s'ouvraient pas et il n'y avait aucun système d'aération. De là, probablement, la disponibilité des places.

L'endroit était majoritairement peuplé de têtes grises. Très majoritairement. Sur le boulevard où se tient cette église, existe facilement une dizaine de foyer de personnes âgées. Des gens qui, souvent, portent un véritable amour pour la musique classique. Nous étions prêts à être séduits. Les deux dames (âgées) devant en était aussi à leur premier concert classique, je l'ai compris en les entendant parler entre elles.

Dès le départ, j'ai été conquis. un organiste, (Marc-André Doran)travaillant avec Alain Lefèvre, entre autre chose, nous as joué les préludes de chorales Opus 122, après nous avoir habilement servi la petite histoire autour du morceau et de l'auteur (Brahms).

Toutefois, il faisait une chaleur tout ce qu'il y a des plus grotesques. Un vrai four. j'étais content d'avoir pris un programme pour chacun de nous deux afin que l'on puisse tous les deux s'en faire des auvents improvisés. C'était tout simplement suffocant.

Quand est apparu le quintette pour interpréter encore Brahms, mais cette fois pour clarinette et cordes Opus 115, j'étais maintenant perdu. L'eau me perlait sur les temps comme si je fondais sur place. J'étais en chemise et j'ai dû rouler mes manches car je mouillais de partout. Je me ventilais absolument sans arrêt en déplaçant lentement ma tête vis à vis l'auvent que je me faisais du programme, lentement comme l'aurait fait la tête d'un ventilateur balayant de gauche à droite. Mes deux oreilles étaient chaudes comme si le soleil plombait dessus et il glissait de longues gouttes dans mon dos. J'étais si déconcentré par des frayeurs d'évanouissements, (trois aînés ont d'ailleurs dû quitter), que j'envoyais à mes enfants par texto l'ordre de se baigner dans la piscine pendant que l'on carbonisait ici. J'ai jeté un oeil vitreux à l'amoureuse qui était rouge comme un homard. En revanche, elle était en petite robe d'été et les épaules dégagées. Elle souffrait moins que moi et se moquait bien de ma condition.

À la pause, la marche dehors était nettement nécessaire, ne serais-ce que pour éponger nos visages et essorer nos chemises.

Au retour Bach à l'orgue de Doran m'a reconquis. L'amoureuse a préféré le quintette à cordes. Pendant Bach, interprété par Doran, j'en oubliais presque que je cuisais dans une marmite à homard. Sans m'en rendre compte j'avais complètement déboutonné ma chemise. L'amoureuse m'a dit: "on dirait que tu sors d'un match de hockey que tu aurais joué..."

Doran (et Bach) me réconciliaient avec le moment.

Le programme se terminait par Schubert en quintette. On y avait lu un seul titre, Nous étions relativement contents de deviner que le concert se terminerait vers 22h10. Pas parce que la musique ne nous plaisait pas, mais cette fuyante gouttière qui se déversait de mon crâne à mon nez, de ma temps à mon oreille, de mon torse à mon pubis...Non, c'était trop, nous aurions été dans un sauna qu'il n'aurait pas fait plus chaud. Après le premier mouvement, les gens ont applaudi, mais il y avait un second mouvement...suivi d'un troisième, dans lequel, plusieurs personnes en ont profité pour se pousser le plus discrètement possible afin d'éviter de s'évanouir d'un coup de chaleur. Quelqu'un a même applaudi trop vite dans un silence du mouvement, entraînant tout le monde dans les applaudissements, ce qui a créé un certain inconfort. Il y a eu un 4ème mouvement. Une femme s'est évanoui et on l'a traînée dehors pour la ranimer. Il y a eu une légère commotion derrière, mais le quintette a été inébranlable et a tenu la note parfaite. La dame était hors de danger. Puis au cinquième mouvement, un cri...tout juste devant moi, une des deux dames me regardait en criant comme si j'étais soudainement nu.

CHRIST J'ÉTAIS  BIEN NU!!!!!!!!!!!!
Je m'étais entièrement déshabillé par réflexe vital.

Il faisait si chaud que je n'en pouvais plus, j'étais en mode survie et je n'ai que 44 ans. Comment faisaient toutes ses vieilles gens? Étaient-ils tous morts?

On a fugué par la force des choses, de peur d'être accusés de grossière indécence.

Je n'ai pas osé dire à la dame qui criait :
"Vous n'étiez pas prête à être séduite vous aussi pourtant?".

J'ai eu le temps de mettre mes souliers mais pas le reste. L'amoureuse a tenté de me couvrir, mais ce faisant, c'était elle qui était maintenant nue et quelques hommes ont trouvé tout ça intéressant. Le ciel nous as écouté, une fine pluie est venu nous rafraîchir les sens.

Nous avons quitté au début du 5ème mouvement, en insultant pas nos amis, nous le souhaitons.

On les appelle pour s'excuser depuis, mais une voix de fausset nous dit que nous faisons erreur de numéro.

...pourtant dans mon carnet de # de téléphone, il me semble bien que..

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