samedi 8 septembre 2012

Clochards Célestes

Avant il n'y avait que moi qui utilisait l'internet chez nous.

Pour le plaisir mais aussi, surtout, pour mon travail de traducteur.

Maintenant nous sommes trois très actif sur le net.
-L'amoureuse, qui découvre Facebook depuis qu'elle s'est achetée un Ipad
-Monkee, l'ado, qui regarde des vidéos pas toujours utiles sur Youtube sans arrêt et qui écoute sa musique là-dessus par dessus le marché (Itunes j't'ai dis!!!).
-Et moi. Qui écrit, recherche, traduit, courrielise et erre aussi.

Punkee est plus raisonnable.
Yet! elle n'a que 9 ans! mais avec 3 colleux d'écran ça ne saurait tarder!

C'est beaucoup trop de monde pour notre triste bande passante jaune et brune de 50G. Et tout à fait impossible à gérer. Qu'est-ce qui me donne le droit d'interdire à mon fils de regarder son vidéo con alors que ceux que je visionne ne sont pas toujours nécéssaires non plus?

Nous avons dû choisir de payer 5$ de plus par mois depuis deux mois afin d'avoir une extension mensuelle continue jusqu'à 70G chaque mois. Mais encore, là, je travaille désormais le plus souvent possible à la bibliothèque locale, que je visitais déjà plus souvent qu'autrement, ne serais-ce que pour leur voler leur signal internet.

J'ai mon coin à moi tout seul et c'est presque mon bureau attitré. Ainsi, on ne défonce jamais notre limite et en plus, ça change le décor de ma maison. Je suis forcé de ne plus travailler à moitié nu. Ou saoûl. J'y suis si régulièrement que mon 8 heures par jour, je le fais aux côtés des employés de la bibliothèque dont certains me considèrent des leurs et me saluent quoitidiennement puisque j'entre "au bureau" et quitte à la même heure qu'eux.

J'ai pu observer sur place que les 2/3 des usagers de la bibliothèque y viennent pour justement utiliser l'accès gratuit à l'internet. Beaucoup de gens d'origine étrangère.

Ça donne une galerie de personnage intéressant. Il y a entre autre cette femme, ittinérante, qui dégage une très forte odeur, qui vient se coucher sur la chaise face à moi, de l'autre côté du cubicule qui complète mon "bureau". Elle a toujours une demie-douzaine de sac de plastique avec elle. Sa maison toute emballée, je crois. Je ne la vois pas, mais je la sens drôlement. Et l'entend ronfler quelques fois. Je la réveille aussi sans le vouloir quand j'étire mes jambes jusque de son côté et accroche ses pieds croisés dans des godasses sales et puantes.

Ça ne m'écoeure pas, je trouve ça drôle puisque je suis moi-même aussi, en quelque sorte, un clochard céleste à glaner un espace de travail et de la bande passante.

Il y aussi cette nouvelle employée, une jeune femme qui ressemble à s'y méprendre à une fille que mes parents ont gardé en famille d'accueil quand j'ai quitté la maison à Québec en 1991. Elle avait alors 9 ans. Cela lui donnerait alors 30 ans aujourd'hui. Les chiffres concordent. Je n'ose pas lui demander si elle s'appelle bien Rapuntzel Collin. Comme elle voit mon nom quand j'emprunte du matériel, elle aurait déjà réagi il me semble. Des Jones, il n'en pleut pas au Québec.

J'ai beaucoup maigri récemment, mon linge m'est alors devenu légèrement trop grand. J'avais les mains pleines l'autre tantôt et portait des bermudas dans lesquels j'ai choisi de placer, en me rendant à mon poste habituel, un ipod, un iphone et une bouteille de thé glacé. Comme j'avais aussi omis de placer une ceinture autour de ma taille, après trois pas, avec une valise à ordinateur dans une main et des livres dans l'autre, mon bermuda est descendu jusqu'à mes chevilles, me faisant du coup planter en pleine face...en boxer.

Tout juste devant celle que je crois être Rapuntzel Collin qui a accouru vers moi afin de s'assurer que tout allait bien.

J'ai senti une fraicheur sur mes fesses, j'ai vite compris que mes boxers étaient aussi troués. Comme si j'avais eu peur que mes couilles ou mon bambou pendent de mes sous-vêtements en me levant j'ai choisi, bêtement je sais, de rester dans ma position d'albatros aplati au sol.

"Ça va monsieur...vous pouvez bouger?"
"Oui mais j'aimerais que vous vous éloigniez svp"
"euh...je...oui...vous êtes sur que vous n'avez pas besoin d'aide?"
"T'appelles-tu Rapuntzel Collin?"
"Hein?...non...je m'appelle Marianne-Sophie Dion-Ricard-Mêdon-Dubois-D'Poirier-Danlfeu-Kongelpâ-stiver."

Elle m'avouait sans le savoir qu'elle était peut-être plus jeune que les 30 ans que je lui prêtais. De l'époque des gens qui forment des familles pour mieux les faire exploser. Ou qu'elle avait fait vraiment beaucoup de familles d'accueil elle-même.

J'étais maintenant debout à lui expliquer que je l'avais peut-être prise pour une autre auquelle elle ressemblait beaucoup. Je notais le désarroi dans ses yeux, explicable par le fait que ça m'a pris quatres bonnes minutes à réaliser que je n'avais pas encore monté mon bermuda et que le thé glacé avait dispersé son contenu partout au sol, mais surtout sur le devant de mon caleçon donnant une impression désagréable d'incontinence.

Non franchement, j'avais déjà paru mieux.

J'ai conclu en deux temps trois mouvements.

"Vous savez quoi? je vais allez retrouver mon amie Mado là-bas" et j'ai pointé l'ittinérante qui ronflait dans le parfum putréfactoire qui a lui seul assure la paix totale autour.

Ça tombe bien j'ai le nez bouché et ne sent rien.

Et j'ai la paix absolue.

Prochain coup je viens "au bureau" à pied.
Question de pouvoir arriver saoûl.

Et rendre ces moments-là beaucoup plus légitimes.

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