lundi 15 mars 2010

L'Homme qui Plantait des Femmes


Je n'ai jamais complètement compris ce qui faisait de Truffaut, l'homme admiré de tant de cinéastes.

Outre Les 400 Coups et Jules & Jim, Truffaut m'a toujours paru surévalué. On semble avoir donné beaucoup d'espace au personnage Truffaut dans la vie, un réel passionné, mais si on n'y regarde que ses films, plusieurs ont très mal vieilli.

Au cours des années, afin d'essayer de saisir le cinéaste et par curiosité, j'ai visionné 14 de ses 20 films. Étudiant en cinéma à l'époque je m'étais aussi tapé un livre de 576 pages de Serge Toubiana & Antoine De Baeque sur la vie du bonhomme.

Aujourd'hui, grève scolaire oblige, pour m'occuper je me suis farci L'Homme qui Aimait Les Femmes.

Film dont le titre est en totale contradiction avec son contenu. L'Homme qui Plantait des Femmes ou l'Homme qui Désirait Toutes les Femmes aurait été beaucoup plus approprié.

Dans ce film de 1977 nous suivons un dragueur en série qui désire systématiquement TOUTES les femmes autant qu'elles sont. Rarement Truffaut n'aura tourné un film marchant autant sur la mince ligne de la pornographie qu'ici. La Peau Douce, son film de 1964, racontait l'idylle d'un homme d'âge mûr, obsédé par les bas nylons et qui les imposaient à une jeune conquête (la décorative Françoise Dorléac de 1963). Il y avait un lourd sentiment de malaise tout au cours de ce film où on avait l'impression de patauger dans les fantasmes trop intimes et plus ou moins malsain d'un homme.

Dans le film L'Homme Qui Aimait Les Femmes, nous avons le même sentiment de malaise.

On nous filmera des fesses culottées en gros plan, des tonnes de mollets qui trottent au bas d'une jupe et une actrice qui, en quatre scènes, est seins nus trois fois. Le générique de fin se lit aussi sur une procession de mollets féminins se dandinant sous les écritures.

Truffaut n'aime pas les femmes. Il aime les conquérir, les désirer, frotter sa peau contre la leur. Il ne traite les femmes que comme des ampoules qui attendent d'êtres allumées par des gestes de séduction.

Et il y a là, dans la manière, un autre malaise majeur.

La manière dont notre protagoniste s'y prend pour approcher ses conquêtes seraient aujourd'hui traités comme du harcèlement. Il est vrai que nous sommes en 1977 et que les rapports hommes/femmes sont très différents des nôtres en France mais Truffaut fais faire des choses inquiétantes à son cavaleur joué par Charles Denner.

Il suit des femmes désirées dans les centres d'achats, il suit aussi des inconnues en voiture...creepy...Afin de pourchasser une jeune fille dont il a eu envie des mollets en la croisant dans une blanchisserie, il fait volontairement un accident de voiture et ment sur l'identité de celle qui aurait démoli l'aile de sa voiture. Il a en fait pris la plaque d'immatriculation de celle dont il désirait les mollets et a retracé ainsi la jeune fille...séduite par le stratagème déployé pour lui parler...(!!!)
Il collectionne les images de belles femmes et empile dans une commode les lettres de ses femmes qu'il ne rappelle pas après transmission des fluides. Il catégorise les femmes en "petite pomme" ou en "grande tige", selon leur profil physique, car leur profil psychologique ne l'intéresse pas. Il y a une misogynie inconsciente dans ce film qui fait mal. Le personnage va même dire à une ancienne conquête qui l'invitait à parler entre amis qu'il n'a rien vraiment à dire.

Bien sûr, ce qui l'intéresse lui, c'est vider son robinet.

C'est certain, soyons honnête, chez l'homme il y a de ses fois où c'est juste ça qui compte: dégainer. Mais pas tout le temps. Et faire de son personnage principal un homme dont la femme n'est que poupée gonflable, c'est pas super sympathique. On lui souhaite du mal à ce type sur deux heures. Et on veut les secouer les linottes qui se prêtent à son jeu.

De plus, Truffaut nous place tout-à-coup son personnage comme un potentiel écrivain, ce qui est toujours souffrant au cinéma. C'est pas super visuel un écrivain. C'est suffisant. Ça a été vu 4000 fois (peut-être pas en 1977 par exemple je l'accorde)

Une scène pointe une piste intéressante. Une femme se fait virer de son travail de serveuse car un nauséabond client lui détache toujours son tablier. Elle n'aime pas ça et il la harcèle visiblement. Une fois de trop, quand il lui détache son tablier à son insu, elle lui fait une prise de karaté qui le catapulte sur la table voisine. Elle perds son emploi sur-le-champs mais notre protagoniste principal, témoin de la scène, lui offre tout de suite un emploi comme secrétaire à son laboratoire. Il se questionne sur le fait que, puisqu'ils ne se sont jamais ouvertement désirés, peut-être que la simple amitié homme/femme est possible?

Mais cette piste reste inexplorée par la suite.

Il pousse même le dérangeant jusqu'à inviter une charmante babysitter chez lui sous prétexte qu'elle garderait son bébé en plastique caché dans les draps, draps au travers desquels il compte danser avec elle.

La fille est...charmée...

Vous savez comment il meurt notre bonhomme à la fin?

Allez je vous gâche la fin et je vous le dit:
Il est une première fois très magané par une voiture qui le frappe alors qu'il traverse la rue pour pourchasser une inconnue (qui n'en saura rien) duquel il est tombé amoureux des mollets puis, il meurt à l'hôpital en se débranchant lui même en tendant les bras de désir vis-à-vis les cuisses d'une infirmière qui, dans la lumière, lui apparaissent appétissantes.

C'est à mourir de rire.

Et c'est peut-être ça au fond que Truffaut voulait nous dire.
Ce type de comportement doit mourir.

Ouais, absolument.

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