Son ami Brian DePalma lui suggère alors Paul Schrader à la scénarisation. Schrader est tranquillement la saveur du jour, le scénario qu'il a co-écrit avec son frère Leonard qui deviendra The Yakuza, sera un script que les studios s'arrachent en misant toujours plus pour le faire. Mais si Sidney Pollack n'arrive pas à maitriser un Robert Mitchum beaucoup trop alcoolisé pendant le tournage, et que le film sera plutôt un échec, le nom de Schrader circule favorablement dans les cercles des initiés. Quand Scorcese se pointe à L.A. pour le rencontrer, ils ne trouvent ni DePalma, ni Schrader. Qui se sont alors isolés pour concocter ensemble, Obsession, le prochain projet de DePalma. Que Schrader signera.
Quand un autre projet de Schrader tombe entre les mains de Scorcese, Taxi Driver, DePalma l'a déjà lu. Mais a choisi de ne pas le faire. DePalma devient ami de Schrader peu de temps après que celui-ci, critique de cinéma, eût fait l'éloge de son film Sisters. DePalma, ne voulant probablement pas admettre ne pas avoir eu de flair, dira qu'il trouvait Taxi Driver "trop peu commercial", lui qui avait besoin d'un succès après le relatif échec de Phantom Of Paradise. Argument absurde puisque que Robert Mulligan s'y était attaché avec Jeff Bridges dans le rôle titre. Que Columbia Pictures était une grosse machine. Que Bernard Hermann allait faire la musique.C'est encore moins légitime l'argument du "non commercial" car Columbia Pictures tentait de renouveler le succès du film de vengeance mettant en vedette Charles Bronson, Death Wish, de 1974. Taxi Driver suggérait un personnage revanchard encore plus dérangé que celui de l'architecte voulant venger l'assassinat de sa famille. Au final, là où Schrader écrivait un traité anti raciste, on aura plutôt l'histoire d'un homme seul dans la foule qui se lève pour se faire entendre et qui en a assez. On fera un film principalement de vengeance. Comme il y en a plusieurs populaires alors. Quand ce script tombe entre les mains (Script original aujourd'hui entre les mains d'un ancien professeur de cinéma à moi) de Scorcese, il sait qu'il a quelque chose pour lui là-dedans.La différence majeure entre un Taxi Driver de Marty ou un Taxi Driver de Brian restant probablement le point de vue.
Il serait dur de croire que DePalma serait aussi tendre avec Travis Bickle que l'ont été Schrader, Scorcese et DeNiro. En écoutant leur film, on devient Travis Bickle. C'est notre "héros". Qu'on soit d'accord ou non avec ses habitudes, ses manies, ses rituels d'existence, comme on vit sa solitude en direct, on finit par la comprendre. Il est moins un monstre raciste. Ce que Schrader voudra d'abord décrier. Quand Brian a lu le script, il n'a pas probablement pas lu le personnage de la même manière. Marty le tourne au "je", à la Nouvelle Vague Française. DePalma en aurait fait un thriller. Peut-être politique. DePalma en aurait fait un assassin politique, là où Marty en fait un égaré mental avec un Mohawk. Il aurait filmé comme dans Carrie, au ralenti, un assassinat politique réussi.Dans le script original, Travis Bickle fait un cameo dans Rolling Thunder. Quand le vétéran part en voiture avec l'excellente Linda Haynes (ce qui rend Devane tellement plus fade à ses cotés) afin de venger sa famille, il s'arrêtait en ville et dans la voiture d'a côté se trouvait Travis Bickle, avec son mohawk fraichement taillé. Les deux racistes s'échangeaient un regard presque complice d'une même mission.
Se débarrasser de "l'étranger". Une tare encore extraordinairement présente dans bien des têtes Étatsunienne.Un miroir qu'on refuse de regarder en profondeur pour s'y regarder.
Cette scène ne sera jamais filmée.
Tout comme le racisme, ne sera jamais complètement soigné.
Un miroir rendu de bord en bord qu'on refuse de réparer.
Qu'on préfère, cacher.
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