C'est aussi, pour moi, un excellent film de Gus Van Sant, une sorte de Midnight Cowboy pour ma génération, quelques 20 ans après le film de John Schlesinger de 1969, mais plus près du Henry IV de Shakespeare. My Own Private Idaho nous as séduit en 1991. J'avais 19 ans.
Plusieurs membres de la distribution, principalement River Phoenix, Keenu Reeves, Flea et Micheal Parker, tous musiciens aussi, ont été invité par Van Sant à venir vivre chez lui, dans sa grande maison de Portland, en Oregon, pendant le tournage, afin que la chimie entre les acteurs soit plus naturelle. Elle le fût un peu trop. Les gars ont tant fait la fête, fait de la musique, se sont saoulé (et plus) très régulièrement et si souvent, se couchaient extraordinairement tard, que Van Sant a dû s'expulser de sa propre maison afin d'organiser un peu d'ordre dans sa tête et avoir un peu de sommeil.La scène où les gars sont à la Une des magazines pornographiques n'a pas été réalisé avec la méthode CGI, qui, fin des années 80 et début des années 90, coûtait très très cher, encore, mais sans ordinateur et avec les acteurs se tenant derrière de larges morceaux de plexiglass qui avaient les (faux)titres des magazine en façade. Plus tard, on a bidouillé pour la scène où ils sont plusieurs à se jase en rayon de chaque "magazine". Ça, ça c'est fait à l'ordi. Qu'on avait pas tous encore chez nous. L'agent de River Phoenix refusait de faire lire le traitement du film à son client. Le film étant un film indépendant, son agent snobait Van Sant et cherchait plus payant. Reeves a don pris sa moto et s'est rendu du Canada (Reeves est canadien) à Gainesville, en Floride, où Phoenix résidait, pour lui donner sa copie du traitement du film. Phoenix a aimé et a accepté d'y participer. Van Sant a donné une copie du livre City of Night de John Rechy à Reeves et Phoenix, afin qu'ils se placent dans l'esprit de leurs personnages, vagabonds de ruelle. Reeves a tant aimé qu'il en a lu, par la suite, 5 autres du même auteur. Phoenix n'a lu qu'un paragraphe, trouvant qu'il avait l'expérience familiale (sa famille est très bohème, pieuse près de la secte et marginale) pour pouvoir construire son personnage tout seul. Il a vécu longtemps sans connexions avec la société, avait peu de racines, puisque souvent, en mouvement, et que rien n'était jamais permanent dans sa vie avant le film. L'image de la ferme qui s'envole au vent évoque ce sentiment.
L'agent de River Phoenix arrimera le projet "indépendant" à la grande maison de distribution Fine Lines Pictures associée à New Line Cinema qui sont assez peu "indépendants". Ce seront de choix payants le film fera 6,4 millions en recettes, en ayant coûté 2,5.
Phoenix a été impressionné par l'ouverture de Van Sant à l'improvisation, ce qu'il n'avait pas rencontré avec d'autres réalisateurs avant ce film. Phoenix a écrit entièrement la scène du feu de camp et l'a proposé à Van Sant qui a tout aimé. Et l'a tournée comme il l'avait écrite. En studio, contrairement à ce qu'on nous fait croire. La scène est extrêmement importante dans le film puisque jusqu'alors, les jeunes sont "victimes" de l'homosexualité et il s'agit du tout premier moment où on pourrait comprendre que l'un d'eux serait gay. Assis autour d'un feu, sans échange d'argent, il s'agissait d'un tout nouvel environnement pour présenter l'homosexualité, sans références visuelles sexuelles. Ce fût la dernière scène tournée pour le film. À la demande de Phoenix.Souvent comparé à James Dean (même dans la mort précoce) par ses pairs, quand ceux-ci lui disait qu'il était probablement le nouveau James Dean, il remerciait sans trop savoir de quoi on lui parlait n'ayant jamais vu un film de James Dean, ayant grandi dans un environnement sans télévision. Il serait même mort, deux ans plus tard, sans jamais voir James Dean ailleurs que sur un t-shirt ou sur une photo. "Mike" & "Scott" sont 2 jeunes errants desquels Van Sant s'était inspiré pour écrire le film. Un des deux fait de la figuration dans une scène de café du film. La statue du chevreuil avec un autochtone dessus, existe pour vrai, mais pas l'autochtone. Van Sant y a déshabillé un assistant, l'a fait graisser de la couleur du chevreuil et a demandé qu'il ne bouge absolument pas le temps que dure la scène. La statue du chevreuil existe encore, à Portland, tout seule. Mais a été vandalisée dans les émeutes suivant l'injustice mortelle contre George Floyd en 2020.Le film est l'addition de trois idées de Van Sant, pour d'autres films: l'histoire d'un duo de frères espagnol à la recherche de leur famille après avoir découvert qu'une région de l'Espagne portait leur nom de famille. C'était appelé A Blue Funk*. La 2ème idée était l'adaptation d'Henry IV avec des jeunes itinérants parlante en prose et la dernière, l'esquisse d'un jeune faisant du pouce, recueilli par un revendeur de pièces d'auto allemand.My Own Private Idaho est un excellent film qui a gardé Gus Van Sant dans mon viseur jusqu'à nos jours. J'ai vu 9 de ses 17 films. En possède 1, Good Will Hunting, mais ne cracherait pas sur l'acquisition de Drugstore Cowboy. My Own Private Idaho ou To Die For. J'aimerais bien voir, Don't Worry, He Won't Get Far, on Foot, adapté du livre (et de la vie) du même nom du caricaturiste Jack Callahan. Mais à défaut d'avoir pu le faire, j'en ai lu le livre, sur les plages du Roatan en début d'année. Nous avions l'âge de Phoenix & Reeves dans My Own Private Idaho. Leur possible futur. On était universitaires et on nous promettait le No future de Sex Pistols. On l'a presque tous eu, un bon bout de temps. Personnellement, je suis moi-même devenu vagabond professionnel.
Ce film serait le 4ème des 14 que fera River avant de mourir d'une surdose, à l'âge de 23 ans, le soir où on allait souligner l'anniversaire de son jeune frère Joaquin, en 1993. J'ai vu au préalable Stand By Me, The Mosquito Coast, Indiana Jones & The Last Crusade. Je verrai ensuite The Thing Called Love qui mettait en vedette principalement sa dernière amoureuse, Samantha Mathis.
River Phoenix est né la même année que ma partenaire de vie et aurait eu 52 ans, mardi dernier.
*Beau titre
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